Les câbles sous-marins sont indéniablement l’un des outils majeurs de la puissance américaine. Les GAFAM investissent massivement depuis une dizaine d’années dans ces infrastructures. Néanmoins, la France dispose d’atouts considérables dans cette compétition internationale. L’Hexagone peut compter sur ces quatre façades maritimes et s’appuyer sur des compétences solides en matière de pose et de réparation des câbles. Des atouts que certains voient comme un moyen de bâtir une souveraineté technologique et industrielle. Mais attention, des atouts qui ne sont pas nécessairement synonymes de souveraineté.
Les câbles sous-marins contrôlés par les Gafam : la puissance américaine à l’œuvre
Depuis plus d’une décennie, les Gafam investissent le marché des câbles sous-marins. Le résultat est spectaculaire. Entre 2011 et 2019, les géants américains du web ont pris le contrôle de la moitié de ces infrastructures sous-marines dans l’océan Atlantique. Le groupe Alphabet, regroupant notamment Google et Youtube, fait la course en tête.
En 2011, elle déploie son premier câble transpacifique, Unity. Depuis cette date, l’entreprise américaine a construit ou mis en projet vingt autres lignes. En deuxième position, se trouve Meta (Facebook, Instagram) avec à l’heure actuelle 16 projets de câbles. On trouve en dernière position des géants américains investissant le secteur, Microsoft et Amazon, Apple préférant encore collaborer avec les opérateurs traditionnels.
Autre fait intéressant, la plateforme allemande Statista rapporte dans un article publié en septembre que ces entreprises sont toutes soit propriétaires ou copropriétaires, soit investisseurs majeurs de plusieurs câbles sous-marins déployés ou en cours de réalisation autour du globe.
Selon le même média, le groupe Alphabet dispose même de 8 câbles pour son propre usage. Parmi les derniers câbles posés, on compte « Dunant », reliant les États-Unis à la France, mis en service en 2020, et également « Équiano », connectant l’Europe à l’Afrique du Sud.
Aujourd’hui, les Gafam disposent à ce jour d’un quasi-monopole sur ces infrastructures sous-marines et renforcent considérablement la puissance américaine. Même s’il s’agit d’entreprises et d’investissements privés, le gouvernement américain a un rôle important dans les prises de décision sur les câbles, notamment depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. En avril 2020, est instituée par décret présidentiel la « team telecom » qui donne ou non son feu vert aux Gafam pour le déploiement de câbles reliant les États-Unis à un autre pays.
La pose et la réparation des câbles : un atout pour la France
Mais dans ce secteur où règne, à travers les Gafam une hégémonie américaine, la France a des atouts précieux lui permettant de peser davantage. Contacté par Epoch Times, l’analyste géopolitique Gérard Vespierre rappelle que la France possède quatre façades maritimes.
« En tant que façade maritime, nous avons des arrivées et des départs possibles de réseaux à partir de notre propre territoire, vers les États-Unis, l’Afrique, le nord de l’Europe etc. et nous devenons ainsi, par notre position géographique, partie prenante intégrale en termes de câbles sous-marins », a -t-il ajouté.
La France dispose également de compétences en matière d’entretien et de pose de câbles. Savoir-faire non-négligeable puisque les infrastructures dont il est question ici sont régulièrement endommagés, notamment par des ancres de bateaux ou des éboulements de minéraux.
L’Hexagone peut se vanter d’avoir une importante flotte de bateaux spécialisés dans le déploiement et la réparation des câbles, aussi appelés « câbliers ». Elle représente 25 % de la flotte mondiale. Deux grandes entreprises incarnent la France dans ce secteur : Alcatel Submarine Networks (7 câbliers) et Orange Marine (7 bateaux). Elles emploient aujourd’hui des technologies de pointe pour remplir leurs missions. Nos confrères de l’Express rapportent dans un article publié le 5 octobre qu’Orange Marine utilise un robot sous-marin, capable de plonger à 3 000 mètres de profondeur et de réparer la fibre optique endommagée.
L’Express indique aussi qu’Orange possède un navire capable de transporter 5 800 tonnes de câbles.
Beaucoup d’experts voient en ce marché très ciblé un moyen pour la France de construire une souveraineté industrielle et technologique. Est-ce réellement possible ?
« Nous sommes plus dans la participation que dans la souveraineté »
Si nous pouvons être fiers de ce succès industriel français, il n’est pas justifié de parler de souveraineté industrielle et technologique pour la France. Des atouts ne riment pas avec souveraineté. « Il y a un abîme entre des atouts et une souveraineté. Ils ne permettent pas d’établir une souveraineté, surtout quand on parle d’un réseau mondial » rappelle Gérard Vespierre. « Nous sommes plus dans la participation que dans la souveraineté. La souveraineté, c’est une idée, la participation, c’est une réalité. C’est quand la participation peut devenir très importante que l’on peut éventuellement parler de souveraineté, mais ce n’est pas le cas, ce ne sera jamais le cas » poursuit-il.
Il va donc être difficile pour la France de bâtir une forme de souveraineté industrielle et technologique sur ce secteur des câbles sous-marins. Les États-Unis ont déjà le monopole de ces réseaux grâce au spectre de sociétés technologiques orienté grand public et disposant de chiffres d’affaires hors norme que sont les Gafam. La France devra aussi affronter une Chine d’1 milliard 400.000 habitants ayant aujourd’hui acquise les compétences en matière de pose et de réparation de câbles.
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