Hausse des moyens, refonte de la procédure pénale, nouveau tribunal des activités économiques : voici les principales mesures du projet de réforme de la justice du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, soumis au vote de l’Assemblée nationale en première lecture mardi.
Augmentation du budget et de moyens humains
Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la justice ambitionne de faire passer le budget du ministère de 9,6 milliards d’euros en 2023 à près de 11 milliards d’ici 2027. Il entérine l’embauche de 10.000 personnes, dont 1500 magistrats et 1500 greffiers en cinq ans.
Augmentation du nombre de places de prison
À la demande des LR, l’Assemblée nationale a ajouté un objectif de 3000 places de prison supplémentaires au plan de 15.000 places prévu par le gouvernement d’ici à 2027. Si l’objectif, ambitieux, était atteint, la France compterait environ 78.000 places à la fin du quinquennat. Elle compte actuellement 73.699 détenus pour 60.562 places opérationnelles, une densité carcérale globale de 121,7%.
Simplification du code de procédure
Le texte autorise le gouvernement à réécrire par voie d’ordonnance le code de procédure pénale afin d’en « clarifier » sa rédaction. Ce code est passé de 800 à plus de 2400 articles depuis son entrée en vigueur en 1959. Un comité d’experts est chargé de ce chantier, lancé en janvier et qui devrait durer au moins un an et demi. Le ministre s’est engagé à ce que le nouveau code n’entre pas en vigueur avant d’avoir été ratifié par le Parlement.
La réforme simplifie certaines règles de procédure : perquisitions de nuit élargies en matière criminelle, nouveaux droits pour les personnes placées sous le statut intermédiaire de témoin assisté, visioconférence pour l’examen médical en cas de prolongation de garde à vue.
Activation à distance d’appareils connectés
Dans les affaires de terrorisme, de délinquance et criminalité organisées, les caméras ou micros des téléphones, ordinateurs et autres appareils pourront être connectés à distance à l’insu des personnes visées pour capter son et images. L’activation à distance des appareils pour la géolocalisation serait autorisée pour les infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement.
Expérimentation de « tribunaux des activités économiques »
Dans neuf à douze juridictions et pendant quatre ans, seront expérimentés les « tribunaux des activités économiques », aux compétences élargies par rapport aux tribunaux de commerce, à destination notamment des agriculteurs.
Une « contribution pour la justice économique » sera mise en place dans ces nouveaux tribunaux afin d’inciter à recourir à un règlement à l’amiable du conflit.
Lutte contre les violences intra-familiales
Le texte instaure des pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intra-familiales dans les tribunaux. Le Sénat a prévu qu’ils soient opérationnels au plus tard au 1er janvier 2024.
Évolution des compétences des juges des libertés
Le juge des libertés et de la détention aura la possibilité de se recentrer uniquement sur le pénal. À l’appréciation des juridictions, le président du tribunal pourra décider de transférer ses compétences civiles – maintien des étrangers en situation irrégulière en rétention administrative, hospitalisations sous contrainte – à un autre juge du tribunal judiciaire.
Renforcement de l’attractivité de la magistrature
Pour renforcer son attractivité, les voies d’accès à la magistrature seront réformées et ouvertes à de nouveaux profils. La réforme prévoit la création d’une nouvelle fonction, celle d’ « attachés de justice », pour aider les magistrats dans leurs tâches. Fonctionnaires ou contractuels, ils se substitueront aux actuels « juristes assistants », au statut plus précaire et sans formation initiale.
Dans la pénitentiaire, des agents contractuels pourront être recrutés pour « seconder » les surveillants et pallier ainsi la crise du recrutement.
La réforme de la saisie sur salaire retoquée
L’Assemblée, par une coalition des oppositions, a repoussé à ce stade une mesure du projet de loi qui prévoyait de supprimer l’autorisation préalable d’un juge dans le cadre de saisies sur salaires.
La saisie sur salaire permet à une personne, à qui un salarié doit de l’argent, d’obtenir le versement de la somme qui lui est due. L’employeur doit affecter une partie du salaire du salarié au remboursement de la dette.
La réforme prévoyait de réformer la procédure prévue avec une suppression de l’autorisation préalable du juge de l’exécution. Et elle confiait l’application de la saisie aux commissaires de justice (ex-huissiers), à la place du greffe du tribunal judiciaire, avec un contrôle du juge a posteriori. La gauche avait critiqué une menace pour les plus vulnérables. Le gouvernement espère une réintroduction de la mesure lors de la commission mixte paritaire entre députés et sénateurs.
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