En Provence, le parti Reconquête emmené par Eric Zemmour et Marion Maréchal a rendu ses devoirs de vacances. En une déambulation et un meeting devant 3000 fans, l’ancien candidat et la tête de liste fraîchement annoncée ont dressé la stratégie pour les élections européennes de 2024 : haro sur les déçus du centre-droit. Reportage.
Il était un parti qui ne voulait pas mourir. Après ses échecs aux élections présidentielle et législatives de 2022, suivis des départs de certains de ses cadres, Reconquête a été décrit comme un parti en survivance. Il est vrai que les aventures des concurrents au lepénisme comme le MNR (Mouvement national républicain) n’ont jamais duré longtemps. Cependant, les derniers sondages semblent contrer cette malédiction : le parti d’Eric Zemmour est donné à 7 % aux futures élections européennes, ce qui d’une part garantit une poignée d’eurodéputés et d’autre part fait montre d’un électorat à la fidélité remarquable. Autre contexte favorable : le succès en Europe des alliances entre centre-droit et droite radicale comme en Italie ou en Espagne qui pourrait permettre à Reconquête d’intégrer un groupe parlementaire européen en cas d’élus.
Retour dans le Var pour Reconquête
Avant la stratégie, un peu de serrage de mains. Eric Zemmour tente de faire de Cogolin (Var) son fief depuis que le maire du petit village provençal, Marc-Etienne Lansade (ex-RN), a rejoint Reconquête. C’est dans cette circonscription qui inclut également Saint-Tropez que l’ancien journaliste avait fait campagne législative et obtenu 23 % des voix, insuffisant pour surclasser Philippe Lottiaux du Rassemblement national (RN), parti bien implanté ici.
Tout le monde a l’air en vacances au milieu des façades pastel. La tenue chemise, short coloré et mocassins fait l’unanimité. C’est sur le marché, qui recouvre la petite place de la Mairie, qu’Eric Zemmour et Marion Maréchal vont se livrer à la stratégie du selfie, accompagnés par Monsieur le Maire.
Escortée par une poignée d’agents de sécurité et de journalistes avec caméras et perches, la déambulation piétine dans les petites allées. « Ça va être pratique pour faire le marché », grommèle un local. En tout cas, le président de Reconquête attire encore le regard des observateurs. « C’est Eric Zemmour ! Il est trop gentil Eric Zemmour », s’exclame un gamin. Les commerçants, prévenus à l’avance, sont pour la plupart tout sourire à l’arrivée du candidat déçu et de sa nouvelle tête de liste aux Européennes. Eric Zemmour, tchatcheur, semble plus à l’aise que Marion Maréchal.
Essoufflement militant ?
Cette escapade sert d’introduction au réel événement du week-end : l’université d’été. Après deux jours réservés aux jeunes de Génération Z et aux 300 cadres en formation, le domaine idyllique de Gréoux-les-Bains (Alpes-de-Haute-Provence) est investi par 2000 sympathisants. Ils seront plus de 3000 le lendemain pour le meeting, soit plus de deux fois moins que l’année précédente.
Sous les platanes, les visiteurs se partagent entre ceux qui arpentent les stands et ceux qui suivent assidument les interventions. Parmi les conférenciers, relevons quelques gros poissons comme Ivan Rioufol ou Dr Jean-Paul Gourévitch, spécialiste de l’immigration ayant travaillé pour de nombreuses institutions internationales : « Je me solidarise avec Reconquête sur la lutte contre la désinformation sur l’immigration », dit-il pour expliquer sa présence. Le plus grand mensonge selon lui ? L’idée folle que l’immigration serait « financièrement bénéfique ». Mais la star des intervenants, c’est l’écrivain Laurent Obertone, auteur de multiples enquêtes sur l’immigration et l’insécurité. Samedi soir, l’auteur de La France Orange mécanique souligne les records d’insécurité et d’immigration établis par Emmanuel Macron et appelle à aller convaincre « Monsieur Moyen », le Français de base, sceptique et peu politisé.
« C’est pas une question de survie, on est le premier parti de France en termes d’adhérents », répondent à l’unisson les sympathisants quand on leur parle de Reconquête. Pendant cette année non électorale, la structure a innové en créant le collectif Parents vigilants pour signaler les dérives woke à l’école. Le choix de Marion Maréchal en tête de liste ravit tout le monde ici. « C’est un atout d’avoir deux marques », estime Guillaume Peltier.
Les « LR cohérents » et les « déçus d’Emmanuel Macron »
Cette université d’été a des allures de précampagne pour les élections européennes, et c’était l’occasion pour Eric Zemmour et Marion Maréchal de dévoiler leur stratégie.
