L’État sera-t-il condamné pour sa politique de lutte contre la pollution de l’air ? Une mère et sa fille de 16 ans qui souffrent de problèmes respiratoires l’attaquent mardi en justice, une « première » en France selon avocat et association.
L’audience aura lieu devant le tribunal administratif de Montreuil. Les deux femmes, qui ont assigné l’État pour « carence fautive », réclament 160.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
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A leurs yeux, les autorités n’ont pas pris de mesures « efficaces » contre la pollution atmosphérique, en particulier lors du très sévère pic de pollution qu’a subi l’agglomération parisienne en décembre 2016. Et elles jugent que cela a eu un impact sur leur santé.
A l’époque, les deux plaignantes vivent à Saint-Ouen, « entre le périphérique et deux avenues très passantes », explique leur avocat François Lafforgue.
Toutes deux souffrent depuis plusieurs années de problèmes respiratoires, « accentués » lors des pics de pollution. La mère, 52 ans, multiplie les bronchites qui l’obligent à se mettre régulièrement en arrêt de travail. Pour sa fille, ce sont les crises d’asthme.
Depuis, elles ont déménagé, sur prescription médicale, à Orléans. « En quelques mois », leur état de santé s’est considérablement amélioré, explique leur avocat.
Pour lui, l’État, garant du respect des normes de qualité de l’air, a commis une triple faute : d’abord il aurait dû instaurer « une réglementation plus protectrice de sa population », explique-t-il, estimant que les textes existants sont, « dans l’ensemble, inadaptés au vu de l’objectif de santé publique ».
Deuxièmement, « les autorités n’ont pas pris toutes les mesures » à leur disposition, dit l’avocat, citant par exemple la mise en place tardive de la circulation alternée lors de ce pic hivernal que n’avait pas connu la France depuis 10 ans en terme de longueur et d’intensité.
Enfin, « même quand les mesures sont prises », elles sont « inefficientes » car tout n’est pas mis en oeuvre pour les faire respecter. « Il n’a pas été constaté de report de circulation sur l’A86 », autoroute qui fait le tour de Paris, détaille-t-il notamment, « ce qui laisse penser que la mesure a été peu respectée ».
Au total, plus d’une cinquantaine de personnes, partout en France, sont actuellement engagées dans des actions similaires contre l’État, ajoute Sébastien Vray, fondateur et porte-parole de Respire, qui accompagne les requérants, avec d’autres associations.
Pour lui, ce procès est un aboutissement. « Quand j’ai fondé Respire, il y a huit ans, j’avais l’objectif, qu’un jour, on ferait un lien juridique entre les pics de pollution et l’aggravation d’une pathologie à l’échelle d’un individu », dit-il à l’AFP.
« C’est un peu comme le procès de l’amiante », ajoute-t-il. « Un jour, on a conclu à la dangerosité de cette substance à l’échelle individuelle et l’État et les entreprises ont été condamnées ».
En France, la pollution de l’air est responsable de 48.000 morts prématurées par an.
Basées sur des valeurs fixées par Bruxelles, l’exposition aux principaux polluants (particules fines, ozone, benzène, dioxyde d’azote et dioxyde de souffre) ne doit pas dépasser certaines concentrations, sur un jour et sur l’ensemble de l’année.
Mais, si la situation s’est globalement améliorée depuis 15 ans, ces normes sont régulièrement dépassées dans les grandes villes ou dans des bassins industriels. La pollution peut aussi parfois concerner des zones rurales, à cause des épandages agricoles et du chauffage au bois.
En mai 2018, la Commission européenne a renvoyé six États devant la justice de l’UE, dont la France et l’Allemagne, mis en cause pour ne pas respecter les normes de qualité de l’air.
En juin, trois autres dossiers de personnes disant souffrir de la mauvaise qualité de l’air doivent être examinés par le tribunal administratif de Paris, poursuit Me Lafforgue. Dont celui de Clotilde Nonnez, une Parisienne de 56 ans, « figure de proue » de ses requérants.
Avec AFP
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