Alors que l’avortement vient d’entrer dans la Constitution de l’avortement, cet acte d’interrompre une grossesse non désirée reste inégale en France.
La classe politique se félicite de l’inscription dans la Constitution française de l’interruption volontaire de grossesse, suite au vote mercredi du Sénat. « Une liberté devenue irréversible », a clamé Emmanuel Macron, qui a ainsi vu une de ses promesses réalisées. Le premier ministre Gabriel Attal y voit une « avant-garde » en matière de « progrès » alors que « les droits des femmes sont attaqués dans le monde.
Un droit qui n’était pourtant aucunement menacé, selon les députés du Rassemblement national, et qui semble masquer des sujets bien plus graves et prioritaires à traiter. « Il y a d’autres urgences », commente Edwige Diaz. On essaie de « faire croire » à « une journée historique », mais c’est une façon de « détourner l’attention » de la crise des agriculteurs et « des Français qui ont du mal à se nourrir », affirme-t-elle. Marion Maréchal, tête de liste de Reconquête! aux Européennes reproche au gouvernement de « réunir le Congrès lundi pour inscrire l’avortement, aucunement menacé, dans la Constitution » pendant que « notre pays est envahi, nos grands-mères violées par des (personnes sous) OQTF (obligation de quitter le territoire français, ndlr), l’islamisme égorge dans nos rues, nos agriculteurs se suicident ».
Ce qui est pourtant célébré comme une « victoire » par la classe politique » n’est pas perçu comme une réelle avancée par les associations féministes, qui regrettent que ça ne se traduise pas sur le terrain. « L’inscription dans la Constitution ne va pas changer la manière dont aujourd’hui les femmes ont recours à l’avortement en France, ça n’est pas suffisant pour améliorer les choses », regrette la présidente de la Fondation des Femmes, Anne-Cécile Mailfert. « Des maternités de proximité ont été fermées, des centres IVG (interruption volontaire de grossesse) ont été fermés, ce qui fait que maintenant les femmes doivent souvent aller beaucoup plus loin, c’est beaucoup plus compliqué alors que ça ne devrait pas l’être », ajoute-t-elle.
En France, où l’IVG est dépénalisée depuis la loi Veil de 1975, le nombre d’avortements reste relativement stable depuis une vingtaine d’années autour de 230.000 par an, avec un pic observé en 2022 avec 234.300 IVG pratiquées.
130 fermetures de centres IVG en 15 ans
Mais ce nombre varie fortement selon les territoires. Les derniers chiffres de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees, ministère de la Santé) montrent ainsi un taux de recours pouvant aller de 11,6 pour 1000 femmes de 15 à 49 ans dans les Pays de la Loire à 22,6 en Provence-Alpes-Côtes d’Azur.
L’accès à l’IVG n’est lui « pas homogène sur le territoire », relevait en décembre auprès de l’AFP Magali Mazuy, chercheuse à l’Institut national d’études démographiques (Ined) : « Une personne qui va demander à avoir recours à l’IVG ou qui va chercher des praticiens, ne va pas avoir en face d’elle les mêmes professionnels et la même culture locale relative à la considération de ce soin », constate-t-elle.
Une situation sur laquelle alerte depuis plusieurs années le Planning familial. Lors d’une conférence de presse mercredi, sa présidente Sarah Durocher s’est une nouvelle fois alarmée de « voir certaines femmes contraintes d’aller dans d’autres départements que le leur pour avorter ».
Dans le collimateur des professionnels de santé et des associations féministes, la fermeture de maternités – le nombre de ces établissements est passé de 1369 en 1975 à 458 en 2020 – et de centres IVG dont 130 auraient fermé en 15 ans selon le Planning familial.
Les « parents pauvres » du service hospitalier
Au sein des établissements encore ouverts, la situation n’est pas meilleure, selon la présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) Joëlle Belaisch-Allart, qui appelle à faire en sorte que les « IVG ne soient plus les parents pauvres dans les services ».
« Il faut qu’il y ait des plages dans les blocs opératoires dédiées à l’IVG auxquelles personne ne puisse toucher, qu’il y ait ou non une infirmière anesthésiste ce jour-là », insiste-t-elle. « Il faut aussi que quand une femme demande un rendez-vous, elle puisse l’avoir dans les cinq jours ».
Avec la désertification médicale et le manque de médecins dans certains territoires, la possibilité de choisir entre une IVG médicamenteuse (la pilule du lendemain) et une IVG instrumentale (intervention sous anesthésie) n’est pas toujours possible, relèvent les acteurs de terrain.
Afin de renforcer l’accès à l’avortement, un décret a été pris en décembre pour ouvrir la pratique de l’IVG instrumentale aux sages femmes. Mais les conditions imposées, notamment la présence de 4 médecins, sont trop restrictives, estiment professionnelles et associations.
« D’une part on nous dit qu’on va constitutionnaliser le droit à l’IVG, d’autre part on publie un décret qui est censé fluidifier l’accès à l’avortement qui en réalité ne change pas grand-chose », a souligné mercredi Suzy Rojtman, porte-parole du collectif Avortement en Europe.
Pour Joëlle Belaisch-Allart, « l’exemple des pays étrangers doit nous inciter à la plus grande prudence. Le droit à l’IVG n’est pas menacé mais il faut rester vigilant parce que le problème des moyens est fondamental. S’il n’y a pas les moyens, cela finira par menacer le droit à avorter ».
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