Le sénateur André Gattolin est l’initiateur de Taiwanforall.org, un appel lancé dans plusieurs pays pour proposer la candidature de Taïwan à l’Organisation mondiale de la Santé. Il évoque aujourd’hui l’influence néfaste du Parti Communiste Chinois (PCC) sur l’institution, et l’exemple impeccable de gestion de la crise de Taïwan dans la lutte contre virus du PCC (Covid-19).
Depuis le début de la crise sanitaire mondiale, Taïwan, qui compte 23 millions de personnes, n’a enregistré que 108 cas du virus et un seul décès, sans avoir eu recours au confinement. L’avertissement d’un virus à transmission interhumaine a été signalé par Taïwan à l’OMS dès le 31 décembre, mais l’institution n’a pas réagi. Le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a affiché cependant un soutien direct aux autorités chinoises et ne s’est pas exprimé sur le modèle de la gestion de crise par Taïwan.
Epoch Times a rencontré le 2 avril le sénateur André Gattolin qui nous a fait part du dysfonctionnement de l’OMS dans la gestion et la transmission des informations qui ont permis à l’épidémie de Wuhan de devenir une pandémie mondiale. A l’inverse, Taïwan a su prendre les bonne décisions dès le début et a pu éviter la crise sanitaire. Pourtant, l’OMS refuse toujours d’impliquer Taïwan dans les travaux pour lutter contre la pandémie.
Epoch Times : Comment jugez-vous la réaction de l’OMS à l’épidémie ?
Sénateur André Gattolin : On le voit bien dans les événements récents, il y a une déficience et un dysfonctionnement de la part de l’Organisation mondiale de la santé. On l’a vu dans le retard de la transmission d’information, le passage d’épidémie à statut de pandémie alors que tous les épidémiologistes internationaux disaient que nous allions vers la pandémie.
Je soupçonne l’OMS d’être sous l’influence du régime de Pékin puisque la reconnaissance de la pandémie a correspondu au moment où la Chine a commencé à communiquer officiellement sur ses mesures pour lutter contre la propagation du virus sur son territoire. C’est au même moment que l’Italie et le reste de l’Europe commençaient à être touchés par le coravirus. Il y a donc de la part de l’OMS de fortes faiblesses.
Taïwan a réagi très tôt à l’épidémie…
Taiwan a disposé du statut d’observateur au sein de l’OMS. En 2016, parce que Taiwan avait élu des représentants et une présidente en faveur d’une totale indépendance avec Chine, le pays a été sorti des instances de l’OMS. C’est dramatique car dans le cadre de la crise du Covid-19, Taïwan a été le pays le plus performant en matière de lutte contre le coronavirus.
Dès décembre 2019, les responsables de Taïwan ont communiqué à l’OMS le risque très important de transmission interhumaine du virus. Ce qui n’était pas signalé par la Chine. Ce n’est que le 20 janvier dernier que la Chine a reconnu la possibilité d’une transmission interhumaine du virus.
Face à cette alerte de Taïwan, l’OMS a complètement ignoré l’information. Elle n’a pas donné les informations sur la propagation du virus à Taïwan, n’a pas tenu compte non plus des informations et des recherches faites par Taïwan.
C’est à ce titre là qu’il nous a semblé important d’organiser une mobilisation pour dire que Taïwan méritait d’être prise en compte dans les travaux de l’Organisation mondiale de la Santé.
Le retour de Taïwan dans l’OMS est-il envisageable?
Si on ne peut pas lui donner un statut à part entière, il faut restaurer son statut d’observateur. Notamment à la prochaine grande Assemblée qui aura lieu en mai à Genève. Taïwan n’est pas invité mais il faut absolument que Taïwan participe au groupe de travail parce que l’OMS a besoin de Taïwan et Taïwan a également besoin de l’OMS.
J’entends bien, avec mes collègues, recenser des signatures de toute l’Europe et au-delà. Puis nous irons remettre cet appel au secrétaire général de l’OMS à leur réunion à Genève pour faire savoir que les citoyens, les spécialistes, mais aussi les représentants parlementaires de nombreux pays trouvent que les choses ne peuvent pas fonctionner ainsi, qu’il faut faire évoluer l’Organisation mondiale de la santé.
Concernant la transmission interhumaine du virus, est-ce que cela aurait permis de mieux combattre l’épidémie si l’information avait été communiquée un mois plus tôt?
