Interpellation d’une centaine d’avocats des droits de l’homme en Chine

15 juillet 2015 11:12 Mis à jour: 26 octobre 2015 18:10

 

Dans le cadre d’une campagne coordonnée mise en œuvre ces derniers jours, les forces de sécurité du Parti communiste chinois (PCC) ont interpellé plus de 100 avocats éminents qui avaient défendu des cas politiquement sensibles. En même temps, les médias d’État essayent de les dépeindre comme des opportunistes dangereux.

Cette fois, la mobilisation des forces de  sécurité du PCC a été mieux coordonnée. Elle a également été de plus grande envergure que lors des précédentes mesures entreprises à l’encontre des avocats. Ces derniers sont reconnus comme des avocats défenseurs des droits de l’homme à cause de leurs efforts pour forcer le régime chinois à respecter les promesses inscrites dans sa constitution. Aucune annonce officielle n’a été faite au sujet de cette campagne.

Les disparitions ont commencé à minuit le 9 juillet dernier, lorsque Wang Yu, une avocate qui  défendait depuis longtemps les droits des nombreuses personnes grâce au système juridique chinois, a été emmené de son domicile par des policiers.

« Après que j’aie amené mon mari et mon fils à l’aéroport, l’électricité a été coupée chez moi. La connexion Internet ne marchait plus non plus. J’ai entendu quelqu’un essayer de forcer ma porte d’entrée et parler à voix basse à l’extérieur », a-t-elle écrit dans son dernier message à  l’ONG Défenseurs des droits de l’homme chinois (Chinese Human Rights Defenders), qui s’occupe de documenter les mauvais traitement des avocats et autres militants en Chine.

Les membres de la famille de Mme Wang, y compris son mari et son fils, seraient maintenant également détenus.

L’électricité a été coupée chez moi. La connexion Internet ne marchait plus non plus. Wang Yu

Peu de temps après son arrestation, plus de 100 autres avocats de différents endroits de Chine ont signé une lettre ouverte dénonçant cet abus de pouvoir et l’ont postée sur le site de l’ONG China Human Rights Lawers  Concern Group (Groupe de défense des avocats des droits de l’homme chinois), basée à Hong Kong.

« Nous condamnons fermement … l’interpellation de Mme Wang utilisant de telles méthodes, y compris la coupure des réseaux électriques et de l’Internet,  » écrivent-ils. «  De telles actions sont celles des voleurs, elles sont des violations graves de la justice procédurale et du principe de la primauté du droit. »

La lettre n’a pas réussi à dissuader la police politique chinoise, qui dans les 24 heures a étendu sa rafle de la ville côtière de Tianjin dans le nord à Chengdu dans le sud-ouest de la Chine.

«  Ils sont là  »


Les derniers messages de ceux qui ont été interpellés sont également apparus un par un, dont certains ressemblaient au texte d’un film d’horreur.

Par exemple, un assistant administratif du cabinet d’avocats Fengrui à Pékin parlait à l’avocat Liu Xiaoyuan lorsque les agents sont arrivés. Ils entretenaient une conversation habituelle lorsque Liu Sixin, l’assistant administratif, a soudainement commencé à dire  : « Ils sont là, ils sont là. »

Liu Sixin a disparu ensuite, ainsi que le directeur du cabinet Zhou Shifeng. Ces interpellations se sont produites le matin du 10 juillet.

Wang Yu était aussi affiliée au cabinet d’avocats Fengrui, et plusieurs autres avocats travaillant dans ce cabinet ont également été arrêtés.

Des avocats très fortement discrédités dans les médias d’État
Toutes ces personnes arrêtées ont été qualifiées par les médias d’État comme faisant partie d’une organisation criminelle. « Ils utilisent les médias d’État pour discréditer agressivement le mouvement de défense des droits de l’homme, ainsi que les avocats défenseurs des droits de l’homme dans leur ensemble », a expliqué dans son courriel William Nee, analyste d’Amnesty International.

