Le premier témoin de l’accusation dans le procès Fifa a brossé mardi un tableau accablant de la corruption au sein du football sud-américain, avec des millions de dollars de pots-de-vin payés systématiquement en échange des droits télé pour les grands tournois du continent.
Le témoin, l’Argentin Alejandro Burzaco, dirigeait, depuis 2006 et jusqu’à son inculpation par la justice américaine en mai 2015, une influente société de marketing sportif, « Torneos y Competencias », directement impliquée dans de multiples contrats de droits télé en Amérique du Sud.
M. Burzaco – qui fut un proche du puissant ex-président de la fédération de football argentine Julio Grondona, décédé en 2014 et au coeur de ce système – a expliqué comment sa société avait participé des années durant au paiement de millions de dollars de pots-de-vin aux responsables de la confédération sud-américaine du football, Conmebol.
Le président de la Conmebol, le Paraguayen Nicolas Leoz, et ses lieutenants, Julio Grondona et Ricardo Teixeira, ex-président de la fédération brésilienne, auraient ainsi reçu quelque 600.000 dollars par an de pots-de-vin, en échange de contrats d’octroi ou de prolongation de droits télévisés liés aux tournois de la Copa Libertadores (l’équivalent de la Ligue des champions en Amérique du Sud) et de la Copa America (l’équivalent de l’Euro).
Interrogé par le procureur Samuel Nitze, M. Burzaco a également mentionné un contrat d’extension des droits télé pour un autre tournoi, la « Copa sudamericana », datant de 2008: il aurait valu à Nicolas Leoz et Julio Grondona un million de dollars supplémentaires chacun, et 500.000 dollars chacun à leurs lieutenants.
Cette opération, d’un montant total de 3,7 millions de dollars, aurait été maquillée via un « faux contrat » de prestations de services passé avec une société-écran, Somerton, a expliqué devant les jurés M. Burzaco, copie du contrat à l’appui.
Ces pots-de-vin étaient payés de différentes façons, a poursuivi le témoin de l’accusation: parfois via des comptes bancaires suisses, parfois, notamment pour M. Grondona, en liquide dans « des sacs ou des enveloppes ».
Ces dessous-de-table faisaient partie de la routine de ces très respectés dirigeants du football sud-américain, a affirmé M.Burzaco. Ce dernier a plaidé coupable en novembre 2015, acceptant de rembourser quelque 21 millions de dollars et de coopérer depuis avec les enquêteurs, et attend désormais de connaître sa sentence.
M. Burzaco a également affirmé que beaucoup de chaînes télévisées internationales payaient ces pots-de-vin.
À la mi-journée mardi, M. Burzaco n’avait pas encore été interrogé sur le rôle qu’auraient directement joué, dans cette vaste toile de corruption généralisée, les trois accusés de ce procès new-yorkais qui doit durer six semaines: l’ex-président de la puissante fédération brésilienne, José Maria Marin, 85 ans; Manuel Burga, qui dirigea la fédération péruvienne de 2002 à 2014 et fut membre du comité de développement de la Fifa, 60 ans; et Juan Angel Napout, ex-président de la fédération paraguayenne et de la Conmebol, 59 ans.
Sur les 42 personnes impliquées dans le volet américain du scandale de la Fifa, ces trois hommes – qui ont assisté en silence à l’interrogatoire de M. Burzaco – sont les seuls à être jugés devant la juge fédérale new-yorkaise Pamela Chen.
Sans nier la corruption en Amérique latine, leurs avocats assurent qu’eux n’y ont pas participé.
Vingt-quatre autres personnes , dont M. Burzaco, ont plaidé coupable. Les autres sont soit poursuivis par la justice de leur pays, soit luttent contre leur extradition aux États-Unis.
M. Burzaco n’a pas à ce stade impliqué de responsable du football européen.
Il a juste été appelé par le procureur à identifier des photos de certains d’entre eux: l’ex-président de la Fifa Sepp Blatter, son ex-bras droit Jérome Valcke, ou encore le président du PSG et patron de BeIN Media, Nasser Al-Khelaïfi.
MM. Valcke et Al-Khelaïfi sont actuellement dans le collimateur de la justice suisse pour des allégations de corruption autour de l’attribution de droits télé des Coupes du monde 2026 et 2030, qu’ils démentent tous les deux.
M. Burzaco a simplement souligné s’être rendu régulièrement au siège de la Fifa à Zurich, où le scandale a éclaté en mai 2015 avec l’arrestation de sept responsables, entraînant la chute de Sepp Blatter.
R.B avec AFP
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