Un procureur du tribunal de Dakar a requis mercredi dix ans de réclusion criminelle pour viols contre l’opposant sénégalais Ousmane Sonko, absent d’un procès manipulé selon ce dernier par le pouvoir pour l’empêcher d’être candidat à la présidentielle en 2024.
Le jugement a été mis en délibéré et la décision est attendue le 1er juin, a indiqué dans la nuit de mardi à mercredi le président de la chambre criminelle dans un climat de haute tension politique.
La plaignante Adji Sarr avait maintenu la veille ses accusations, assurant avoir été violée cinq fois par M. Sonko dans un salon de beauté de la capitale où elle travaillait. Elle a relaté sans détour les actes que M. Sonko, affirme-t-elle, lui a imposés entre fin décembre 2020 et début février 2021, jusqu’à ce qu’elle dépose une plainte qui a secoué le monde politique.
« Si le viol n’emporte pas votre conviction », le procureur a également requis cinq ans d’emprisonnement ferme pour « corruption de la jeunesse ».
La jeune femme d’un peu plus de 20 ans a aussi rapporté les menaces de mort dont elle dit avoir fait l’objet, autre chef d’accusation retenu contre le président du parti Pastef-les Patriotes, arrivé troisième de la présidentielle en 2019. Sur ce volet de l’affaire, le parquet a requis un an d’emprisonnement ferme. La partie civile avait aussi réclamé 1,5 milliard de francs CFA (2,3 millions d’euros) à M. Sonko et à Mme Ndèye Khady Ndiaye, la patronne du salon de beauté.
Des accusations encore réfutées par Ousmane Sonko
M. Sonko, 48 ans, très populaire auprès de la jeunesse, a reconnu être allé se faire masser pour apaiser des douleurs de dos chroniques. Mais il a toujours réfuté les accusations dans les dossiers de viols présumés et de diffamation et crié au complot du pouvoir pour l’écarter de la présidentielle. Sa défense s’était retirée après avoir demandé en vain le report du procès.
Disant craindre pour sa sécurité, Ousmane Sonko a annoncé qu’il ne répondrait plus aux convocations de la justice sans garantie de l’État pour son intégrité physique. L’État n’a donné aucun signe d’avoir accédé à cette exigence.
M. Sonko est présumé se trouver à Ziguinchor (Sud), ville dont il est le maire et où il s’est retiré il y a plusieurs jours, à des centaines de kilomètres de Dakar. Ses partisans montent une garde étroite autour de son domicile pour parer une éventuelle tentative de l’amener de force au tribunal. Des heurts avec la police ont éclaté mardi soir, ont rapporté des médias proches de l’opposant.
Une autre condamnation qui pourrait le priver de ses droits électoraux
Ce procès retentissant est l’épilogue d’un feuilleton qui tient le Sénégal en haleine depuis plus de deux ans. L’enjeu en est autant criminel que politique. L’éligibilité de M. Sonko et sa faculté de concourir en 2024 en dépendent.
Les rendez-vous de M. Sonko avec la justice dans cette affaire, et une autre de diffamation dans laquelle il vient d’être condamné et qui pourrait elle aussi le priver de ses droits électoraux, ont régulièrement donné lieu à des incidents et des affrontements. Ses adversaires l’accusent de s’en remettre à la rue pour échapper à la justice, ou d’être un agitateur fomentant un projet « insurrectionnel ».
L’activité a une fois de plus été ralentie à Dakar mardi, les écoles ont annoncé rester fermées mercredi, et jusqu’à au moins jeudi matin à Ziguinchor. Aucun trouble significatif n’a été rapporté pendant le procès.
Un tribunal placé sous haute protection policière
Le procès s’était ouvert le 16 mai dans un contexte de heurts et avait été reporté au bout de quelques minutes. Dans un tribunal placé sous haute protection policière, il a fini mardi par entrer dans le vif du sujet après le rejet de nouvelles demandes de report, avec la lecture de l’acte d’accusation et l’interrogatoire de la co-accusée de M. Sonko, Ndèye Khady Ndiaye, patronne du salon de beauté.
Cinq ans de réclusion criminelle ont été requis contre Mme Ndiaye pour « complicité de viols » et un an d’emprisonnement ferme pour diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs et incitation à la débauche. La patronne de Sweet Beauté, dans les toutes dernières semaines de sa grossesse, a nié les faits. « Adji Sarr ne m’a jamais parlé de viol. Elle n’en a jamais parlé à mon époux », a-t-elle dit. Elle a répondu aux questions seule, ses avocats ayant aussi quitté la salle.
La plainte d’Adji Sarr a passagèrement mis la question du viol sur la place publique où elle est volontiers passée sous silence. Adji Sarr a été attaquée et menacée sur les réseaux sociaux. Mais elle a toujours réclamé justice. Le viol, criminalisé depuis 2020, est passible de dix à vingt ans de prison
L’interpellation de M. Sonko dans cette affaire en 2021 avait contribué à déclencher plusieurs jours d’émeutes qui avaient fait au moins 12 morts.
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