Deux jours après la publication des premiers décrets d’application de la réforme des retraites, et à l’avant-veille d’une tentative mal engagée de porter un coup politique à la réforme à l’Assemblée, les syndicats appellent à une 14e journée de mobilisation aux allures de chant du cygne.
Quelque 250 manifestations et rassemblements sont prévus à travers la France. Frédéric Souillot, secrétaire général de FO, se veut optimiste : « Il y aura du monde dans la rue », a-t-il assuré sur France 2 mardi matin, tablant sur un million de personnes. Les autres syndicats se montrent toutefois prudents. « Ça ne sera pas du niveau des plus hautes mobilisations », anticipe Céline Verzeletti, secrétaire confédérale CGT. « Il y aura peu de grévistes », en tout cas dans l’Éducation nationale, reconnaît Benoît Teste (FSU), évoquant une « fin de cycle ».
?? « Est-ce que j’ai l’air de vouloir tourner la page ? »@SouillotFo, secrétaire général @force_ouvriere, annonce d’autres mobilisations contre la #ReformeDesRetraites. #Les4V #Manif6Juin pic.twitter.com/2MSa7y51Fa
— Telematin (@telematin) June 6, 2023
Les autorités attendent entre 400.000 et 600.000 personnes, dont 40.000 à 70.000 dans la capitale. Peu de perturbations sont attendues dans les transports publics : un trafic « très légèrement perturbé » à la SNCF, avec « neuf trains sur dix » en moyenne, et « normal » en Île-de-France sur l’ensemble du réseau de la RATP. Un tiers des vols sont annulés au départ de Paris-Orly. À Rennes cependant, une dizaine de lignes de bus sont suspendues en raison du blocage de dépôt par des manifestants, a indiqué le réseau Star.
Ne pas « tourner la page »
L’intersyndicale affirme ne pas « tourner la page », mais certains semblent avoir acté sa défaite. « Bien sûr que le texte s’appliquera le moment venu », a affirmé la semaine dernière le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui quittera ses fonctions le 21 juin. À Paris, la manifestation partira des Invalides à 14h00 vers la place d’Italie. Les syndicats tiendront leur point presse devant l’Assemblée nationale, marquant symboliquement le lien avec la journée de jeudi, au cours de laquelle sera examinée une proposition de loi du groupe Liot visant à abroger la réforme.
Avec 14 journées de grèves et de manifestation le mouvement, qui a réuni à plusieurs reprises plus d’un million de manifestants selon la police, égale désormais en nombre de journées d’action celui de 2010, également contre une réforme des retraites (reportant l’âge de départ de 60 à 62 ans). Cela n’a pas suffi à ébranler l’exécutif, qui a usé avec la majorité de tous les outils constitutionnels à sa disposition pour faire passer son projet. Deux premiers décrets d’application de la réforme sont parus dimanche au Journal officiel, dont celui portant progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Une arme fatale contre l’article-clé de la PPL : l’article 40
Jeudi, la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet devrait dégainer l’article 40 de la Constitution – qui interdit aux parlementaires de déposer des amendements ayant pour effet de diminuer les ressources ou d’aggraver les charges publiques – pour déclarer irrecevables des amendements visant à restaurer l’article-clé de la PPL Liot, supprimé en commission des lois.
Dans une tribune publiée lundi dans Le Monde, la gauche et les députés Liot ont appelé Mme Braun-Pivet à laisser vivre la PPL, invoquant le risque d’un « accroissement de la colère et de la violence ». Le débat doit se tenir « dans le cadre démocratique et le respect de la Constitution », a de son côté affirmé le président de la République Emmanuel Macron, en marge d’un déplacement au Mont-Saint-Michel.
Des contestations juridiques à l’horizon
L’intersyndicale, qui n’a pas prévu de se réunir mardi soir, n’a pas encore fait connaître sa stratégie en cas d’échec de la PPL Liot. Sophie Binet, qui a pris la suite de Philippe Martinez a fait savoir que la CGT traquerait toute « faille juridique » pour attaquer les 31 décrets. Le président de la CFE-CGC, François Hommeril, a lui aussi pointé lundi sur France Inter des décrets « peu cohérents, mal écrits », qui pourraient donner lieu à des contestations juridiques.
Le gouvernement prévoit de son côté la tenue mi-juin d’une réunion multilatérale, soit à Matignon, soit à l’Élysée, avec les syndicats et le patronat. Le pays doit « continuer d’avancer », a déclaré M. Macron lundi.
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