La Suède prend le 1er janvier la présidence de l’UE avec la volonté de promouvoir le libre-échange et d’écarter tout réflexe protectionniste, une priorité qui pourrait créer des tensions au moment où Paris et Berlin veulent durcir le ton face aux États-Unis et leur « Inflation Reduction Act ».
Formé mi-octobre, le nouveau gouvernement suédois devra d’abord, à l’amorce de cette présidence tournante de six mois, surmonter les interrogations sur l’impact de son alliance sans précédent avec les nationalistes des Démocrates de Suède (SD), grands vainqueurs des législatives de septembre.
Après huit ans de gauche au pouvoir, le Premier ministre conservateur Ulf Kristersson dirige une coalition composée de son parti des Modérés et ses alliés traditionnels, les Chrétiens démocrates et des Libéraux.
Mais le gouvernement repose sur une majorité parlementaire incluant aussi les SD. Si ce dernier ne mentionne plus dans son programme la sortie de l’UE, des frictions semblent inévitables, en particulier sur le dossier sensible de l’immigration.
« Il y a beaucoup de jolis mots quand on lit l’article du Premier ministre sur les priorités de la présidence suédoise de l’UE. Mais l’inquiétude est grande quand, en pratique, ce sont les SD qui tiennent le bâton », affirme Heléne Fritzon, eurodéputée des Sociaux-démocrates, désormais premier parti de l’opposition de gauche.
L’accord gouvernemental de Tidö – le château où il a été négocié – entre les quatre formations de la majorité prévoit que les SD soient informés de toutes les décisions prises par l’exécutif concernant l’UE. « Mais de façon générale, les sujets UE sont exclus de cet accord », tempère Göran von Sydow, directeur de l’Institut suédois des études européennes (Sieps).
Pour lui, le fait que « la plupart des ministres et leurs proches collaborateurs ont très peu d’expérience des réunions européennes » est en revanche source d’inquiétude.
Priorités affichées par Stockholm au-delà de la « compétitivité économique » ? Maintenir l’unité des Vingt-Sept sur l’Ukraine face à l’agression russe, le climat, et la défense des « valeurs fondamentales », en réponse notamment aux mesures controversées prises par la Hongrie et la Pologne.
La Suède, qui ne fait pas partie de la zone euro, « garde un rapport assez distant avec l’Europe », souligne Sébastien Maillard, directeur de l’Institut Jacques Delors, qui prédit une présidence tournante qui « accomplira son devoir » mais « ne fera pas de zèle » et « n’aura pas un rôle d’impulsion ».
Si certains profitent de l’occasion pour mettre leur pays en pleine lumière sur le continent, le pays nordique a opté pour une forme de retenue.
Contrairement aux deux dernières présidences, française et tchèque, marquées par des sommets de chefs d’État à Versailles et à Prague, aucune grand-messe n’est prévue dans le pays. Quant aux réunions ministérielles, elles auront lieu dans un modeste centre de conférence voisin du principal aéroport de Stockholm.
Sur le fond, la Suède, qui souhaite relancer des négociations d’accords de commerce international avec plusieurs pays et régions, pourrait se heurter à un calendrier défavorable et au couple franco-allemand, qui semble reprendre des couleurs dans sa quête d’une réponse commune à Washington.
La présidence suédoise coïncide en effet avec l’entrée en vigueur aux États-Unis de l’Inflation Reduction Act (IRA). Ce plan de 420 milliards de dollars, largement consacré au climat, revêt aussi un caractère protectionniste dénoncé avec vigueur par le président français Emmanuel Macron lors d’un récent déplacement à Washington.
Avec des aides exceptionnelles réservées aux firmes implantées outre-Atlantique, il entraînera « des distorsions de concurrence aux dépens des entreprises de l’UE » selon les termes de Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur.
« La présidence suédoise sera sans doute en porte-à-faux vis-à-vis des démarches franco-allemandes qui se préparent » en réponse au plan américain, prédit Sébastien Maillard.
« Stockholm va devoir gérer les tensions entre les Vingt-Sept sur le degré de riposte et d’agressivité » de l’UE face au plan américain, ajoute-t-il, soulignant que le Conseil des ministres franco-allemand, prévu le 22 janvier à Paris, pourrait envoyer un signal fort sur ce dossier.
Après 2001 et 2009, il s’agit de la troisième présidence suédoise depuis l’adhésion à l’UE en 1995. Si la ligne politique des partis suédois reste plutôt pro-européenne, l’Europe suscite un enthousiasme limité dans le pays nordique ces dernières années.
Deux décennies après le « Non » au référendum sur l’adhésion à l’euro en 2003, les sondages estiment que deux Suédois sur trois rejettent la monnaie unique.
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