La fessée interdite pour de bon ? Le Parlement doit adopter définitivement mardi, par un ultime vote du Sénat, une proposition de loi déjà votée par l’Assemblée nationale visant à interdire les « violences éducatives ordinaires ».
Il s’agit d’inscrire dans le Code civil, à l’article lu à la mairie lors des mariages, que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ».
Une formule qui va bien au-delà du raccourci parfois pris à la légère de « loi anti-fessée », même si la portée du texte reste largement symbolique : il ne prévoit pas de nouvelles sanctions pénales, car elles existent déjà.
Le texte du MoDem avait été adopté en première lecture à l’Assemblée fin novembre par 51 voix contre 1 et trois abstentions.
En commission, les sénateurs l’ont adopté à l’unanimité et sans modifications.
Un vote également conforme du Sénat en séance publique vaudra donc adoption définitive.
L’adoption ne devrait être qu’une formalité, puisque le Sénat à majorité de droite avait déjà adopté en mars en première lecture une proposition de loi reprenant la même formule, portée par l’ex-ministre socialiste des Familles Laurence Rossignol.
« Ça a été long, on a perdu beaucoup de temps », a commenté la sénatrice auprès de l’agence France Presse (AFP).
La mesure avait en effet déjà été inscrite dans la loi « Égalité et citoyenneté », mais avait été censurée en janvier 2017 au motif qu’elle était sans rapport avec la loi (« cavalier législatif »).
« On arrive au bout et c’est vraiment une bonne chose », s’est aussi félicitée la rapporteure à l’Assemblée Maud Petit (MoDem). « Après, le plus dur va commencer » pour que la loi soit appliquée, a-t-elle ajouté, tout en se disant « profondément convaincue que la population française a déjà beaucoup évolué et utilise déjà moins les violences éducatives ordinaires ».
Si l’issue du vote ne fait guère de doute, l’examen au Sénat sera l’occasion d’un nouveau débat sur ce sujet sensible des châtiments corporels en France.
Lors des premiers examens à l’Assemblée comme au Sénat, quelques élus de droite et d’extrême droite s’étaient interrogés sur l’utilité d’un tel texte, voire avaient pointé une « ingérence » dans la vie des familles.
« C’est le rappel d’un principe que tous les parents devraient avoir à cœur de respecter », avait sobrement défendu le président de la commission des Lois du Sénat, Philippe Bas (LR).
« Je crois que je n’ai plus envie d’entendre « il y a des fessées qui se perdent » », avait traduit en langage plus trivial la centriste Elisabeth Doineau.
Selon la Fondation pour l’Enfance, 85% des parents français ont recours à des violences dites éducatives.
La proposition de loi a reçu le soutien sans réserve du gouvernement.
Devant les députés, la ministre de la Santé Agnès Buzyn avait argué qu’« on n’éduque pas par la peur » et que cette violence « prétendument éducative » a des « conséquences désastreuses sur le développement de l’enfant ».
« Aucune violence ne sera jamais éducative, aucune violence ne sera jamais ordinaire », avait renchéri au Sénat Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités.
Si elle est actée, l’interdiction formelle permettrait à la France d’être en conformité avec les traités internationaux, alors que le pays a été épinglé à plusieurs reprises par les instances internationales.
La France deviendrait ainsi le 55e État à interdire totalement les châtiments corporels, selon l’« Initiative mondiale pour mettre un terme à tous les châtiments corporels sur les enfants », une ONG basée à Londres. La Suède avait légiféré sur le sujet dès 1979.
D. S avec AFP
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