Wang Yu, avocate chinoise défenseur des droits de l’homme tient une banderole disant « Redonnez-moi le droit de voir mes clients ». (Democratic China)
Wang Yu, avocate chinoise défenseur des droits de l’homme tient une banderole disant « Redonnez-moi le droit de voir mes clients ». (Democratic China)

Li Heping, un autre avocat bien connu pour avoir défendu Chen Guangcheng , son confère aveugle et militant des droits de l’homme, a été interpellé dans l’après-midi du 11 juillet dernier. Selon Li Chunfu, un autre avocat, son domicile a été perquisitionné par la police.

Les tentatives d’Epoch Times pour obtenir plus d’informations sur ces disparitions ont été entravées par l’atmosphère de peur. Le 11 juillet, une personne jointe par téléphone au cabinet d’avocats Fengrui à Pékin, a simplement écouté le journaliste poser des questions sans pouvoir dire un mot en réponse.

Le téléphone portable de Wang Quanzhang, un avocat éminent qui a défendu des cas politiquement sensibles de violations des droits de l’homme liées au Falun Gong, serait quant à lui désactivé. Huang Liqun, un avocat bien connu pour sa défense des pétitionnaires privés de leurs droits, est également injoignable par téléphone. Un autre avocat a dit « désolé » et a raccroché dès qu’il a appris que c’étaient des médias étrangers qui l’appelaient.

Tôt le matin du 12 juillet dernier, les réseaux officiels de propagande chinoise ont commencé à attaquer plusieurs avocats qui avaient été interpellés.

Le Quotidien du peuple, le journal officiel du PCC, a publié un article annonçant que le Ministère de la sécurité publique avait « exposé les secrets obscures » des  avocats défenseurs des droits de l’homme.

Selon le Quotidien du peuple, ces avocats auraient travaillé « main dans la main avec les pétitionnaires  et établi une  organisation criminelle très bien organisée, largement répandue et ayant une minutieuse division du travail ». Ils auraient utilisé des mots comme la justice, l’impartialité et la défense des droits de l’homme pour « troubler gravement l’ordre social et réaliser toutes sortes d’objectifs obscures et secrets ».

Des captures d’écran de la chaine de télévision officielle CCTV ont montré des gens faisant des auto-confessions en rapport avec leur participation dans ces activités.
 Les médias d’État ont déclaré que ces avocats faisaient partie d’un « cartel de défense des droits de l’homme ».

Panique dans les rangs du régime chinois
Les avocats des droits de l’homme chinois qui sont actuellement basés à l’extérieur de la Chine ne sont pas surpris par ces développements soudains.

Jin Guanghong,  un avocat qui vit actuellement à Washington et qui a été emprisonné dans un hôpital psychiatrique en Chine pour son travail de défense des droits de l’homme, a précisé  : « Le Parti communiste est en train de paniquer, alors ils recourent à la violence.  L’approche du  Parti est simple : ‘Si vous, les avocats, voulez nous ruiner, alors c’est nous qui vous ruinerons’. »

Les avocats de défense des droits de l’homme essayent d’utiliser le système juridique établi par le régime afin d’obliger le Parti à accorder à tous les citoyens chinois les droits qu’il proclame. Toutefois, selon Jin Guanghong,  le PCC voit leurs actions comme une grave menace à son règne.

Teng Biao, un des avocats défenseurs des droits de l’homme les plus éminents en Chine et actuellement professeur agrégé à l’Université de Harvard, a mentionné dans un entretien téléphonique du 11 juillet dernier que cette campagne avait probablement été prévue depuis  un certain temps.

« Depuis 2003, la communauté des avocats défenseurs des droits de l’homme a vu ses activités s’accroître en Chine et devenir de plus en plus important. Les autorités ont commencé à s’inquiéter et ont cherché à en finir. » En ajoutant  : « Elles préparaient cela depuis un bon moment. C’est un nettoyage de ce groupe d’avocats. »

S’il était encore en Chine, Teng Biao pourrait bien se trouver parmi les personnes visées.

Il a précisé  : « Ils n’ont aucun moyen de résoudre le problème. S’ils mettent derrière les barreaux 50 personnes, des nouveaux avocats apparaîtront. Ils vont juste continuer d’enfermer les gens, tandis que des nouvelles personnes vont les remplacer. »

Luo Ya Li et Jenny ont contribué à cet article.

Article original : Chinese Security Forces Attempt to Crush Rights Defense Movement

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