Oui, le fait que l’OMS n’ait pas intégré les informations sur la transmission interhumaine du virus dès la fin décembre nous a fait perdre un temps considérable.
On voit bien,qu’un certain nombre d’études ont été faites aux États-Unis. Elles ont été publiées sur le site du New York Times. Aujourd’hui les travaux qui sont en cours montrent qu’on savait, dans tous les cas en Chine depuis fin octobre-début novembre, la virulence du virus.
Si on avait tenu compte de cette transmission interhumaine, on aurait mis en place des mesures beaucoup plus sérieuses, pas simplement de confinement de la ville Wuhan ou du Hubei, mais aussi le confinement des flux de populations notamment aériens – et c’est ce que notamment Taïwan a fait très tôt aux arrivées sur l’île-, un contrôle de la fièvre, de demandes d’information concernant les personnes et très rapidement des tests à grande échelle. À défaut d’empêcher le virus de venir en tous les cas, déployer les moyens pour le contenir et identifier les personnes susceptibles de le transmettre.
Peut-on parler de désinformation chinoise par rapport au virus ?
La véracité des données et des statistiques qui sont transmises en dehors de Chine sont quand même sujettes à caution. On le voit dans de nombreux domaines. Notamment en matière de croissance économique, cela fait des années que les économistes internationaux sérieux disent que les chiffres de croissance annuelle présentés ou annoncés par la République populaire de Chine sont assez irréels, en tous les cas, ils sont surestimés.
Au moment où l’Europe est particulièrement touchée et que les États-Unis entrent en pleine crise pandémique avec une récession annoncée, la Chine se présente comme l’Eldorado économique, la solution du redémarrage.
Tout çà fait partie d’une désinformation. On sait combien les investisseurs économiques et financiers dans le monde sont volatiles. Il s’agit donc de dire : « Il y aura une profonde récession de plusieurs points en Europe et en Amérique du Nord, où allez-vous vous tourner pour investir ? Dans les autres pays émergents ? C’est difficile, parce que l’on sait qu’ils vont être à leur tour frappés par le coronavirus ». La Chine passe pour un eldorado sanitaire dont on a en réalité aucun moyen de vérifier les allégations.
Y aurait-il une tentation de la Chine de faire de l’OMS un organe de propagande ?
La Chine, avec près d’1 milliard et demi d’habitants, pèse considérablement dans le budget interne de l’OMS. Ce qui en a fait un instrument de pression extrêmement vif et vigoureux à l’intérieur de l’institution lors de l’élection du dernier directeur de l’OMS. On a bien vu que les représentants occidentaux on été écartés. Parmi ces derniers, il y avait Philippe Douste-Blazy, ancien ministre français de la santé. On a nommé un représentant éthiopien qui a des origines politiques… on peut le dire, d’ancien guérillero d’extrême gauche, ça fait partie du contexte actuel.
En tous les cas, l’OMS va devoir être interrogée. Je pense qu’une fois que cette crise, espérons-le, sera passée, il faudra se poser très sérieusement la question de comment est apparu ce virus ? Est-ce qu’il est apparu spontanément où résulte-t-il de travaux de bactériologie? Les intentions étaient-elles bien sanitaires ? Il faudra quand même que la Chine à travers ses laboratoires et notamment le laboratoire du P4 à Wuhan rende des comptes. Il faudrait qu’il y ait la possibilité d’une commission d’enquête internationale, ce dont personnellement je doute, et puis il faudra aussi très clairement évaluer effectivement les erreurs commises par l’OMS et les problèmes de gouvernance que cela pose. Le premier État en terme de population au monde est important, mais ça ne lui donne pas un droit de regard sur toute la communication qui est émise par une organisation de nature planétaire.
Est-ce que l’on peut, peut-être élargir la question en disant que la Chine, le régime chinois fait tout ce qu’il peut, tout ce qui est en son pouvoir pour acquérir de l’influence à l’étranger ?
Oui, c’est un cas très particulier. Ceux qui connaissent et suivent de près les discours du pouvoir de Pékin savent très bien qu’il y a un objectif qui s’appelle 2049, en référence aux 100 ans après la fin de la grande marche qui a amené Mao Tse-tung au pouvoir. Cet objectif, c’est de disposer à l’horizon 2049 du leadership mondial dans tous les domaines : économique, commercial, militaire, diplomatique, culturel, dans les transports, etc.
