Après l’offensive militaire menée par Bakou mardi, les forces séparatistes arméniennes du Haut Karabakh se sont rendues au bout de 24h de combats. Si cette guerre peut surprendre par sa rapidité, elle est avant tout un énième épisode des tensions qui opposent l’Arménie à l’Azerbaïdjan depuis plus d’un siècle. Ce dernier conflit est également le fruit d’une revanche préparée par l’Azerbaïdjan depuis sa défaite de 1994.
Le Haut-Karabakh, berceau de l’Arménie et source de tensions depuis 1917
Le très convoité Haut-Karabakh (Artsakh en Arménien) est une région montagneuse du Caucase d’environ 4400 km2, comptant 120.000 habitants. Durant l’Antiquité, les ancêtres des Arméniens, les Haïks, s’y installent et fondent la ville de Tigranakert pour le roi Tigrane Ier. La région est alors intégrée au royaume d’Arménie. Le royaume passe sous califat arabe au Moyen Âge, mais ne se convertit pas à l’Islam et reste chrétienne. Les Arméniens seront par la suite sous domination ottomane et perse avant d’être réintégrés à l’Empire russe en 1805.
En 1917, année de la révolution bolchévique et de la chute de l’Empire russe, une guerre civile éclate entre les peuples arméniens et azerbaïdjanais et des affrontements ont lieu dans le Haut-Karabakh. La région, composée à 95 % d’Arméniens, déclare son autonomie et procède à des élections, devenant presque un État en 1918. En réaction à cette proclamation, la nouvelle République azerbaïdjanaise lance une opération militaire avec les Turcs, entraînant la déportation et le massacre de 40.000 Arméniens. En 1919, un accord provisoire est trouvé par les deux belligérants. Quelques années plus tard, l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont intégrés à l’URSS et deviennent des Républiques socialistes soviétiques.
Mais en 1936, Staline décide de redessiner les frontières du sud du Caucase et rattache le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan. Ces nouvelles frontières enterrent la hache de guerre entre les deux républiques pendant 50 ans.
La première guerre du Karabakh et la défaite de Bakou
En 1988, profitant de la perte d’influence de Moscou, le Haut-Karabakh vote son rattachement à l’Arménie. La première guerre du Karabakh éclate. La chute de l’URSS en 1991 accélère le conflit. La guerre s’internationalise. La Turquie soutient Bakou, la Russie, Eredan. Mais le conflit tourne rapidement à l’avantage de l’Arménie. Les soldats arméniens sont plus motivés et expérimentés. Auparavant, ils avaient davantage été sur le champ de bataille au côté des Soviétiques que leurs homologues azerbaïdjanais. L’État d’Azerbaïdjan est également plus pauvre et est gangréné par une forte corruption. La guerre prend fin en 1994 avec un cessez-le-feu imposé par la Russie et les occidentaux. L’Azerbaïdjan est vaincu et perd 13 % de son territoire, dont le Haut-Karabakh.
La revanche de l’Azerbaïdjan 30 ans plus tard
Humilié par sa défaite de 1994, l’Azerbaïdjan, dirigé par les Aliyev, instaure un nationalisme revanchard importé de Turquie et met très vite en œuvre une politique de modernisation de son économie et de son armée avec pour objectif principal la récupération du Haut-Karabakh. Des puissances étrangères viennent en aide à l’Azerbaïdjan, la Turquie et Israël. Pendant plus de trente ans, ce sont des officiers turcs et israéliens qui forment les soldats de Bakou et qui fournissent l’Azerbaïdjan en équipements de pointe (drones, systèmes électroniques).
De leur côté, les Arméniens commettent l’erreur de ne pas moderniser leurs forces armées.
Eredan en paye le prix une première fois à l’automne 2020 lors de l’opération « poing d’acier » lancé par Bakou puisque les forces azerbaïdjanaises s’emparent des territoires situés non loin du Haut-Karabakh, avant d’annexer définitivement la région cette semaine après la guerre-éclair.
Une défaite très rapide
Tout s’est passé très vite. Il n’aura fallu qu’une journée à l’armée azerbaïdjanaise pour vaincre les forces séparatistes arméniennes du Haut Karabakh. Le très court conflit qui a entraîné la mort de 200 personnes, s’est soldé par un accord conclu entre les deux belligérants. « Un accord a été conclu sur le retrait des unités et des militaires restants des forces armées de l’Arménie (…) et sur la dissolution et le désarmement complet des formations armées de l’Armée de défense du Haut-Karabakh », a indiqué la présidence séparatiste dans un communiqué.
Des négociations ont débuté ce jeudi au sujet de la réintégration de l’enclave dans le territoire de l’Azerbaïdjan et « du processus de normalisation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ». Parmi les 120.000 Arméniens vivant dans l’enclave, quelques milliers ont déjà décidé de quitter le territoire, notamment en se rendant à l’aéroport de la capitale, Stepanakert.
Des séparatistes peu soutenus
Dans ce conflit d’une durée de 24 heures, les séparatistes arméniens ont été peu ou pas soutenus du tout. La Russie aurait pu intervenir. Elle possède une base militaire en Arménie et 2000 soldats russes sont présents dans le très convoité territoire du Haut Karabakh. Mais Vladimir Poutine a simplement appelé au « respect des droits et de la sécurité » des habitants arméniens lors d’un échange avec son homologue azerbaïdjanais, Ilham Aliev. Il est très probable que Moscou n’ait pas apprécié la politique pro-occidentale menée par le Premier ministre arménien Nikol Pachinian depuis son élection en 2018.
Autre fait marquant, l’Arménie elle-même a décidé de ne pas intervenir pour aider les séparatistes. Contacté par Epoch Times, Oleg Kobtzeff, professeur à l’American University of Paris et auteur de The Ashgate Research Companion to War, paru en 2016, nous a confié que l’Arménie n’a pas les moyens d’intervenir. « Cela serait extrêmement imprudent de leur part au regard du contexte international et il n’est pas impossible que Moscou leur ait dit que ce n’est pas le moment », a-t-il ajouté.
L’Arménie toujours plus fragilisée
L’Arménie sort encore plus fragilisée de ce conflit éclair. Eredan ne dispose pas d’alliés fiables. La Russie n’a pas apprécié la politique pro-occidentale menée par Pachinian depuis quatre ans. Et les relations entre l’Occident et l’Arménie ne sont pas assez fortes pour que les Américains ou les Européens s’y investissent davantage.
« Il y a depuis un quart de siècle un rapprochement essentiellement économique entre Moscou et Ankara », a également rappelé Oleg Kobtzeff.
Ankara étant le principal allié de l’Azerbaïdjan, ce rapprochement ne joue pas en faveur d’Eredan.
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