Face à notre lutte permanente contre l’isolement social, le dessin animé Snoopy peut effectivement nous faire sourire ou nous attrister. Le célèbre héros du créateur Charles Schulz, Charlie Brown, est allongé dans un pouf, avec une pensée au‑dessus de sa tête : « L’absence rend le cœur plus tendre, mais le reste du corps plus solitaire. »
Nous savons tous comment la pandémie a imposé l’absence sociale, nous avons été enfermés loin de nos proches, contraint de limiter nos interactions à un fac‑similé numérique.
Dans la plupart des endroits, les gens ont retrouvé le contact humain. Beaucoup vont à la bibliothèque, au cinéma, au travail (l’environnement social le plus important).
Alors que les variants du Covid‑19 continuent à roder autours de nous, il est temps d’examiner l’isolement social, ses effets et les moyens pour en sortir.
Pourquoi avons‑nous besoin de contacts ?
Après avoir connu un énorme succès dans les films du début du 20e siècle, l’actrice Greta Garbo est restée dans les annales pour avoir déclaré : « Je veux être seule. » Et c’est ce qu’elle a fait : elle a pratiquement disparu d’Hollywood et de la plupart des lieux de rencontre, ne s’est jamais mariée, n’a pas eu d’enfants et a réduit son entourage à quelques personnes de New York.
Mais il a été prouvé que toute forme de solitude à long terme – même lorsqu’elle est essentiellement volontaire peut engendrer des problèmes de santé dangereux.
Comme l’indique une étude publiée dans Annals of the New York Academy of Sciences en 2011, lorsque nous nous percevons comme socialement isolé, cela entraîne des modifications de notre biochimie, notamment de l’inflammation, de l’immunité ou de l’expression des gènes. « Ensemble, ces effets contribuent à des taux plus élevés de morbidité et de mortalité chez les personnes âgées », concluent les chercheurs.
Même avant la pandémie, « nous observions qu’une variété de tendances sociales se réduisaient, des choses telles que les cercles sociaux ou les réseaux sociaux des gens », explique Julianne Holt‑Lunstad, professeure de psychologie et de neurosciences à l’Université Brigham Young de l’Utah, spécialiste renommée de l’isolement social.
Dans son étude de 2018, Julianne Holt‑Lunstadt signalait un article de 2013 selon lequel « plus d’un quart de la population américaine, et 28% des personnes âgées, vivent seules ». L’étude de son équipe indique qu’« un tiers des adultes de plus de 45 ans déclarent se sentir seuls… Ce qui équivaut à plus de 42 millions de personnes âgées qui souffrent de solitude chronique ».
« De plus en plus de personnes vivent seules », affirme le Pr Holt‑Lunstad. « Vivre seul ne signifie pas nécessairement que nous sommes isolé, mais le risque que nous le devenions augmente. Moins de gens se marient, beaucoup reculent leur mariage, et moins de gens ont des enfants. Encore une fois, cela ne signifie pas nécessairement que quelqu’un est isolé, mais, en particulier avec une population vieillissante, cela peut signifier qu’il y a moins de ressources familiales sur lesquelles s’appuyer pour obtenir un soutien social. »
Nina Vasan, médecin en chef de l’application de santé mentale Real, rejoint ce point de vue : « Nous vivons une épidémie de solitude depuis plusieurs années, avant même le Covid. Cette épidémie touche toutes les couches de la société, toutes les tranches d’âge, elle a un impact sur la démographie et la formation des groupes socio‑économiques. Lorsque le Covid est arrivé, le sentiment d’isolement social a encore été exacerbé. »
Les véritables dangers de la solitude
Ellie Borden, directrice clinique de Mind by Design, qui propose des évaluations et des traitements psychologiques ainsi qu’un accompagnement personnel et professionnel dans tout l’Ontario, au Canada, approfondit la question :
« L’isolement social, c’est mesurer concrètement le nombre de personne que nous voulons avoir autours de nous. La solitude est un sentiment lié à la qualité des relations que nous entretenons avec les autres. Il est question de savoir où en sont nos relations et où nous souhaitons qu’elles soient. Si nous sentons qu’il y a un grand espace ou un grand vide entre ces deux points, il peut y avoir un sentiment de solitude. »
Les spécialistes s’accordent sur le fait qu’il existe des raisons légitimes pour s’isoler dans la durée, tout peu initialement être relativement normal. « Une personne peut s’isoler socialement en raison d’une déficience physique à la suite d’un accident ou d’une blessure », explique le Dr Borden. « Ou bien elle est en deuil, dans une relation abusive, ou passe tout son temps sur les médias sociaux. »
« Les problèmes de santé mentale – comme la dépression, l’anxiété, les troubles de la personnalité et le manque d’estime de soi et/ou de valeur personnelle – peuvent amener quelqu’un à s’isoler, et vice‑versa. »
De tels problèmes impliquent souvent une période d’isolement avant que la personne ne reprenne ses habitudes sociales habituelles. Néanmoins, plus tôt une personne en détresse cherche à établir des liens et à obtenir du soutien, mieux c’est.