Aujourd’hui, il y a une volonté de retourner la situation qui était défavorable à la Chine pour tenter de poser la Chine en leader sanitaire mondial. Nous recevons certains messages chinois disant qu’en fait le virus était né en Italie. C’est tout de même une inversion de la preuve qui est assez étonnante.
Le Parti Communiste dit : nous allons vendre, distribuer et donner [du matériel médical]. En fait, rien n’est donné aux pays occidentaux. Pour l’assistance sanitaire, on s’en est rendu compte à propos des masques que tout était payant.
Quand je regarde les médias français, y compris les médias du service public, ils relaient certaines informations, certaines statistiques venant de Chine sans aucune précaution.
Depuis quelques jours, on parle de ces milliers, voire dizaines de milliers d’urnes funéraires qui sont exposés [45 000 urnes funéraires ont été acheminées à Wuhan le 27 mars, ndr] et peut-être qu’il y a eu beaucoup plus de morts. Enfin on est quand même devant une vérité cinglante pour ceux qui connaissent les statistiques.
Assiste-t-on aujourd’hui à une nouvelle démonstration de la guerre existante entre le régime chinois et le bloc État-Unis/Europe ?
Oui, cela s’y s’apparente. On a une re-bipolarisation du monde. Durant la guerre froide et l’opposition URSS/États-Unis, n’oublions pas qu’il y avait aussi des États non-alignés et des États tiers même s’ils étaient loin derrière les U.S.A et l’URSS en terme de puissance. On est effectivement dans la reconstruction d’un système de super-puissances un peu différent, car il s’agit ici d’ « État-continents ». La Chine en est un. Les États-Unis avec leurs alliés, d’une certaine manière canadiens et mexicains, en sont un autre. L’Europe pourrait en être un, s’il y avait une capacité de décision économique et politique plus forte, mais l’Inde aussi, donc on n’est pas tout à fait dans le même système dialectique qui serait les États-Unis face à la Chine.
Il y a une volonté d’infiltration des meilleurs alliés des États-Unis que sont les Européens et l’Union européenne à travers des investissements tous azimut en visant les pays fragiles, les ex-pays de l’Est ou les pays du Sud qui sont menacés.
Comment est née votre initiative « Taïwan for all » ?
Il y a 2 semaines, un certain nombre d’étudiants taïwanais qui vivent en France, emmenés par l’un de leur professeur à Rennes, ont pris contact avec moi en disant : « voilà, on a lancé une pétition sur la situation inacceptable et la position de l’OMS face à Taïwan. »
Ils m’ont adressé le texte, on a eu à reformuler un peu les termes du texte. À ce jour, on a quelque chose comme 85 ou 87 parlementaires français, près d’une cinquantaine de sénateurs, une quarantaine de députés de l’Assemblée nationale et quelques euro-députés français, une cinquantaine aussi de parlementaires et députés taïwanais qui ont signé ce texte d’appel en disant: « Il faut donner une place entière, il faut une coopération réelle renforcée de l’ OMS avec Taïwan. »
Pour cette pétition, nous avons aussi associé beaucoup de gens du monde médical, de la recherche en France et à Taïwan, et également bien sûr un grand nombre de chercheurs universitaires notamment en France qui sont spécialistes des questions asiatiques, de l’Asie du Sud-est et qui connaissent bien ces sujets. Au total, donc nous avons 225 personnalités françaises, signataires à ce jour. Nous avons aussi des contacts au Royaume-Uni, en Italie, dans d’autres pays qui nous ont dit : « Mais c’est excellent nous voulons aussi soutenir cette initiative. »
Pour cette raison, nous avons créé ce site qui est un appel international: Taiwanforall.org. Aujourd’hui, nous avons plus d’une dizaine de traductions en langues différentes et nous entendons bien entendu donner un impact international, européen asiatique et nord-américain à cette requête, parce que je crois que c’est le moment stratégique pour faire évoluer l’organisation sanitaire mondiale et en particulier l’OMS. Pour repartir des faits c’est-à-dire avoir une vraie approche scientifique et non plus une approche strictement politique et d’influence au sein de cette organisation parce que nous le savons déjà, nous avons déjà eu plusieurs épidémies.
C’est le moment pour l’OMS de remettre les pendules à l’heure. Il y a eu le SRAS au début des années 2000, nous avons cette épidémie aujourd’hui, on peut envisager qu’à ce rythme, tous les 6 à 7 ans il pourrait émerger une nouvelle situation de virus extrêmement grave, à une échelle multi-continentale.
Propos recueillis par David Vives
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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