Le dialogue semble rompu avec Les Républicains (LR) et le RN. Reconquête a proposé maintes fois l’alliance aux appareils, il est temps de s’adresser aux électeurs et aux candidats, notamment à François-Xavier Bellamy, tête de liste LR et proche d’Eric Zemmour : « Rejoignez-nous », lui dit ce dernier.
C’est que le parti de centre-droit se serait « compromis » au niveau européen en s’alliant, dans le cadre du PPE (Parti populaire européen), avec la gauche (Sociaux-Démocrates) et le centre (Renaissance) au Parlement de Strasbourg. C’est bien cette coalition qui a porté Ursula Von der Leyen à la tête de la Commission et voté entre autres la répartition des migrants et les sanctions contre la Hongrie et la Pologne. Le cœur de la stratégie Maréchal est là : il y a des électeurs LR qui sont orphelins d’un parti de droite, en paroles et en actes. Dès le début de son discours, elle mobilise la figure repoussoir de Christian Estrosi, allié avec la gauche provençale pour barrer la route au Front national en 2015.
Naturellement, l’électorat LR au sens strict ne constitue pas une masse critique avec des scores de 8 % aux dernières européennes et 4,5 % aux présidentielles. C’est pourquoi une expression a fait son apparition dans le vocabulaire zemmourien : « les déçus d’Emmanuel Macron ». Voilà une nouvelle cible électorale qui est vue comme un vivier d’anciens électeurs LR qui n’ont pas encore franchi le Rubicon de voter pour un parti anti-immigration. En deux mots, Reconquête veut réinstaller le clivage droite/gauche en lieu et place du clivage mariniste patriotes/mondialistes. Pas question pour autant d’abandonner les électeurs RN : « La plupart d’entre eux se disent de droite même si leur cheffe refuse ce terme. » Mais la nouveauté par rapport aux présidentielles, c’est que Reconquête marque clairement sa singularité en économie : « Nos différences sont éclatantes », dit Zemmour, « ils ont le programme économique de la gauche des années 80 ».
Au même moment, Marine Le Pen, en meeting de rentrée dans son fief d’Hénin-Beaumont, entend faire de cette élection des midterms (élections de mi-mandat) à l’américaine. Pour Samuel Lafont, responsable du numérique à Reconquête, c’est une erreur : « L’élection européenne est généralement moins suivie et ne crée pas de phénomène de vote utile. » On ressortirait presque l’argument du « vote caché » en parlant d’un électorat zemmourien ultra-mobilisé : « Nos électeurs ont un moteur de vote immense : la peur du dérèglement migratoire, tout comme les écologistes avec le dérèglement climatique ».
Prendre le contrôle de l’Union européenne
Au Parlement européen aussi, les alliances comptent, mais avec les partis des autres États membres. Comme pressenti, Marion Maréchal a confirmé qu’elle visait le groupe CRE (Conservateurs et Réformistes européens), situé entre le centre-droit (PPE) et la droite populiste (Identité et Démocratie, ID), et organisé autour du parti de gouvernement polonais PiS (Droit et Justice). Si aucun pacte n’a encore été scellé avec ces derniers, dont on pourrait craindre la frilosité par rapport à des positions jugées prorusses du côté d’Eric Zemmour, Marion Maréchal a assuré que les relations étaient très bonnes et les contacts « formels et informels ». Pour cause, son propre mari, l’Italien Vincenzo Sofo, est lui-même eurodéputé au sein du groupe CRE. Reconquête rêve d’une coalition des droites européennes dont CRE serait l’arbitre en tant que force médiane. Un projet qui serait irréalisable dans l’état actuel du Parlement européen mais qu’il faudra reconsidérer après l’échéance du 6 juin, si la bonne dynamique des droites radicales chez nos voisins européens se confirme.
« Vive notre vieille Europe ! »
La ligne Reconquête, dernière mise à jour, tient en trois thèmes : défense de l’identité française, défense des libertés économiques, lutte contre les dérives du progressisme. Et l’Europe dans tout ça ? Une ébauche de programme européen a été esquissée pendant le discours final. C’est peut-être l’influence de l’ex-MNR Nicolas Bay ou une énième volonté de parler à l’électorat LR, mais la vision de l’Europe en tant qu’espace civilisationnel et potentiellement politique a été pleinement réactivée : « Tant de choses nous rapprochent (les États européens, ndlr) » et « vive notre vieille Europe » en conclusion. La « coopération européenne » est vu comme essentielle pour gérer la crise migratoire. Enfin, l’on préconise de promouvoir le nucléaire, sortir du tarif ARENH et du marché européen de l’énergie.
De retour en position de star, Marion Maréchal s’est passée du « vive la République » de fin de discours, préférant « vive la civilisation ».
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