En 2021, le déficit de la balance commerciale a atteint un record jamais observé en 20 ans : 164 Mds€, mettant en lumière un important point de faiblesse de notre économie. Depuis quelques années, les fermetures répétées d’usines avaient placé la question de la désindustrialisation au cœur du débat public : renationalisation d’Alstom sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, nomination d’un ministre du Redressement productif sous celui de François Hollande (Arnaud Montebourg) et visites fréquentes des principaux candidats à la présidence de la République sur les sites sinistrés lorsqu’ils sollicitent les suffrages de leurs concitoyens.
L’Etat s’est donc peu à peu retrouvé à appliquer un interventionnisme d’urgence ne modifiant pas substantiellement les structures de l’économie française mais ayant le mérite de tenir les journalistes en haleine.
La stratégie de Roubaix, adoptée en 2018 et chargée de redynamiser les exportations nationales, se démarque ainsi par son inadéquation : plutôt que de multiplier des aides complexes et peu efficaces, mieux vaudrait alléger les fardeaux fiscaux et réglementaires des entreprises.
Depuis les années 2000, la balance commerciale de la France et sa compétitivité se sont durablement dégradées
Au début des années 2000, le solde de la balance commerciale est devenu négatif pour ne plus jamais réussir à dégager d’excédents. En 2006, l’excédent de la balance des invisibles n’a plus été capable de contenir le déficit de la balance commerciale et le solde du commerce extérieur des biens et des services est, à son tour, passé dans le rouge, jusqu’à atteindre – 48,6 Mds€ en 2021.
Pire, cette dégradation continue de notre position économique internationale s’observe même lorsque l’on retire l’énergie du calcul du solde de la balance commerciale et ce depuis 2007. La hausse massive des coûts de l’énergie liée au déclenchement, le 24 février dernier, de la guerre en Ukraine ne fait, par conséquent, que révéler un élément de fragilité de notre économie.
Comme le souligne la Cour des comptes dans un récent rapport, c’est la désindustrialisation qui a entraîné le déclin de notre solde commercial, déclin supérieur à celui des autres grandes nations industrielles d’Europe de l’Ouest (hormis le Royaume-Uni). Entre 2000 et 2020, le solde de la balance commerciale française s’est littéralement effondré, en baisse de 83,9 Mds€, alors que ceux de l’Italie et de l’Allemagne sont en hausse de respectivement 55,5 et 50,9 Mds€.
Selon une enquête de l’INSEE, les pertes de parts de marchés tricolores à l’intérieur des pays de l’Union seraient dues pour moitié à son déficit de compétitivité. Outre le problème, que nous avons déjà évoqué, des impôts de production quatre fois plus élevés en France qu’en Allemagne (avant la suppression de la CVAE), notons que le coût du travail hexagonal, aux alentours de 34€ de l’heure, demeure l’un des plus élevé d’Europe.
Ce n’est pas le niveau des salaires qui est en cause mais le poids des cotisations sociales qui alourdit le coût du travail, conduit les entreprises à délocaliser leur production, freine l’embauche et rogne les marges des entreprises françaises (31,9 % en 2020 contre 39,4 % au sein de la zone euro). La compétitivité prix de leurs produits en est affectée et elles se retrouvent dans l’impossibilité d’investir pour améliorer leur compétitivité structurelle.
Gouvernance éclatée, complexité administrative et faible performance de l’accompagnement public des entreprises : l’échec de la stratégie de Roubaix
En 2018, notre pays, sur le modèle de la National export initiative américaine, s’est doté d’une stratégie nationale d’exportation dite stratégie de Roubaix. Celle-ci cumule une série d’erreurs liées à une certaine volonté d’affichage politique.
D’abord, c’est l’Afrique qui est définie comme cible prioritaire à l’export alors même que les zones les plus dynamiques du monde se situent en Asie ou en Amérique latine. Ensuite, la stratégie concentre l’attention de l’Etat sur les ETI et les PME primo-exportatrices, faisant l’impasse sur le développement dans la durée et la pérennisation des activités d’export.
Les acteurs de cette politique sont également très dispersés. Les services économiques des ambassades, qui dépendent de la direction générale du Trésor, s’occupent de relayer la documentation sur l’économie des pays dans lesquels ils sont implantés ; BPI France a repris le rôle de la COFACE (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur) dans son rôle d’assureur des activités des PME à l’étranger ; Business France et les chambres de commerce et d’industrie internationales tiennent le même rôle et s’occupent des prestations de conseil aux entreprises.
Au niveau de l’Exécutif, Bercy et le quai d’Orsay s’entrechoquent et exercent des cotutelles, sur Business France par exemple, nuisibles à une cohérence centrale de la décision. En 2018, la Team France export a d’ailleurs été créé pour coordonner l’ensemble des organismes mais sans que cela mène à de véritables fusions.
Les dépenses budgétaires de l’Etat en la matière, essentiellement liées à la masse salariale, s’élèvent à 797 M€ en 2021, le reste des soutiens financiers directs étant majoritairement constitués de prêts bonifiés, dont les crédits exports et les prêts sans garantie à l’international (respectivement 500 et 750M€ prévus pour 2023).
La performance de ces aides est globalement remise en question par l’observatoire de l’innovation qui cite le chiffre de 27 % d’entreprises ayant eu recours aux services de BPI France et déclarant « avoir constaté une facilitation de leur développement à l’international ».
En somme il est nécessaire de privilégier l’outil fiscal, en réduisant la charge qui pèse sur les entreprises, sur les aides directes pour redynamiser nos exportations, dans l’idée notamment de respecter la rationalité économique des entreprises en évitant de fausser le marché.
Le mandat de François Hollande, avec le lancement du Pacte de confiance et du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), se contentant d’exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, a été particulièrement décevant en la matière. Il faut reconnaître à Emmanuel Macron sa volonté d’agir dans le bon sens, avec notamment la baisse progressive du taux de l’impôt sur les sociétés à 25 %, la suppression de la CVAE et la baisse du plafond de la contribution économique territoriale à 2 % contre 3 auparavant.
Il faut toutefois recommander de continuer à desserrer l’étau fiscal, avec la suppression progressive des impôts de production et une baisse du coût du travail d’au moins 20 % (ce qui le ramènerait au niveau allemand).
Concernant les structures publiques et parapubliques concourant à cette politique, la fusion des CCI à l’international et de Business France en une structure claire et unifiée serait également souhaitable.
Article écrit par Romain Delisle. Publié avec l’aimable autorisation de l’IREF.
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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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