Il rêvait de chanter jusqu’à cent ans la vie, l’amour, la nostalgie, le temps qui passe. Charles Aznavour, le dernier des géants de la chanson française et son inlassable ambassadeur à travers le monde, s’est éteint dans la nuit de dimanche à lundi à l’âge de 94 ans.
« C’est avec une profonde tristesse que la famille Aznavour informe du décès de Charles Aznavour. Son nom est gravé dans l’éternité, et sa mémoire est toujours vivante ! », a annoncé sa famille sur son compte Facebook.
C’est dans les Alpilles, dans le sud-est de la France où il aimait tant se reposer, que Charles Aznavour s’est éteint, suscitant une vague de tristesse chez ses admirateurs de toutes générations.
« Profondément français, attaché viscéralement à ses racines arméniennes, reconnu dans le monde entier, Charles Aznavour aura accompagné les joies et les peines de trois générations. Ses chefs-d’œuvre, son timbre, son rayonnement unique lui survivront longtemps », a twitté Emmanuel Macron.
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a déploré « une perte énorme pour le monde entier », rendant hommage à « un fils exceptionnel du peuple arménien ».
« C’est un accompagnateur de nos vies. J’ai l’impression que j’ai survécu en entendant des chansons de Charles Aznavour… », a réagi Alain Souchon sur RTL.
« Le vrai boss vient de nous quitter. Un guide, un maître, je vous aime Charles. Dur de ne pas pleurer. Hasta pronto señor Champagne », a twitté Benjamin Biolay.
Tel Benjamin Button, le personnage créé par Francis Scott Fitzgerald, né vieillard et qui vécut toute sa vie en rajeunissant avant de mourir nourrisson dans « L’étrange histoire de Benjamin Button », Aznavour semblait prendre un bain de jouvence ces dernières années à chaque tour de chant.
Avec toujours le même miracle: il débutait ses concerts la voix rouillée et le corps fragile, mais les concluait léger comme une plume et le pas dansant, devant son prompteur devenu indispensable.
Inépuisable, le chanteur aux plus de 70 ans de carrière avait repris la scène en septembre avec deux concerts au Japon et s’apprêtait à repartir en tournée cet automne avec plusieurs dates en France.
Ces derniers mois pourtant, il avait dû annuler quelques représentations. D’abord en avril à Saint-Pétersbourg, victime d’un tour de reins. Puis en mai, en raison d’une fracture de l’humérus gauche, après une chute. Une accumulation de pépins qui le ramenaient subitement à sa condition de mortel.
« Je ne suis pas vieux, je suis âgé. Ce n’est pas pareil », se plaisait-il à nuancer, auprès de l’AFP. Une façon espiègle de défier le poids des années pour celui dont le couronnement artistique est venu assez tardivement, à 36 ans, le 12 décembre 1960 à l’Alhambra.
Ce soir-là, il donna le concert de la dernière chance devant le tout Paris ainsi que des critiques, qui ne croyaient pas en son talent scénique et raillaient sa voix. Et « l’enroué vers l’or » mit tout le monde d’accord avec sa performance habitée de « J’me voyais déjà », qui raconte les illusions perdues d’un artiste.
Il écrivait aussi déjà pour les plus grands, Juliette Gréco, Gilbert Bécaud, Edith Piaf qui le soutint ardemment et fut un de ses « quatre points cardinaux avec Charles Trénet, Constantin Stanislavski et Maurice Chevalier ».
« Il a osé chanter l’amour comme on le ressent, comme on le fait, comme on le souffre », dit de lui Chevalier dans les pas duquel il a fini par marcher aux quatre coins du monde, devenant à son tour l’ambassadeur de la chanson française. Une renommée appuyée par ses 180 millions de disques vendus.
Rien ne fut acquis pour Shahnourh Varinag Aznavourian, né le 22 mai 1924 à Paris de parents arméniens.
« Quels sont mes handicaps? Ma voix, ma taille, mes gestes, mon manque de culture et d’instruction, ma franchise, mon manque de personnalité. Les professeurs m’ont déconseillé de chanter. Je chanterai pourtant, quitte à m’en déchirer la glotte », écrira-t-il dans son autobiographie « Aznavour par Aznavour » (1970).
Sa détermination, son talent et ses tubes intemporels comme « La Bohème », « La Mamma », « Comme ils disent », « Mes emmerdes » permettront finalement à cet homme de taille modeste (1,60 m et des poussières) de renverser les montagnes, lui qui n’a jamais hésité à protéger les jeunes pousses, comme Johnny Hallyday à qui il fit cadeau de « Retiens la nuit ».
Même s’il n’avait plus sorti de grande chanson depuis une trentaine d’années, Aznavour a entretenu son mythe par la scène, dans les salles les plus prestigieuses du monde. Comme une revanche sur tous ceux qui ne lui prédisaient aucun avenir et qui « sont tous morts depuis longtemps, alors que moi… je suis encore là », cinglait-il.
Celui qui s’est également formé par la danse classique et le théâtre, a aussi brillé au cinéma, où en quelque 80 films, il tourna avec François Truffaut (« Tirer sur le pianiste »), Volker Schlöndorff (« Le tambour »), Claude Chabrol (« Les fantômes du chapelier »)…
Où qu’il fut, cet artiste concerné par le drame des migrants rappelait toujours son attachement à ses deux pays. « Je suis Français et Arménien, les deux sont inséparables comme le lait et le café », résumait-il l’an passé en recevant son étoile sur le « Walk of fame » à Hollywood.
A présent, ces deux nations, mais aussi le monde pleurent un de leurs plus grands artistes.
LG avec AFP
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