Rembrandt van Rijn, génie incontesté de l’âge d’or de la peinture hollandaise, a su manier avec brio différentes techniques. Toujours accompagné d’un regard tendre et compassionné, il a su faire surgir la lumière de la pénombre, l’authenticité de la condition humaine.
Les quelque cinquante œuvres présentes dans l’exposition comprennent peintures, gravures, dessins et eaux fortes, parmi lesquelles se trouvent quelques prêts exceptionnels.
Les œuvres venues de près et de loin (Metropolitan Museum St Petersbourg ou Berlin) ont été réunies autour de trois chefs-d’œuvre faisant partie de la collection Jacquemart-André : Le Repas des Pèlerins d’Emmaüs de 1629, Portrait de la Princesse Amalia Van Solms de 1632 et Portrait du docteur Arnold Tholinx de 1656.
Ces trois tableaux, représentant trois périodes majeures dans la carrière de Rembrandt, offrent une formidable occasion de découvrir ou de redécouvrir le maître hollandais qui n’a cessé d’évoluer tout au long de sa carrière.
Sa vie
Rembrandt Harmenszoon van Rijn (1606-1669), plus connu sous le nom de Rembrandt qui est en fait son prénom, est le huitième enfant d’une famille de meuniers basée à Leyde. Sa mère est catholique et son père protestant.
Il suit ses premiers cours de dessin à l’école latine dirigée par les calvinistes puis s’inscrit à l’université de Leyde à la faculté de philosophie. Il n’y reste pas longtemps et décide de se consacrer à la peinture. En 1624, après six mois d’apprentissage à Amsterdam chez le plus important maître de l’époque, Pieter Lastman, il ouvre un atelier à Leyde. Influencé par son maître, il entreprend les scènes historiques considérées alors comme le sommet de la hiérarchie des genres. Les commandes commencent à affluer.
Fin 1631-1632, Rembrandt s’installe à Amsterdam. C’est en 1663 qu’il signe pour la première fois avec son prénom se hissant ainsi à la hauteur de Raphaël. Il travaille dans l’atelier du marchand d’art Hendrick Uylenburgh où il rencontre sa future épouse Saskia, cousine de Hendrick Uylenburgh. Ils se marient en 1634. Un an plus tard, il s’installe comme peintre indépendant et prend de nombreux élèves. Rembrandt devient rapidement le portraitiste des notables, des grands bourgeois et de la plus haute instance de la Hollande, le Stathouder. Il collectionne des œuvres d’art qui lui servent de source et déménage dans une grand demeure dans le quartier neuf pour pouvoir les accueillir. Malgré les commandes, les dettes commencent à s’accumuler. En 1942, l’année où il achève La Ronde de nuit, Saskia meurt à 30 ans. Un an auparavant, elle met au monde Titus, le seul de leurs enfants qui atteint l’âge adulte. Il continuera à le peindre même après sa mort. Les années suivantes, les malheurs, les procès et les créanciers continuent à le poursuivre. En 1649, il tombe amoureux de Hendrickje Stoffels qui lui donnera une fille. Ils ne se marieront pas. Elle meurt en 1663 et il perd Titus en 1668. En 1669, après avoir perdu tous ses biens, Rembrandt finit ses jours entouré de sa fille Cornelia, de sa belle-fille Marguerite et de sa petite-fille Titia.
La lumière qui surgit de la pénombre
La première salle de l’exposition est consacrée au jeune Rembrandt influencé encore par son maître Pieter Lastman dans la représentation des détails, des compositions et des couleurs. Cela s’illustre particulièrement dans L’Ânesse de Balaam (1626) ainsi que dans Scène d’Histoire (1626), tableau surprenant de grande envergure « aux couleurs acidulées » selon le commissaire Emmanuel Starcky. La deuxième salle, en revanche, présente des peintures d’histoires intimes exprimant une gamme inépuisable d’émotions.
Issu d’un milieu plutôt tolérant – sa mère est catholique et son père protestant –, Rembrandt a grandi dans la ville de Leyde parcourue par différents mouvements religieux. Il s’intéresse tant à l’Ancien Testament qu’au Nouveau qui sont tous deux pour lui une source d’inspiration.
C’est dans cette même salle de l’exposition que l’on peut trouver sa manière de traiter la foi comme celle de traiter le clair-obscur.
Face aux Pèlerins d’Emmaüs (1628), peignant le moment où le Christ se révèle aux deux pèlerins souffrant de doutes, se trouve un tableau de Saint-Paul avant de se convertir.
