L’UE ouvre la voie à une augmentation des dépenses de défense européennes

Avec le retrait des États-Unis, les pays européens augmentent leurs dépenses de défense et tentent d'accroître les investissements dans les industries de défense du continent

Par Chris Summers
15 février 2025 18:09 Mis à jour: 18 février 2025 22:03

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a approuvé l’assouplissement des règles fiscales pour permettre aux pays de l’Union européenne de dépenser davantage pour la défense.

« Qu’il n’y ait pas de place pour le doute, je crois qu’en matière de sécurité européenne, l’Europe doit faire plus, l’Europe doit apporter davantage à la table, et pour y parvenir, nous avons besoin d’une augmentation des dépenses européennes de défense », a déclaré Mme Von der Leyen dans un discours prononcé lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, vendredi dernier.

Alors que les États-Unis se retirent de plus en plus de leur politique de protection de l’Europe contre l’agression militaire russe, en vigueur depuis des décennies, les pays européens augmentent leurs dépenses de défense et tentent d’accroître les investissements dans les industries de défense du continent.

Cependant, ils se sont heurtés à des obstacles bureaucratiques et institutionnels, ainsi qu’à des investisseurs sceptiques qui voient de meilleurs profits et moins de risques dans d’autres secteurs.

Mme Von der Leyen a déclaré que les pays de l’Union européenne dépensaient en moyenne environ 2 % de leur PIB, mais qu’ils devaient augmenter leur budget à plus de 3 %.

Ce pourcentage resterait bien inférieur aux 5 % que le président Donald Trump a exhorté les pays de l’OTAN à dépenser.

Elle a rappelé que l’Europe était en conflit avec la Russie « dévoyée » au sujet de l’Ukraine et a insisté sur la nécessité d’une « approche audacieuse ».

« C’est pourquoi je peux annoncer que je proposerai d’activer la clause de sauvegarde pour les investissements en matière de défense », a-t-elle déclaré. « Cela permettra aux États membres d’augmenter considérablement leurs dépenses en matière de défense. »

Ce changement permettrait aux gouvernements de l’UE d’augmenter leurs dépenses de défense sans enfreindre les règles budgétaires strictes de l’Union à 27, qui n’autorisent pas les emprunts excessifs.

L’annonce de Mme Von der Leyen s’appuie sur un document préparé par la Pologne, qui assure la présidence tournante de l’UE. Selon ce document, l’interprétation actuelle des investissements dans le domaine de la défense, qui se limitent aux équipements militaires tels que les chars ou les avions, est trop restrictive.

Mme Von der Leyen a fait cette annonce deux jours seulement après que le secrétaire américain à la défense, Pete Hegseth, a déclaré aux partisans de l’Ukraine en Europe qu’il était « irréaliste » que Kiev devienne membre de l’OTAN ou revienne à ses frontières d’avant 2014.

Les propos tenus par M. Hegseth, lors d’une réunion en Belgique mercredi, font suite à l’annonce du président Donald Trump, le 12 février, de son accord avec le président russe Vladimir Poutine d’« entamer immédiatement des négociations » afin de mettre fin à la guerre en Ukraine. En réponse, six nations européennes et la Commission européenne ont déclaré le 12 février que l’Ukraine et elles-mêmes devaient être impliquées dans les négociations.

Vendredi, Mme Von der Leyen a également déclaré : « De nombreux membres des cercles de sécurité en Europe ont été déconcertés, voire inquiétés, par les commentaires faits par de hauts responsables américains en début de semaine ».

« Mais nous devons être honnêtes, éviter l’indignation et le tollé, car si nous écoutons la substance des remarques, non seulement nous comprenons d’où elles viennent, mais nous reconnaissons qu’il y a certaines remarques sur lesquelles nous pouvons être d’accord, car oui, les États-Unis et l’Union européenne veulent tous deux mettre fin à l’effusion de sang », a-t-elle déclaré.

Dans une interview accordée au Financial Times le 14 février, le président français Emmanuel Macron a exhorté l’Europe à ne plus acheter de matériel militaire aux États-Unis.

« Nous devons également développer une base européenne de défense, industrielle et technologique pleinement intégrée. Cela va bien au-delà d’un simple débat sur les chiffres des dépenses », a déclaré M. Macron.

« Si tout ce que nous faisons, c’est devenir des clients encore plus importants des États-Unis, alors dans 20 ans, nous n’aurons toujours pas résolu la question de la souveraineté européenne. »

Il a également exhorté les pays européens à acheter le système de défense aérienne franco-italien SAMP-T, qu’il a qualifié de meilleur que le système de missiles américain Patriot.

En 2017, Macron a appelé l’UE à « disposer d’une force d’intervention commune, d’un budget de défense commun et d’une doctrine d’action commune ». L’année suivante, la chancelière allemande de l’époque, Angela Merkel, a déclaré : « Nous devrions travailler sur la vision d’établir un jour une véritable armée européenne. »

Le plan d’armée de l’UE ressuscité ?

Tim Ripley, analyste de la défense et auteur de Little Green Men : The Inside Story of Russia’s New Military Power (Les Petits Hommes verts : l’histoire méconnue de la nouvelle puissance militaire russe), a déclaré à Epoch Times que l’idée de Mme Merkel d’une armée de l’Union européenne pourrait être ressuscitée à la lumière des propositions de M. Trump concernant l’Ukraine.

« Cette idée pourrait revenir, car si l’OTAN ne peut pas assurer la présence d’une force de maintien de la paix en Ukraine, la solution la plus évidente serait une force mandatée par l’Union européenne », a-t-il poursuivi.

