Alors que les Allemands célèbrent le 30e anniversaire de la chute du mur de Berlin – marqueur emblématique de l’effondrement du communisme en Europe – certains d’entre eux craignent que l’esprit de Marx s’agite encore dans l’ombre du Rideau de fer.
Les Berlinois se réjouissent que les restes des dalles de béton qui ont coupé leur ville en deux – l’une libre, l’autre opprimée – ne soient aujourd’hui plus qu’un lieu de mémoire.
Lorsque le mur est tombé le 9 novembre 1989, le vent de sa chute a fait se soulever l’espoir et la liberté.
Dans l’Europe d’aujourd’hui, cependant, certains craignent que la liberté ne soit à nouveau menacée.
L’ancienne prisonnière politique est-allemande Vera Lengsfeld, qui a assisté à la chute du mur de Berlin, affirme que le socialisme cherche à organiser un retour en force en Allemagne.
« Nous avons vu l’effondrement de l’économie étatique de l’Allemagne de l’Est, mais les décideurs politiques sont maintenant occupés à essayer d’introduire de nouveaux plans étatiques dans l’économie », déclare Lengsfeld à Epoch Times. À titre d’exemple, elle cite la loi allemande sur les énergies renouvelables, qui introduit un système de taxes liées à l’électricité verte, ainsi que des appels récents à la collectivisation par un mouvement de jeunesse au sein du Parti social-démocrate (SPD)
Le SPD est un partenaire de l’Union chrétienne-sociale (CSU), plus conservatrice, dans le gouvernement de la chancelière Angela Merkel.
En début d’année, Kevin Kühnert, le chef des « Jusos » ou Jeunes socialistes, a déclaré à l’hebdomadaire allemand Die Zeit que l’État devrait nationaliser les grandes entreprises allemandes comme BMW.
« Sans collectivisation, vaincre le capitalisme est impensable », déclarait M. Kühnert le 1er mai. « Pour moi, le plus important n’est pas de savoir si sur la porte d’entrée de BMW on écrit ‘société automobile nationale’ ou ‘société coopérative automobile’ ou si le collectif décide que BMW ne doit plus exister sous cette forme », a-t-il ajouté.
M. Kühnert a ajouté que l’essentiel est qu’il n’y aurait plus de « propriétaire capitaliste » de l’entreprise.
Il s’en prend aussi à ceux qui louent leur propriété à des fins lucratives.
« Si l’on y réfléchit bien, personne ne devrait posséder plus d’espace de vie qu’il n’en a besoin pour lui-même », a déclaré M. Kühnert, appelant à des politiques qui permettraient à l’État allemand de priver les propriétaires légitimes de vastes pans du parc immobilier.
Ses commentaires ont déclenché des réactions nombreuses, y compris de la part de personnalités importantes du SPD, comme Johannes Kahrs, un membre de la frange libérale du parti, qui a envoyé des tweets : « Quelle terrible absurdité. Qu’est-ce qu’il fumait ? Ça ne devait pas être une substance légale. »
Mais alors que même le secrétaire général du SPD, Lars Klingbeil, a déclaré dans un tweet que Kühnert décrivait une « utopie sociale », certains dans le Parti considèrent que sa rhétorique était tout à fait conforme aux principes du Parti.
« Le socialisme signifie que nous voulons mettre fin à toute forme d’injustice et, en principe, changer toute forme d’inégalité », a déclaré Hilde Mattheis, membre du SPD, à DW. « Et que nous voulons y parvenir par n’importe quel moyen démocratique. Je ne comprends pas ce qui était si controversé ici. »
Ralf Stegner, le leader adjoint du SPD, a également minimisé la controverse comme une « tempête dans une tasse de thé », révélant peut-être que la ligne du Parti a tourné à gauche, et ce qui était considéré autrefois comme radical fait maintenant partie du courant dominant.
Pauvreté pour tous
Lengsfeld, qui après la réunification allemande est devenu une femme politique représentant à la fois l’Alliance 90 et les Verts, puis la CDU au Bundestag, considère les commentaires de Kevin Kühnert comme des repères sur une route bordée des horreurs du socialisme.
« Une grande partie de l’élite allemande n’a tout simplement pas tiré les leçons de l’histoire », insiste-t-elle, « sinon, il serait clair que la propriété et l’industrie contrôlées par l’État ne mènent pas à la richesse pour tous, mais à la pauvreté pour tous. »
« Toutes les expériences que Kevin Kühnert demande ont été menées en Union soviétique et ont conduit à un désastre. »
Lengsfeld déclare qu’elle pense que, pour la plupart, les personnes nostalgiques du communisme ou rêvant d’un « paradis socialiste » en Allemagne sont soit d’anciennes élites est-allemandes qui ont tiré profit du pouvoir, soit des Allemands naïfs qui n’en ont jamais fait l’expérience directe, mais sont éblouis par des notions utopiques sur la justice sociale, la réduction des inégalités et le bien-être social. Elle explique que ceux et celles qui ont souffert du communisme haïssent généralement l’idée de sa résurgence.
Kai Weiss, chercheur au Centre économique autrichien et membre du conseil d’administration de l’Institut Hayek, est plus pessimiste.
