Que se passe-t-il en Nouvelle-Calédonie ? Les émeutes, qui ont commencé lundi, ont déjà fait trois morts et des « centaines de blessés ». Deux camps s’opposent, d’un côté les non-indépendantistes, favorables à la France et à la réforme constitutionnelle, et de l’autre, les indépendantistes kanaks, proches de l’extrême-gauche et d’intérêts étrangers. Pourtant, par trois fois depuis 1998, les Calédoniens ont voté pour rester français.
Au niveau régional, le régime chinois soutient les mouvements kanaks indépendantistes afin de déstabiliser le territoire français, pour s’approprier ses réserves de nickel et contrôler une voie maritime stratégique dans le Pacifique.
Le gouvernement français de son côté vient de déclarer « l’état d’urgence » sur l’île alors que les forces de l’ordre sont la cible de manifestants ultraviolents très jeunes, pillant et mettant le feu à tout ce qu’ils peuvent : entreprises, hôpitaux, pharmacies, supermarchés, université, centres médicaux, etc.
Un processus d’autodétermination depuis 1998
La Nouvelle-Calédonie est française depuis 1853 et compte 271.400 habitants. Les deux principales communautés sont les Kanaks, la plus ancienne communauté de l’île, et la communauté européenne arrivée il y a 250 ans, quand l’île est devenue anglaise. Une part grandissante de la population se déclare désormais métissée ou « calédonienne ».
En 1998, suite aux violences entre les communautés indépendantistes et non indépendantistes, l’accord de Nouméa a doté l’archipel d’un statut unique dans la République française, reposant sur une autonomie progressive en 3 référendums. C’est dans ce cadre qu’un référendum en 2018 a vu le ‘non’ à l’indépendance l’emporter à 56,7%, puis à 53,26% en 2020 et enfin à 96,5% en 2021 – un scrutin que les indépendantistes ont boycotté.
Le Sénat, le 2 avril 2024, puis l’Assemblée nationale dans la nuit du 14 mai ont approuvé la révision constitutionnelle prévoyant l’élargissement du corps électoral à tous les natifs calédoniens et aux résidents depuis au moins dix ans pour les élections provinciales, ce que refusent les indépendantistes. Pour être adoptée, cette réforme doit être approuvée par le Congrès qui devrait se réunir « avant la fin juin » à Versailles.
Pékin en embuscade
La pression de ces groupes violents et les difficultés économiques de l’île offrent à la Chine l’opportunité d’étendre son emprise économique sur ce que les Calédoniens appellent leur « Caillou ». Ce petit bout de territoire français intéresse particulièrement Pékin, la Nouvelle-Calédonie étant le 3e producteur et la 2e réserve de nickel au monde. Ce métal est nécessaire pour fabriquer de l’acier inoxydable et les batteries des véhicules électriques, un marché que la Chine veut absolument dominer.
Dans le rapport intitulé Les opérations d’influence chinoises, un moment machiavélien, l’Irsem dévoile la stratégie du régime chinois pour influencer l’économie et la politique calédoniennes par le financement de partis politiques, de think-tanks, d’influenceurs, de décideurs publics, de médias ou de chercheurs. La Chine s’appuie ainsi sur différents relais pour amener la Nouvelle-Calédonie vers « l’indépendance » et la ramener dans sa propre zone d’influence explique l’analyste en relations internationales Mathieu Sirvins dans La France face à la guerre mondiale du Parti communiste. D’une manière générale, « la diaspora [chinoise] et les associations qui la représentent, pour certaines, sont extrêmement proches de certains élus indépendantistes » insiste-t-il.
Les services de renseignements français eux-mêmes assurent que la Chine soutient les mouvements indépendantistes kanaks via notamment l’Association de l’amitié sino-calédonienne, contrôlée et financée par le Parti communiste chinois (PCC), selon le journaliste Sebastien Le Belzic, spécialiste de la Chine.
Les intérêts du régime chinois dans la déstabilisation de la région
Selon le rapport de l’Irsem, il est dans l’intérêt du régime chinois d’encourager des mouvements indépendantistes dans les îles du Pacifique Sud, afin de récupérer des parts de marché et fragiliser ses adversaires. Selon les auteurs, il y a deux raisons pour lesquelles le PCC veut interférer en Nouvelle-Calédonie.