Il a rappelé que Donald Trump et M. Hegseth disaient en fait à l’Europe : « Si vous voulez aller protéger l’Ukraine, c’est votre problème. »

La plupart des pays de l’OTAN ont vu leurs dépenses de défense augmenter ces dernières années. Cela s’est traduit souvent par l’achat d’avions, de drones et d’autres matériels auprès des États-Unis, d’Israël ou de la Corée du Sud.

« Si les contribuables européens veulent consacrer plus d’argent à la défense, il est évident qu’ils en retireront un bénéfice en termes de sécurité et de sentiment de sécurité, mais il est également naturel que cet argent permette aux travailleurs européens de conserver leur emploi, plutôt que les travailleurs en Floride ou au Texas », a souligné M. Ripley.

La Pologne est l’un des pays qui a créé des emplois dans son propre secteur de la défense tout en augmentant ses dépenses, mais elle a acheté une grande partie de son matériel aux États-Unis.

En 2020, la Pologne a signé un accord de 4 milliards de dollars pour acheter des avions à réaction F-35 Lightning II à Lockheed Martin, plutôt que d’acheter des Typhoons, qui sont fabriqués par Eurofighter en Europe.

Le 31 janvier, une lettre signée par la France, l’Allemagne et 17 autres pays de l’UE a demandé à la Banque européenne d’investissement (BEI) d’assouplir les règles relatives aux prêts à l’industrie de la défense.

La BEI est détenue conjointement par les gouvernements des 27 États membres de l’UE et il lui est actuellement interdit de financer la production de munitions, d’armes ou d’équipements militaires.

La banque peut prêter aux entreprises qui fabriquent des produits à double usage, avec des applications civiles et militaires, comme les satellites ou les drones.

Augmentation des capacités et des stocks

D’après M. Ripley, il est préférable d’augmenter le taux de production des avions, des drones et des missiles existants, plutôt que de consacrer de l’argent à la recherche et au développement de nouveaux types d’armes et d’équipements.

« Vous augmentez le nombre de séries de production, vous augmentez le nombre d’obus que vous achetez, vous augmentez le nombre de missiles. »

« Ainsi, vous augmentez votre capacité et votre stock, ce qui signifie que vous avez plus de matériel pour combattre, plutôt que de tout dépenser en recherche et développement exotique et d’investir dans un avion qui ne sera peut-être pas livré avant 15 ans. »

Il a souligné qu’en Europe, le retour sur investissement dans l’industrie de la défense était traditionnellement faible pour les investisseurs.

« Premièrement, parce qu’ils ne fabriquaient pas beaucoup de pièces de matériel, la production était limitée. Il n’était pas possible d’en fabriquer davantage et de les vendre à l’exportation, afin de réaliser davantage de bénéfices. Il n’y avait pas de possibilité de faire des profits exorbitants. »

M. Ripley a cité en exemple l’avion de combat Eurofighter Typhoon, construit par Airbus, BAE Systems et Leonardo en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Espagne et en Italie, qu’il a qualifié de « monopole » avec des marges bénéficiaires restreintes.

« Une seule entreprise par pays obtient le contrat pour les fabriquer, et elle n’est autorisée à réaliser qu’un bénéfice de 5 %. Leurs bénéfices sont donc plafonnés, il s’agit d’une situation de monopole. »

A propos de l’industrie de la défense, M. Ripley a estimé que « ce n’est pas comme les produits pharmaceutiques, où l’on peut parier sur un médicament danois pour la perte de poids [Ozempic], où l’entreprise fait des profits effrénés parce qu’elle le peut. L’économie de la défense ne fonctionne pas de la même façon. »

Des « risques de réputation indéniables » pour les investisseurs

Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a déclaré lors d’une réunion au Forum économique mondial de Davos, le 22 janvier, que les directives environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) nuisaient à la capacité de l’Occident d’investir dans la défense.

Les lignes directrices ESG sont basées sur les objectifs du millénaire des Nations unies, qui sont un ensemble d’objectifs de « développement durable » convenus en 2015, qui comprennent la promotion de l’égalité des sexes, l’éradication de la pauvreté et la prise de mesures concernant les préoccupations climatiques.

De nombreux fonds de pension, entreprises et autres grands investisseurs choisissent leurs lieux d’investissement en fonction de ces lignes directrices ESG.

Cette situation laisse souvent l’industrie de la défense à l’écart, ce que M. Rutte tente de surmonter en encourageant les gens à soutenir les dépenses de défense et à en parler de manière positive.

« Aux citoyens des pays de l’OTAN, en particulier en Europe, je dis : ‘Dites à vos banques et à vos fonds de pension qu’il est tout simplement inacceptable qu’ils refusent d’investir dans l’industrie de la défense’ », a déclaré M. Rutte dans un discours prononcé au Concert Noble, à Bruxelles, en décembre 2024.

« La défense n’est pas dans la même catégorie que les drogues illicites et la pornographie. Investir dans la défense, c’est investir dans notre sécurité. C’est une nécessité ! »

Un véhicule de transport de drones, fabriqué en Pologne pour l’armée polonaise, est présenté à Stalowa Wola, en Pologne, le 23 décembre 2024. (Wojciech Król/Ministère polonais de la Défense)

Xavier de Laforcade, responsable de la gestion de portefeuille chez le banquier Rothschild Martin Maurel, a écrit dans un blog, l’année dernière, à propos des défis auxquels sont confrontés ceux qui veulent investir dans l’industrie de la défense en Europe.

Il a déclaré que l’industrie de la défense comportait des « risques de réputation indéniables » pour les investisseurs.

« Si le fait de financer ‘indirectement’ l’industrie de la défense en achetant des obligations d’État [par exemple] ne semble pas poser de problème, certains investisseurs préfèrent éviter complètement le secteur pour ne pas nuire à leur image ou à leurs convictions », a écrit M. Laforcade.

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