Hausse des défaillances d’entreprises en France en 2024, l’arbre qui cache la forêt ?

Par Germain de Lupiac
21 janvier 2025 08:40 Mis à jour: 21 janvier 2025 11:52

Les défaillances d’entreprises ont augmenté de près de 17 % en 2024 par rapport à 2023, alors qu’un million d’entreprises ont été créées la même année, selon la Banque de France. Mais des entreprises plus importantes ont chuté et davantage de patrons ont perdu leur emploi, avec l’effet domino sur l’emploi, les clients et les fournisseurs.

Malgré « l’envie d’entreprendre » qui règne en France depuis une vingtaine d’années, « environ quatre entreprises sur dix ne souffleront pas leur cinquième bougie », remarque Thierry Millon, directeur des études Altares, évoquant « le traumatisme » subi par ces patrons, en particulier « le tiers âgés de plus de 50 ans qui envisageront plus difficilement leur rebond ».

Le relatif optimisme de la Banque de France se heurte à des conclusions plus mesurées d’autres instituts alertant sur l’effet d’entraînement de ces défaillances sur le reste de l’économie.

Des défaillances dues au « quoi qu’il en coûte »

Selon les chiffres – provisoires – communiqués par l’institution, il a été recensé 65.764 défaillances d’entreprises (redressements et liquidations judiciaires) sur 12 mois en décembre, soit 16,8 % de plus qu’en décembre 2023.

L’augmentation concerne tous les secteurs, et particulièrement les activités immobilières (+31,2 % sur un an en décembre), les « transports et entreposage » (+30,7 %), la finance et l’assurance (+26,9 %) et la construction (24,8 %).

Les augmentations sont inférieures à la moyenne dans l’agriculture (+ 6 %), l’industrie (+ 8 %) et la santé-services aux ménages (7,2 %).

La Banque de France relève néanmoins une petite amélioration en décembre : la hausse du nombre de défaillances était deux points plus élevée (+18,8 %) en novembre.

Ses économistes observent toujours que l’augmentation des défaillances « est en partie liée à un effet de rattrapage, après leur fort ralentissement pendant la période du Covid, en 2020 et 2021 », dû aux mesures du « quoi qu’il en coûte ».

Ces cinq dernières années, précisent-ils, elles ont été 20 % en dessous de ce qui avait été observé dans les cinq années précédant la crise du Covid : 222.117 de 2020 à 2024, contre 281.023 de 2015 à 2019, laissant entendre que le rattrapage devrait se poursuivre.

Un mouvement compensé par la création d’entreprises ?

À l’automne, par ailleurs, la directrice de la division Entreprises de la Banque de France Émilie Quema observait que le fort mouvement de création d’entreprises ces dernières années « accentuait naturellement le mouvement de rattrapage des défaillances ».

Parallèlement aux défaillances d’entreprises, plus d’un million de nouvelles entreprises ont été créées en France en 2024, selon l’Insee.

Les créations d’entreprises ont progressé dans presque tous les secteurs et principalement dans l’industrie manufacturière, ainsi que dans les services aux ménages, détaille l’Institut national de la statistique. Même tendance dans le secteur de l’hébergement et de la restauration, des secteurs qui échappent le plus aux défaillances.

Sur les douze derniers mois, les créations d’entreprises ont nettement augmenté – de +5,5 %, d’après l’Insee -, mais ce sont les créations d’entreprises sous la forme de microentrepreneurs qui y contribuent fortement (+7,3 %).

L’été dernier, la Banque de France concluait qu’il y avait eu davantage d’entreprises allant moins bien, mais aussi davantage allant très bien. La placidité apparente de la Banque de France face aux chiffres des défaillances n’est pas forcément en phase avec le ton adopté par d’autres instituts.

« Une des pires années depuis 2009 pour les défaillances d’entreprises »

Début janvier, BPCE L’Observatoire décrivait 2024 comme « une des pires années depuis 2009 pour les défaillances d’entreprises », notant – à partir d’une base légèrement différente incluant les sauvegardes – qu’elles avaient progressé de 28 % par rapport à 2019. L’Observatoire qualifiait de « signal d’alerte majeur » la hausse des défaillances de PME et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Selon ses chiffres, la hausse des défaillances d’entreprises moyennes a été de 34 % sur un an en décembre, et de 53 % par rapport à la décennie pré-Covid. Pour les ETI et grandes entreprises, cette hausse a été respectivement de 8,3 % et de 97 %, un quasi-doublement.

La semaine dernière, une étude d’AgileBuyer et du Conseil national des achats révélait que la défaillance d’un fournisseur, avec un risque d’effet domino fort, était considérée comme le risque n°1 en 2025 par les directeurs d’achats des entreprises.

La perte d’emploi des patrons s’accélère

Près de 30.000 chefs d’entreprises ont perdu leur emploi au premier semestre 2024, soit une hausse de 18,4 % sur un an, selon l’association GSC et le cabinet Altares.

L’âge médian des entrepreneurs concernés est de 45,8 ans. Les gérants de structures de moins de cinq salariés représentent près de neuf pertes d’emploi sur 10. Le nombre de dirigeants d’entreprises de 6 à 9 salariés touchés est en hausse de 40,2 %, celui des patrons de PME de 10 à 19 salariés augmente de 31,1 %.

Ces entreprises souffrent de « structures financières insuffisantes qui les fragilisent », remarque l’étude. Les dirigeants de structures dont le chiffre d’affaires est inférieur à 500.000 euros représentent 76,5 % des personnes touchées.

Le commerce a perdu 6456 dirigeants (+15 %), le secteur du transport et de la logistique, 1296 (+30,5 %), et celui du service aux entreprises 3716 (+18,2 %), enfin 7669 chefs d’entreprises de la construction ont perdu leur emploi au premier semestre (+34,2 %). Les pertes d’emplois sont nombreuses dans l’hébergement, la restauration, le débit de boissons (3734), mais avec une progression moindre (+7,6 %).

Un quart des pertes d’emplois (7.215, +32 %) sont en Île-de-France. La Nouvelle-Aquitaine et les Hauts-de-France sont les régions les plus épargnées avec des hausses respectives de 9,5 % et 6,6 %.

« Nos créateurs d’emplois et de richesses sont abandonnés dès lors que leur navire chavire », regrette Anthony Streicher, président de l’association GSC (garantie sociale des chefs d’entreprises) – une assurance-chômage volontaire créée par les organisations patronales pour les travailleurs indépendants. Pour lui, cela doit être « un sujet prioritaire » pour le nouveau Premier ministre.

La France table sur un déficit public à 5,4 % du PIB et une croissance à 0,9 % en 2025

La France vise un déficit public de 5,4 % du PIB en 2025, supérieur à la projection de 5 % du précédent gouvernement, et abaisse sa prévision de croissance à 0,9 % cette année contre 1,1 %, a annoncé la semaine dernière le nouveau Premier ministre François Bayrou.

Concernant la fiscalité, François Bayrou a estimé que les entreprises devaient être « prémunies contre des augmentations exponentielles d’impôts et de charges ».

En 2024, le déficit public de la France devrait atteindre 6,1 % du PIB, un dérapage pour la deuxième année consécutive qui vaut à la France d’être épinglée par Bruxelles pour déficit excessif.

À la fin septembre, la dette publique atteignait 113,7 % du PIB à 3303 milliards d’euros, faisant de la France le pays affichant le ratio d’endettement le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce et l’Italie.

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