Pour certains, l’isolement peut entraîner un dangereux déclin physique et mental, note le Pr Holt‑Lunstad.
« L’isolement social augmente notre risque de mortalité prématurée », dit‑elle.
« Cela augmente le risque de maladies cardiovasculaires. Cela augmente le risque de dépression et d’anxiété. Et cela augmente le risque de déclin cognitif. C’est donc associé à des risques importants pour la santé. Eh oui ! C’est quelque chose que nous devons prendre très au sérieux. »
Peut‑être n’avons‑nous pas besoin d’aide, mais nous sommes inquiet pour un proche. Le Dr Borden dresse une liste de points à vérifier :
« ‑ Annuler fréquemment des projets ;
‑ éviter les gens et les événements qu’ils n’évitaient pas avant ;
‑ sembler inquiet ou anxieux en présence des gens ;
‑ perdre tout intérêt pour l’hygiène ;
‑ s’intéresser peu aux choses qu’ils aimaient auparavant ;
‑ ne pas vouloir sortir du lit et manquer d’activité physique. »
Les personnes qui se retirent et s’isolent complètement souffrent généralement de problèmes sous‑jacents qui doivent être traités avec l’aide d’un professionnel.
La technologie, bénédiction et malédiction
Depuis le début du millénaire, les nouveaux outils numériques nous offrent un moyen de nous connecter, un moyen de nous isoler.
« Un des meilleurs outils dont nous disposons pour nous aider à nous connecter aux autres est le média social », explique Nina Vasan. « Certaines plateformes de médias sociaux avaient initialement l’intention de créer de la connectivité et du partage. »
Mais, comme nous le rappelle le Dr Vasan, « il est important de noter que nous devons être vraiment attentifs à la façon dont nous utilisons les médias sociaux. Car si certains types d’utilisation des médias sociaux peuvent nous aider à nous connecter aux autres, d’autres types peuvent exacerber l’isolement social. Certaines formes de communication peuvent donner l’impression de soutenir et de créer des liens solides, tandis que d’autres peuvent sembler envahissantes et contraignantes. »
Le Pr Holt‑Lunstad lance également des avertissements sur l’utilisation des plateformes de médias sociaux et d’autres outils pour rester connecté.
« Bien qu’ils soient très prometteurs, nous devons être prudents et nous assurer qu’ils sont testés de manière adéquate, car il y a eu des cas où des études ont montré que leur utilisation aggravait en réalité la situation. »
« Mes collègues et moi‑même avons mené une enquête internationale dans 101 pays différents et dans 10 langues différentes, afin de déterminer quels types de facteurs contribuent à la solitude. Et un [facteur] surprenant était l’insatisfaction à l’égard des outils de tchat ou de vidéoconférence en ligne. Les personnes qui se sont déclarées insatisfaites de ces outils ont également fait état d’une plus grande gravité de leur solitude », rapporte‑t‑elle.
