L’ancien Premier ministre pakistanais Imran Khan a été arrêté mardi pendant sa comparution devant un tribunal d’Islamabad pour répondre d’accusations de corruption, une mesure qui a provoqué des manifestations du nord au sud du Pakistan.
La police a eu recours à du gaz lacrymogène et à des canons à eau pour disperser les partisans de M. Khan protestant à Karachi (sud) et à Lahore (est) contre son arrestation quelques heures plus tôt. Il fait pression depuis plusieurs mois pour obtenir l’organisation d’élections anticipées dans l’espoir de revenir au pouvoir.
Des routes ont été bloquées à Peshawar (à l’ouest de la capitale) et dans la ville-garnison de Rawalpindi, près d’Islamabad. « Cette arrestation est conforme à la loi », a insisté le ministre de l’Intérieur Rana Sanaullah. Elle a été effectuée par le principal organe de lutte contre la corruption, le National Accountability Bureau (NAB), « un organisme indépendant qui n’est pas contrôlé par le gouvernement », a-t-il souligné.
Les chefs de la diplomatie américaine et britannique ont appelé conjointement mardi au respect du « droit » au Pakistan. « Nous souhaitons juste que quoi qu’il se passe au Pakistan cela respecte le droit, la Constitution », a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken lors d’une conférence de presse commune avec son homologue britannique James Cleverly. « Nous voulons voir une démocratie pacifique dans ce pays. Nous voulons voir que le droit y est respecté », a renchéri le Britannique.
« Les droits que nous confèrent notre Constitution et notre démocratie ont été enterrés »
Une vidéo diffusée sur des chaînes de télévision locales montre M. Khan être poussé par des dizaines de paramilitaires dans une voiture blindée stationnée dans l’enceinte de la Haute Cour d’Islamabad. « Au moment où nous arrivions dans la salle de contrôle biométrique de la cour pour noter les présences, des dizaines de rangers nous ont attaqués », a déclaré à l’AFP Ali Bukhari, un avocat du PTI, le parti de M. Khan. « Ils l’ont battu et l’ont traîné dehors », a-t-il ajouté.
M. Khan, 70 ans, est visé par plusieurs dizaines d’enquêtes judiciaires depuis son éviction de ses fonctions de chef du gouvernement en 2022. Il avait réussi jusqu’ici à déjouer différentes tentatives d’arrestation. « Mes Pakistanais, au moment où ces mots vous parviendront, j’aurai été arrêté dans le cadre d’une affaire illégitime », lâche dans une vidéo pré-enregistrée, diffusée mardi, Imran Khan qui avait anticipé son arrestation. « Les droits fondamentaux au Pakistan, les droits que nous confèrent notre Constitution et notre démocratie ont été enterrés », ajoute l’ancienne star de cricket entrée en politique en 1996. Son arrestation intervient au lendemain de la mise en garde de l’armée contre « les allégations sans fondement » faites, selon elle, par l’ex-Premier ministre.
Une tentative d’assassinat en 2022
Au cours d’un rassemblement organisé ce weekend à Lahore, M. Khan a réitéré que le général Faisal Naseer, un officier supérieur des services de renseignement, était impliqué dans la tentative de l’assassiner début novembre 2022 pendant un meeting. M. Khan a été blessé d’une balle dans la jambe. « Ces allégations fabriquées de toutes pièces et malveillantes sont extrêmement malheureuses, déplorables et inacceptables », a commenté dans un communiqué le service des relations publiques interservices (ISPR) de l’armée. « Les responsables de l’armée et des services de renseignement sont la cible d’insinuations et d’une propagande tapageuse visant à promouvoir des objectifs politiques », a-t-il déploré.
« Ses allégations sans aucune preuve contre le général Faisal Naseer et les officiers de notre agence de renseignement ne peuvent pas être autorisées et ne seront pas tolérées », a réagi le Premier ministre Shehbaz Sharif, accusé par son prédécesseur d’avoir aussi joué un rôle dans son agression de novembre. Les critiques à l’encontre de l’institution militaire sont rares au Pakistan, où ses chefs exercent une influence considérable sur la politique intérieure et la politique étrangère.
Des relations détériorées avec l’armée
L’armée pakistanaise a organisé au moins trois coups d’État au Pakistan depuis son indépendance en 1947, régnant pendant plus de trente ans. L’avertissement adressé lundi par l’armée illustre à quel point les relations entre M. Khan et cette dernière se sont détériorées. Elle l’a soutenu dans son accession au pouvoir en 2018 avant de lui retirer son appui. Imran Khan a été évincé de ses fonctions par un vote de défiance du Parlement en avril 2022.
Depuis, cet homme politique qui demeure extrêmement populaire fait pression sur le fragile gouvernement de coalition pour l’organisation d’élections anticipées avant octobre. Officiellement, son agression est l’œuvre d’un tireur solitaire qui, selon une vidéo diffusée par la police, a avoué en être l’auteur et qui est incarcéré.
Cette version a été rejetée par M. Khan qui a souligné que les autorités avaient refusé ses tentatives de déposer un rapport de première information (RPI) auprès de la police pour désigner les « vrais coupables ». « Il n’y a aucune raison pour que j’invente des faits », déclarait l’ex-Premier ministre dans la vidéo diffusée mardi, avant son arrestation.
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