Le gouvernement argentin a promulgué lundi une loi instaurant une série de mesures économiques et fiscales d’urgence destinées à remettre sur les rails l’économie d’un pays en « défaut de paiement virtuel » et plongé dans une crise similaire à celle de 2001, selon le nouveau président Alberto Fernandez.
La loi a été publiée au Journal officiel peu après 17H00 heure locale (20H00 GMT), après avoir été votée par le Parlement samedi.
La loi d’urgence économique prévoit entre autres une hausse de la fiscalité pour les classes moyennes et supérieures, des prestations sociales pour les plus défavorisés et une taxe de 30% sur les achats en devises étrangères, dans un pays où de nombreux habitants ont l’habitude d’économiser en dollars pour faire face aux dévaluations de la monnaie et à l’inflation.
Une augmentation des taxes
Elle prévoit aussi une augmentation des taxes sur les exportations agricoles, le secteur de l’agro-business étant le seul à avoir progressé ces dernières années.
Avec cette nouvelle loi, le gouvernement espère « répondre aux besoins des secteurs les plus vulnérables et concentrer tous ses efforts pour relancer la demande et donner une impulsion à la croissance », a expliqué lundi Alejandro Vanoli, le directeur de l’organisme gouvernemental de sécurité sociale (Anses), chargé de la sécurité sociale, des retraites et des aides aux personnes défavorisées.
La loi prévoit notamment un « plan contre la faim », ainsi que l’octroi de primes pour les petites retraites et, pour les plus pauvres, le report ou le gel des augmentations des tarifs des services publics.
Un pays en proie à la récession et l’inflation
L’ex-président de centre droit Mauricio Macri a laissé un pays en proie à la récession et l’inflation. Le peso argentin a chuté de 70% depuis janvier 2018. Il avait demandé fin août un rééchelonnement de la dette, notamment au Fonds monétaire international (FMI) qui a accordé à l’Argentine en 2018 un prêt de 57 milliards de dollars contre un programme d’austérité, elle en a reçu 44 milliards.
La troisième économie d’Amérique latine a connu une baisse de 3,1% de son PIB en 2019 et une hausse des prix de 55%, une des plus élevées du monde.
La dette publique s’élève à quelque 330 milliards de dollars, soit plus de 90% du PIB, dont les 44 milliards du FMI. En 2016, au début du mandat de Mauricio Macri, elle s’élevait à 20% du PIB.
Le nouveau président, un péroniste de centre gauche, a déclaré au moment de sa prise de fonctions le 10 décembre avoir hérité d’une « situation dramatique ».
« Ce n’est pas pareil qu’en 2001, mais oui ça y ressemble », a affirmé dimanche le chef de l’Etat dans un entretien avec la chaîne de télévision America TV. En 2001, l’Argentine s’était déclarée en défaut de paiement pour 100 milliards de dollars.
« A ce moment-là, on avait 57% de taux de pauvreté, aujourd’hui 41%. On avait une dette sur laquelle nous faisions défaut, aujourd’hui c’est un défaut de paiement virtuel », a-t-il répété.
Un défaut virtuel
« L’idée d’un défaut virtuel que soulève M. Fernandez sert à faire comprendre aux créanciers qu’ils devront négocier une nouvelle restructuration (de la dette) avec l’Argentine. Il fait référence à la quasi-défaillance pour dramatiser la situation et montrer que M. Macri lui a laissé un gros problème », a expliqué à l’AFP Claudio Loser, du Centennial Group, qui a son siège aux Etats-Unis.
Pour cet économiste argentin, « il y a eu un report de paiement pour la dette intérieure, qui est un défaut technique mais pas vraiment un défaut de paiement ».
Selon un fonctionnaire du FMI, qui a requis l’anonymat, l’organisme financier est ouvert au dialogue avec Buenos Aires « quand cela conviendra le mieux » aux autorités argentines. Le président Fernandez a annoncé lundi qu’une mission du Fonds se rendrait dans son pays « dans les prochains jours ».
« Défaut sélectif » – un différé de remboursement de la dette
Vendredi, Buenos Aires avait différé au mois d’août le remboursement de neuf milliards de dollars de dettes libellées en dollars. Les agences de notation Standard and Poor’s et Fitch avaient alors abaissé la note attribuée à l’Argentine à « RD » (« défaut sélectif »).
Le « défaut sélectif » désigne la situation d’un emprunteur qui n’a pas honoré une certaine partie de ses obligations ou une émission spécifique, mais qui continue de payer ses autres types d’emprunts dans les temps. Il s’agit de l’avant-dernière note de l’échelle avant le défaut pur et simple (« D »).
Mais lundi, l’agence Fitch a remonté la note de ce pays sud-américain à « CC » tout en mettant en garde contre « une forte probabilité d’un autre défaut ».
En 2001, l’Argentine, incapable de faire face aux échéances de remboursement de sa dette, avait connu le plus important défaut de paiement de l’histoire et une grave crise économique et sociale qui avait traumatisé les Argentins et les marchés financiers.
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