Après quatre mois d’audiences, le procès historique de douze indépendantistes catalans pour leur rôle dans la tentative de sécession de 2017 s’est achevé mercredi en Espagne où le tribunal rendra d’ici plusieurs mois sa décision ultra-sensible politiquement.
Anciens membres du gouvernement catalan, ex-présidente du parlement régional ou dirigeants d’associations indépendantistes, ces séparatistes ont été jugés pour avoir organisé le 1er octobre 2017 un référendum d’autodétermination, interdit par la justice et émaillé de violences policières, suivi le 27 du même mois d’une vaine déclaration d’indépendance votée par le parlement catalan.
Neuf d’entre eux sont en détention provisoire depuis plus d’un an. Des centaines de témoins, dont l’ancien chef du gouvernement Mariano Rajoy, auront été entendus par la Cour suprême, plus haute instance judiciaire espagnole, dont le jugement est attendu à l’automne et ne pourra pas faire l’objet d’un appel.
Les accusés ont déjà prévu de saisir la Cour européenne des droits de l’homme. L’ex-vice-président catalan Oriol Junqueras, incarcéré depuis novembre 2017, était le principal accusé en l’absence de l’ancien président régional, Carles Puigdemont, qui a fui en Belgique où il échappe aux poursuites. Il encourt 25 ans de prison.
« Voter et défendre la république depuis un parlement ne peut pas constituer un délit », a-t-il déclaré avant que le procès ne s’achève. « Le mieux pour tout le monde, pour la Catalogne, pour l’Espagne, pour l’Europe, est de ramener la question sur le terrain politique », a-t-il ajouté, en appelant au « dialogue » pour résoudre la crise catalane.
« Croyez-vous que les Catalans vont arrêter de lutter pour leur droit à l’autodétermination à cause d’une décision de justice ? Je suis convaincu que non », a lancé un autre accusé, Jordi Cuixart. « Nous le ferons de nouveau », a déclaré pour sa part devant la presse le président catalan Quim Torra en référence à la tentative de sécession.
A Barcelone, plusieurs milliers d’indépendantistes ont manifesté dans la soirée en solidarité avec ceux qu’ils qualifient de « prisonniers politiques ». « Quand la condamnation interviendra, nous devrons pratiquer une désobéissance civile massive », a déclaré Silvia Macia, une manifestante.
La justice et le gouvernement espagnols n’ont cessé pour leur part de marteler durant le procès que les accusés n’étaient pas jugés pour leurs idées mais pour avoir enfreint la loi. Condition indispensable du délit de rébellion, dont sont accusés neuf des douze indépendantistes, l’existence ou non d’un soulèvement violent aura été la question centrale de ce procès. Le parquet n’a pas hésité à qualifier les événements de 2017 de « coup d’Etat ».
Les juristes sont en revanche divisés sur le sujet tandis que la défense a balayé l’accusation de rébellion, affirmant que la violence était venue quasi-exclusivement de la police le jour du référendum. Pour les avocats des séparatistes, ils ont été coupables, dans le pire des cas, de désobéissance, délit sanctionné d’une simple peine d’inéligibilité.
Les points de vue diamétralement opposés des deux parties reflètent le débat tout aussi polarisé hors de la Cour suprême. Plus d’un an et demi après la tentative de sécession, la Catalogne est toujours gouvernée par les indépendantistes et profondément divisée, tandis que la question catalane reste au centre du débat politique national.
Le socialiste Pedro Sanchez, chef du gouvernement espagnol qui a entamé des tractations avec les partis pour être reconduit au pouvoir, cherche à se passer du soutien des séparatistes catalans. Ceux-ci lui ont rendu la vie impossible depuis le début du procès, précipitant notamment la convocation de législatives anticipées en avril en refusant d’approuver le budget de l’Etat.
Pour l’analyste politique Josep Ramoneda, dans ce contexte, « il est assez hypothétique que les gouvernements espagnol et catalan puissent se mettre à dialoguer », les séparatistes persistant à réclamer un référendum d’auto-détermination dont Madrid ne veut pas entendre parler.
Et « quelle qu’elle soit, la sentence sera interprétée par le mouvement indépendantiste comme un élément auquel s’accrocher pour tenter de mobiliser à nouveau », estime Oriol Bartomeus, professeur de sciences politiques à l’Université autonome de Barcelone.
D.C avec AFP
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