Le Repas des Pèlerins d’Emmaüs, La Fuite en Égypte (1627), Parabole de l’homme riche (1627) et Autoportrait en Saint-Paul (1661) réunis dans cette salle, sont représentatifs de la façon dont le maître hollandais travaillait la lumière. Forte, ou douce émergeant de la pénombre, d’en bas, du centre ou d’en haut, de plusieurs côtés ; d’un feu invisible à l’œil situé sur les cotés de la route, probablement préparé par des bergers ou d’une bougie cachée dans les mains d’un personnage qui compte son argent, Rembrandt accentue l’éphémère. Illuminant une seule partie du tableau, le non dit révèle autant que la partie éclairée. Ainsi, dans Le Repas des Pèlerins d’Emmaüs, il éclaire le Christ par derrière, presque comme une ombre chinoise. Rembrandt met sous le jour une émotion, un trait caractéristique, une ambiance et laisse l’imagination du spectateur compléter le tableau.
Le succès
Installé à Amsterdam, Rembrandt remporte de plus en plus de succès et les commandes prestigieuses affluent. Ses portraits reflètent la société de son époque.
Ses portraits mettent à nu les grandes dames et les notables dévoilant ainsi l’essence profonde de leur nature, scrutant avec honnêteté leur âge, leurs traits, leur intimité, suggérant avec une délicatesse discrète leur statut. Loin d’embellir et d’idéaliser la première dame de Hollande dans Portrait de la princesse Amalia van Solms (1632), Rembrandt la peint avec un réalisme franc et cru.
Ce sont les perles, les rubans et la dentelle de la dame que Rembrandt traite avec grande délicatesse. En 1632, la même année où il peint la princesse, il peint le Vieil Homme en costume oriental. Dans cette œuvre, le contraste entre le visage grave et ridé du vieux et les étoffes somptueuses de son costume est envoutant, voire bouleversant, un contraste entre ce qui est essentiel et vrai et ce qui est superflu et faux. Ce genre de portraits imaginaires permet au peintre de déployer toute sa virtuosité dans le traitement des textiles et des bijoux. D’ailleurs, Rembrandt peindra tout au long de sa vie des Orientaux – un monde qui le fascine.
L’amour et la tendresse
L’exposition Rembrandt intime révèle le lien étroit entre la vie du peintre et son œuvre. Ce sont les membres de sa famille qui lui servent de modèle. Il peint ses parents, sa femme Saskia, son fils Titus, sa compagne Hendrickje Stoffels, tantôt en simples mortels qu’ils sont, tantôt comme des dieux mythologiques ou des personnages bibliques dans des scènes somptueuses. Dans ces peintures et dessins, l’amour et la tendresse qu’il éprouve pour les siens jaillit de l’œuvre : sa mère en tant qu’Anne la prophète (1631), son fils humble, délicat et rêveur, sa femme rayonnante.
En 1634, l’année de leur mariage, il représente Saskia en déesse Flore – allégorie du printemps et de la fécondité. Rembrandt prend plaisir à peindre les fleurs qui ornent son visage, roses, ancolies, tulipes. La femme, vêtue de brocart et de satin, pose ses mains sur son ventre comme pour indiquer qu’elle attend un enfant.
Le regard vers l’intérieur
Rembrandt est aussi l’autoportraitiste par excellence. C’est le peintre qui s’est représenté plus que tout autre artiste.
Dès ses débuts, Rembrandt peint des autoportraits. Il se représente de façon intime avec les cheveux ébouriffés, une chaîne d’or ou une toque révélant un statut social, sous les traits d’un Oriental ou comme un figurant discret dans une scène historique. S’il se représente, ce n’est pas par narcissisme ou vantardise, mais plutôt par besoin d’introspection systématique : jeune hédoniste ou vieil homme, grimaçant, important ou stupéfait, ses représentations sont une quête psychologique, une méditation sur la vie.
Un dessinateur hors pair
Rembrandt intime tente de témoigner de l’intimité du processus de la création, comme en témoignent par exemple les dessins de préparation pour une gravure.
On découvre aussi l’intérêt de Rembrandt pour le théâtre et les scènes de rues. Dans la Marchande de crêpes (vers 1635) – un dessin à la plume et à l’encre brune dans lequel une vieille femme est affairée à préparer les crêpes entourée d’enfants alors qu’un homme enfonce sa main dans sa poche pour chercher de l’argent –, Rembrandt saisit la scène en quelques traits. On découvre alors sa capacité d’empathie mais aussi une grande modernité du trait qui apparaît dès les années 30.
La fin
Vers la fin de sa vie, Rembrandt refusera les commandes pour se consacrer à des tableaux et dessins plus intimistes, représentant sa famille. La Jeune fille à sa fenêtre (1651) marque un nouveau tournant dans le style du maître. Loin de la peinture à la mode, Rembrandt renonce au succès du réalisme pour garder sa liberté qui lui permet de peindre la vraie nature du monde.
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