Pendant dix ans, Luc Henkinbrant a lutté contre l’impunité des crimes de guerre dans l’Est de la République démocratique du Congo. Le Belge rêve maintenant de développer un tourisme écologique très à la mode dans le seul havre de paix de la région, l’île d’Idjwi.
Ce retraité des Nations unies et son épouse congolaise, Espérance Mawanzo, partagent leur temps entre Liège, Bukavu et leur petit paradis naturel posé sur les eaux étales du lac Kivu, entre les montagnes verdoyantes du Congo et les collines du Rwanda. Au départ de Goma, le bateau met une heure et demie avant de longer les premiers îlots boisés, les plages et les criques de l’archipel à la végétation généreuse (eucalyptus, bougainvilliers, café, ananas, orangers) qui culmine à 2.300 m d’altitude – le lac est déjà situé à près de 1.500 m.
Espérance et Luc attendent les visiteurs au débarcadère de Bugarula, chef-lieu d’Idjwi-Nord, construit au pied d’un magnifique petit massif forestier. Passé l’accueil suspicieux d’un agent du service des « migrations » (en RDC, le contrôle des passeports est de rigueur, même pour les trajets à l’intérieur du pays), le stress et les tensions s’estompent vite. Ici, aucun 4X4 ne bat le pavillon des Nations unies ni des grosses ONG comme à Goma. Il n’y a d’ailleurs qu’une quinzaine de voitures sur toute l’île, à l’usage de ses notables, dont le « Mwami », le chef coutumier.
Deuxième plus grande île lacustre d’Afrique (310 km2, environ 200.000 habitants), Idjwi est le paradis des taxis-motos et des pistes de terre. Avec son climat tempéré (entre 20 et 25 degrés toute l’année), Idjwi produit du café, des patates douces, du manioc… mais les insulaires citent spontanément leur spécialité préférée: « Nous sommes le seul îlot de paix en RDC ». Ils mesurent leur chance: ailleurs dans le Kivu, des milices tuent, pillent et violent ces femmes soignées en face à Bukavu par le gynécologue et militant des droits humains Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018.
Aucun de ces groupes armés ne s’est jamais implanté sur l’île.
« Idjwi est un territoire où l’on peut déambuler toute une journée sans être inquiété par des groupes armés ou des militaires », résume Luc, un ancien du département des droits humains de la Mission des Nations unies au Congo (Monusco). A un quart d’heure en moto, Luc et Espérance habitent une maison sous les arbres avec vue sur le lac. Ils logent leurs hôtes dans des bungalows surmontés d’un toit de chaume, qui offrent une vue splendide sur les montagnes du territoire de Kalehe.
Luc et Espérance promettent de construire d’ici peu d’autres « éco-lodges » sur une plage en sable, où l’eau tiède du lac fait des vaguelettes. « Le potentiel de l’île d’Idjwi est énorme mais il est très sous-exploité », s’enthousiasme Luc, qui a lancé avec sa femme l’agence « Espérance » à Bukavu pour le développement d’un tourisme respectueux de l’environnement et des habitants. « Regardez: nous sommes là au bord d’un lac magnifique, au pied des montagnes, avec des possibilités de randonnées, à pied, en VTT, en kayak, en taxi-moto », poursuit-il.
Idjwi se trouve au carrefour des parcs nationaux de Kahuzi-Biega et des Virunga, du volcan Nyaragongo au-dessus de Goma, et du site touristique de Kibuye au Rwanda. La région est bien desservie via les aéroports de Goma et Kigali, à trois heures de route. Petite perle des Grands lacs, Idjwi a tout pour plaire si la RDC s’ouvre un jour aux touristes comme le Rwanda voisin qui, devenu un sponsor du club anglais de football d’Arsenal, promeut son tourisme sur les manches des maillots des joueurs, frappées d’un logo « Visit Rwanda ».
Pour l’instant, Luc vise la clientèle des expatriés des Nations unies et des ONG en poste à Goma et Bukavu. En attendant les touristes, l’île exporte sa principale richesse: le café. Une coopérative achète des « cerises » à 2.388 petits producteurs, affirme son président, Gilbert Makelele. « Nous vendons à Starbucks à travers des courtiers », ajoute M. Makelele, en partance pour Boston et la « Specialty coffee association of America », qui réunit des professionnels promouvant un « café de caractère ».
Sur les terrains supervisés par le « Mwami », derrière sa maison, des habitants ramassent des ananas gorgés de sucre aux formes généreuses et des oranges qu’ils découpent à la machette pour savourer leur jus. La minorité pygmée locale, qui serait parmi les plus vieilles d’Afrique, vend des poteries pour survivre, à la marge de la société.
Les tensions entre les pygmées et les Bahavus, la communauté majoritaire, représentent l’une des faces sombres d’Idjwi, tout comme la déforestation sur les sommets de l’île. Une conséquence de l’arrivée de 40.000 réfugiés hutus en 1994 après le génocide contre les tutsis du Rwanda. Derrière le décor de carte postale, l’île doit relever les défis du désenclavement. Idjwi n’est même pas rattachée au réseau de la Société nationale d’électricité (Snel). L’électricité sur l’île provient essentiellement de groupes électrogènes.
Mais le wifi est arrivé il y a trois ans, à la demande du Mwami, le roi coutumier: « Au cours de la journée, les hôpitaux, les hôtels et les auberges se connectent. Le soir, le wifi est gratuit pour le reste de la communauté, » explique l’initiateur de la connexion, Patrick Byamungu. Bientôt des réservations touristiques en ligne pour Idjwi ?
D.C avec AFP
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