Si la Nouvelle-Calédonie devient indépendante, elle sera de facto sous influence chinoise et assurerait à la Chine son approvisionnement en nickel. Mais le nickel n’est pas le seul intérêt de la Chine dans la région. Sous tutelle du PCC, la Nouvelle-Calédonie « deviendrait la clé de voûte de la stratégie d’anti-encerclement chinoise » et isolerait l’Australie.
Selon Anna Creti, professeur d’économie à l’Université Paris Dauphine, « il ne faut pas négliger la situation géographique de la Nouvelle-Calédonie et le fait qu’elle représente, dans la stratégie d’expansion de la Chine, l’acquisition d’une ouverture vers l’espace maritime qui est important et qui ne couvre pas une zone dans laquelle ils sont présents », précise-t-elle sur Europe 1.
Des mouvements d’extrême gauche nourris de l’étranger
Fin mars 2024, lors de manifestations contre le gouvernement français, le mouvement indépendantiste kanak a été soutenu par le Groupe d’initiative de Bakou (GIB), soutenu lui-même par l’Azerbaïdjan, selon France Info. Le GIB se décrit comme un groupe de réflexion et d’influence et focalise ses slogans sur l’anti-colonialisme et l’anti-impérialisme. Il cible principalement la France en dénonçant le colonialisme français sur la Nouvelle-Calédonie – mais pas seulement, aussi en Guyane française, en Polynésie française, en Guadeloupe et en Corse. Très actif sur les médias sociaux, il crée une quantité de posts et de mots-clés comme #politiquecolonialefrançaise pour orienter l’opinion, notamment parmi les plus jeunes.
Selon l’analyste en relations internationales Bastien Vandendyck, l’Azerbaïdjan ne s’intéresse pas du tout à la cause indépendantiste : « Il soutient le FLNKS [Front de libération nationale kanak et socialiste] pour renforcer les dissensions sociopolitiques en Nouvelle-Calédonie ». Pour tromper l’opinion publique, ces groupes d’influence mettent sur le même pied d’égalité l’occupation du Haut-Karabakh en Arménie par l’Azerbaïdjan, les massacres de civils et la destruction du patrimoine, avec la position de la France en Nouvelle-Calédonie.
Même stratégie de la part de la Russie dans le soutien à la cause kanak. Depuis l’invasion de la Crimée en 2014 et depuis la guerre en Ukraine en 2022, la Russie mène une stratégie de déstabilisation contre les Occidentaux en utilisant plusieurs fronts internationaux (en Afrique subsaharienne, en Ukraine, au Moyen-Orient, etc.), où les opérations d’influence russes jouent sur le ressentiment anti-français et soutiennent les manifestations ultraviolentes. Ainsi, on a pu voir dans les manifestations des indépendantistes des banderoles appelant à la venue de Poutine.
Mais l’offensive la plus massive et la plus efficace reste celle de la Chine, qui a déjà réussi à déstabiliser les îles Vanuatu et Salomon et qui attend de récupérer la Nouvelle-Calédonie dans les prochaines décennies, malgré ses positions officielles rejetant toutes accusations d’ingérence.
Les conséquences de l’influence chinoise sur le long terme
« La Chine fonctionne en noyautant l’économie, en se rapprochant des responsables tribaux et politiques parce que c’est la méthode la plus efficace et la moins visible. Sa stratégie est parfaitement rodée et elle a fonctionné ailleurs dans le Pacifique » explique le rapport de l’Irsem.
Pour comprendre les conséquences de l’influence chinoise dans les territoires ultramarins, on peut prendre l’exemple de Papeete en Polynésie française. Le rapprochement sino-polynésien a commencé il y a 20 ans avec une association d’amitié chinoise, comme il en existe en Nouvelle-Calédonie. Se sont ajoutés ensuite un Institut Confucius, un consulat de Chine, des jumelages et des partenariats. La Chine a ensuite racheté des entreprises locales, deux hôtels cinq étoiles et s’est accaparée le marché de la perliculture, pourtant seconde source de revenus de la Polynésie française.
L’amitié et l’indépendance prônées dans un premier temps par la Chine dans la région se sont transformées ensuite en une dépossession économique et politique progressive, au profit d’un régime qui ne respecte pas les mêmes valeurs démocratiques et écologiques que la tutelle française pouvait garantir.
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