Il s’agit toujours de faire face
Ceux qui ont rencontré des épreuves offrent souvent les meilleures leçons. Pour rester en lien avec les autres, Kathy Harmon‑Luber a dû relever de terribles défis.
« Pendant de très nombreuses années, j’ai vu que je développais tout un tas de maladies de la colonne vertébrale », raconte-t-elle. Elle était très active jusqu’en 2016, lorsqu’un nouvel épisode vraiment sombre l’a amenée à se concentrer sur son état d’esprit et sur le lien social pour son bien‑être mental.
« La quatrième rupture de disque vertébral est survenue, me laissant clouée au lit pendant près de cinq ans », se souvient-elle. « Et c’était fou, parce que je suis une personne très active, plutôt athlétique. C’était un choc. Je pensais que ça allait guérir rapidement, mais ça a pris beaucoup de temps. Et c’était inopérable. »
Comment Mme Harmon‑Luber a‑t‑elle combattu la dépression et autres problèmes de santé mentale ?
« Je pense qu’une partie de ce qui m’a vraiment aidé à surmonter le fait d’être alitée était : ‘Comment puis‑je rester en lien avec les gens ?’ C’est la première chose à faire. Tout le monde a besoin d’un lieu de refuge et de relations. »
« J’ai vraiment fait un effort pour rester en lien. J’ai reconnu que c’était une bouée de sauvetage. Être pris dans une boucle de mauvaises pensées, de pensées négatives ‑ c’est vraiment facile d’e dériver par là et d’être envahi par de mauvaises questions. »
Finalement, Mme Harmon‑Luber a écrit un livre, « Suffering to Thriving » [De la souffrance à l’épanouissement, ndt.], qui vient de sortir le 10 mai.
« Ce que j’essaie de faire comprendre à travers le livre, c’est qu’à chaque moment nous avons le choix. Nous pouvons choisir quelque chose de mieux. Nous pouvons choisir d’être reconnaissants, au lieu d’être pessimiste en fixant toutes les mauvaises choses qui pourraient arriver dans un moment comme celui‑ci. Lorsque nous changeons notre état d’esprit, nous avons tendance à attirer de meilleures choses dans nos vies. Regardez la pandémie ou n’importe quelle mauvaise chose qui nous arrive dans la vie et dites‑vous : ‘Où est l’opportunité dans tout cela ?’ »
Démodé ne veut pas dire obsolète
Nous avons appris de nombreuses leçons dans la vie sur la façon de rester en lien avec les autres, mais nous n’avons probablement pas pris le temps de vraiment examiner et reconnaître ce que nous avons appris. Le Dr Vasan, médecin en chef chez Real, nous suggère de le faire.
« L’idée est de repenser à ces moments ou à ces activités qui nous ont permis de nous sentir en liens avec les autres, qui nous ont donné de l’énergie, et qui nous ont fait sentir que nous faisions partie d’une communauté », explique-t-elle. « Il faut les noter. Consigner ces expériences dans un journal. Quels étaient les éléments spécifiques qui nous ont marqué ? »
« Ensuite, il faut faire preuve de créativité pour reproduire ces expériences. Peut‑être que cela signifie prendre quelque chose qui était réel et le transformer en une expérience virtuelle. Peut‑être qu’au lieu de voyager, il faut faire quelque chose localement. Trouver de nouvelles façons de créer des événements et des opportunités qui soient sûrs et conformes aux lignes directrices de ce que nous sommes capables de faire aujourd’hui. »
Selon le Dr Vasan le lien avec notre communauté, la pratique de la pleine conscience et de la gratitude, la réflexion, la tenue d’un journal et l’apprentissage des meilleures pratiques autour du sommeil peuvent énormément aider.
« Voilà autant de choses qu’on peut faire et qui ne coûtent rien. »
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