L’ultraconservateur Ebrahim Raïssi a remporté sans surprise la présidentielle iranienne au premier tour, selon des résultats quasi définitifs publiés samedi au lendemain du scrutin.
Sans donner de précisions sur la participation, la commission électorale a indiqué que M. Raïssi avait obtenu 62,2% des voix après dépouillement de « plus de 90% » des bulletins.
Les chiffres de la commission permettent néanmoins d’extrapoler un taux participation supérieur à 53%.
Sans attendre la publication de ces résultats, le président sortant Hassan Rohani avait félicité « le peuple pour son choix » ayant permis de dégager un vainqueur dès le premier tour.
Selon les chiffres officiels partiels, le général de division Mohsen Rezaï, ancien commandant en chef des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique de la République islamique, terminerait deuxième avec plus de 11,5% des voix, devant l’ancien président de la Banque centrale Abdolnasser Hemmati (8,3%) et le député Amirhossein Ghazizadeh-Hachémi (3,4%).
Victoire de M. Raïssi reconnue
Les trois hommes ont reconnu chacun à leur manière la victoire de M. Raïssi dans des messages sur Instragram, sur Twitter ou relayés par les médias iraniens.
Selon les médias d’Etat, le dépouillement était encore en cours peu avant midi (07H30 GMT).
Sur fond de craintes d’une abstention massive après des appels au boycottage de l’élection, les opérations de vote ont été étendues considérablement, jusqu’à 2H00 du matin samedi (21H30 GMT vendredi), pour permettre une participation maximale dans de bonnes conditions compte tenu de la pandémie de Covid-19 qui frappe durement le pays.
Chef de l’Autorité judiciaire, M. Raïssi, 60 ans, faisait figure d’archifavori, faute de concurrence réelle après la disqualification de ses principaux adversaires.
La campagne électorale a été fade, sur fond de ras-le-bol général face à la crise, dans un pays riche en hydrocarbures mais soumis à des sanctions américaines.
Epargner à la population des privations
Se présentant comme le champion de la lutte anticorruption et le défenseur des classes populaires au pouvoir d’achat miné par l’inflation, M. Raïssi est le seul des quatre candidats à avoir véritablement fait campagne.
« J’espère qu’il saura (épargner à la population) des privations », a confié à l’AFP vendredi une de ses électrices à Téhéran, une infirmière drapée dans un tchador noir.
Réélu en 2017 au premier tour face à M. Raïssi qui avait alors obtenu 38% des voix, le président Hassan Rohani, un modéré qui quittera le pouvoir en août, finit son second mandat à un niveau d’impopularité rarement atteint.
A Téhéran, il n’est pas compliqué de trouver des abstentionnistes accusant le gouvernement de n’avoir « rien fait » pour le pays ou ne voyant pas l’intérêt de participer à une élection courue d’avance, voire selon eux « organisée » pour permettre à M. Raïssi de gagner.
Face à des appels au boycottage lancés par l’opposition en exil, et par quelques dissidents en Iran, le guide suprême Ali Khamenei avait multiplié les appels à participer en masse au scrutin.
Sans appeler à l’abstention, l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad, populiste qui avait vu sa candidature invalidée en mai, a lui dénoncé une élection organisée « contre les intérêts du pays » et annoncé sa décision, à titre personnel, de ne pas participer à « ce péché ».
L’essentiel du pouvoir est aux mains du guide suprême
Le président a des prérogatives limitées en Iran, où l’essentiel du pouvoir est aux mains du guide suprême.
Le bilan de M. Rohani est entaché par l’échec de sa politique d’ouverture après le retrait des Etats-Unis, en 2018, de l’accord sur le nucléaire iranien conclu avec les grandes puissances.
Ce retrait et le rétablissement de sanctions américaines punitives qui a suivi ont plongé le pays dans une violente récession en privant notamment le gouvernement de ses recettes pétrolières à l’exportation.
En décembre et janvier 2017-2018 et en novembre 2019, deux vagues de contestation ont été violemment réprimées.
la priorité: la levée des sanctions américaines
Sur la question du redressement de l’économie, M. Raïssi a déclaré a plusieurs reprises que la priorité du pays était d’obtenir la levée des sanctions américaines, et donc de poursuivre les négociations en cours pour sauver l’accord de Vienne en y réintégrant les Etats-Unis.
Pour l’opposition en exil et des défenseurs des droits humains, M. Raïssi est l’incarnation de la répression et son nom associé aux exécutions massives de détenus de gauche en 1988, à l’époque où il était procureur adjoint du tribunal révolutionnaire de Téhéran.
Interrogé en 2018 et en 2020 sur cette page noire de l’histoire récente, M. Raïssi a nié y avoir joué le moindre rôle, mais a rendu « hommage » à l’« ordre » donné selon lui par l’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique, de procéder à cette épuration.
M. Raïssi figure sur la liste noire des responsables iraniens sanctionnés par Washington pour « complicité de graves violations des droits humains ».
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