La Californie a ratifié mercredi une loi qui doit contraindre les géants de la réservation de voitures, à requalifier les chauffeurs de VTC en salariés, mais Uber et Lyft, les deux leaders du secteur, ne s’avouent pas vaincus.
« Cette loi va aider à résoudre le problème de statut des travailleurs considérés comme des +sous-traitants+ et non comme des salariés, ce qui les empêche de bénéficier des protections sociales de base, comme le salaire minimum ou l’assurance-maladie », a déclaré Gavin Newsom, gouverneur démocrate, lors de la signature de la loi.
Cette décision va porter un coup dur aux porte-drapeaux de la « gig economy », l’économie des employés indépendants qui travaillent aujourd’hui sans protection ni garanties.
« L’étape suivante c’est de faciliter la formation de syndicats qui pourront négocier ensemble de meilleures conditions de travail (…) tout en préservant la flexibilité et l’innovation », a ajouté le gouverneur de cet Etat progressiste où se trouvent les sièges de nombreux géants des technologies.
« Un énorme merci à tous les travailleurs, membres de syndicats et activistes qui ont passé des heures à se mobiliser pour obtenir cette victoire historique », a tweeté une fédération californienne de syndicats.
Lorena Gonzalez, la parlementaire qui a rédigé la loi, a salué sa ratification comme une « victoire massive » pour les travailleurs.
A la Bourse new-yorkaise, l’action de Lyft chutait de 4% et celle de Uber était stable à 0,32%. Ces deux titres ont affiché des performances médiocres depuis leur entrée en bourse au printemps, alors que les deux groupes continuent à enregistrer de lourdes pertes trimestre après trimestre.
Les deux leaders américains des VTC s’opposent à tout changement de statut de leurs conducteurs. Ils défendent l’idée selon laquelle un grand nombre de leurs conducteurs souhaitent travailler aux horaires de leur choix sans les contraintes d’un emploi à plein temps.
« Nous pensons que la Californie passe à côté d’une réelle opportunité de montrer la voie au reste du pays. Elle aurait pu améliorer la qualité des conditions de travail des indépendants, ainsi que leur sécurité et leur dignité », a réagi un porte-parole de Uber.
« Nous avons fièrement défendu un nouveau cadre de travail progressiste, qui aurait, pour la première fois, accordé aux travailleurs indépendants des garanties de salaire minimum, l’accès aux protections sociales et le droit de s’organiser entre eux », a-t-il ajouté, rappelant que Uber travaillait sur ce sujet depuis presque un an avec les parlementaires, l’équipe du gouverneur et des syndicats.
Lyft juge également que la reclassification des chauffeurs serait néfaste aussi bien pour eux que pour les clients du service.
Cette requalification « pourrait avoir comme conséquence que Lyft traite ses employés comme le font les autres entreprises », explique un porte-parole. « Cela pourrait signifier une limitation du nombre d’heures travaillées. Lyft n’aurait alors besoin que d’une fraction du nombre actuel de chauffeurs ».
« Les utilisateurs pourraient devoir payer plus et attendre plus longtemps, et certaines zones pourraient ne plus être desservies du tout. Ce serait particulièrement dévastateur pour les chauffeurs qui gagnent peu d’argent dans des zones mal desservies par les transports publics ou moins densément peuplées », a-t-il détaillé.
La nouvelle loi vient menacer les modèles économiques de ces deux groupes, qui voient le nombre des courses bondir, tout comme celui des utilisateurs, tandis que leurs pertes s’accumulent.
Uber a enregistré au deuxième trimestre une perte record de plus de 5 milliards de dollars.
Lors de l’adoption du projet de loi par le Sénat californien la semaine dernière, Uber avait averti que le nouveau texte entraînerait une requalification automatique de ses conducteurs en employés.
« Le projet de loi ajoute un nouveau test légal au code du travail californien qui devra être utilisé pour déterminer si un travailleur est qualifié d’indépendant ou d’employé », a défendu Tony West, le directeur juridique d’Uber.
Uber et Lyft affirment avoir mis de côté 30 millions de dollars chacun pour organiser un vote populaire, comme l’autorise la loi californienne, afin de remplacer cette loi par les compromis de droits sociaux qu’ils ont présentés au gouverneur.
« Nous sommes prêts à soumettre cette question aux citoyens pour préserver la liberté et l’accès que les conducteurs et les passagers désirent », a déclaré Lyft.
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