« Comme dans la plupart des autres parties du monde occidental, l’Allemagne a également connu une résurgence de la pensée socialiste ces dernières années », déclare M. Weiss à Epoch Times.
« L’exemple de M. Kühnert est particulièrement éclairant : il est né à Berlin-Ouest, aux portes du régime communiste, mais seulement en 1989, quelques mois avant la chute du mur de Berlin. Il embrasse toujours le socialisme », explique M. Weiss. « Le problème, c’est que les jeunes ont beaucoup plus de facilité à embrasser ces idées, parce qu’ils ne les ont jamais vécues ni vécu les conséquences désastreuses de celles-ci. »
« Mais il n’y a pas que les jeunes », affirme M. Weiss. « Certains Allemands de l’Est ont aussi une certaine nostalgie du ‘bon vieux temps’. »
« C’est peut-être parce que les attentes du monde postcommuniste étaient trop élevées et qu’il y a eu trop de promesses faites aux Allemands de l’Est », dit M. Weiss. « Jusqu’à aujourd’hui, ils continuent de gagner (souvent beaucoup) moins que les Allemands de l’Ouest. »
« Le socialisme a été essayé des millions de fois et les résultats sont toujours les mêmes : pauvreté de masse, destruction, misère, tyrannie et mort. Et cela ne peut pas fonctionner, comme des économistes comme Ludwig von Mises et Friedrich von Hayek l’ont montré il y a déjà plusieurs décennies », continue-t-il. « Les socialistes diront, bien sûr, que des exemples comme l’Union soviétique, le Venezuela ou Cuba n’ont pas ‘vraiment’ été du socialisme. Mais il y a une étrange progression parmi les socialistes : chaque fois qu’un projet socialiste commence, ils célèbrent les Chavez et les Castro de ce monde. Mais quand la pauvreté règne, que les gens font la file pendant des heures pour avoir du pain et que le gouvernement se bat contre son propre peuple, ce n’est plus le socialisme. »
« Peut-être un sociopathe »
Jeff Nyquist, auteur de Origines de la Quatrième Guerre mondiale et critique ouvert de Karl Marx, affirme que ses idées n’ont pas conduit au désastre à cause d’une mauvaise mise en œuvre mais que « Marx avait l’intention de détruire ».
« C’était un homme malveillant », affirme-t-il à Epoch Times. « C’était peut-être un pervers narcissique, peut-être un sociopathe. »
« On voit dans sa propre vie les marques de la méchanceté. Où que ses idées et son esprit aillent, c’est mauvais aussi. Parce que les gens ont besoin de liberté. Il faut qu’ils puissent se développer et mener leur vie, pas être accablés par toutes ces absurdités, ni voir l’État prendre des prétextes pour dominer et contrôler tout. »
Nyquist rejette l’idée selon laquelle le socialisme aurait fonctionné si, comme le prétendent ses partisans modernes, il avait été appliqué « correctement ».
« Il y a tellement de gens qui ont l’idée que le marxisme ou le communisme étaient en quelque sorte bons, mais qu’ils n’ont tout simplement pas été utilisés correctement », dit Nyquist. « Mais quand on regarde les origines de cette philosophie nihiliste et que l’on regarde son créateur et la nature de celui-ci, la vraie nature des arguments sous-jacents au communisme, non, on voit qu’il est mauvais depuis le tout début. Il a un mauvais objectif et il a un mauvais résultat. »
Nyquist fait état de quelque 100 millions de morts au XXe siècle attribuées au communisme, ainsi qu’à d’autres formes de désolation.
Dans l’ombre du rideau de fer
Décrivant la vie sous le communisme, Lengsfeld explique que si les élites est-allemandes jouissaient du pouvoir et des privilèges, les gens ordinaires souffraient.
« C’était une dictature », dit-elle. « Il n’y avait ni libertés ni droits démocratiques. »
Les produits de première nécessité étaient rares, dit-elle, sans parler des « produits de luxe » comme les voitures, les machines à laver ou le carrelage pour salle de bains.
« L’économie était guidée par un plan d’État, ce qui ne fonctionne jamais. Cela n’a certainement pas fonctionné en Allemagne de l’Est », déclare Mme Lengsfeld, citant les pénuries de routine.
« Nous n’étions plus affamés comme dans les années 40, mais il y avait un manque constant de certains produits et il fallait avoir beaucoup de temps pour obtenir tout ce qu’on voulait. Il nous a fallu attendre environ 10 ans pour avoir une voiture. À la fin de l’Allemagne de l’Est, il fallait attendre en moyenne 15 ans pour avoir une voiture. Ou vous attendiez 5 à 10 ans pour trouver un appartement. Pour d’autres biens, une machine à laver par exemple, il fallait attendre 1 ou 2 ans. Si vous aviez besoin de carreaux pour votre salle de bain, vous deviez trouver où il y aurait une livraison et faire la queue pendant 48 heures. Et puis vous aviez le choix entre deux types : blanc ou bleu. »
Les gens qui osaient s’opposer à l’État ont connu le pire.
« Tous ceux qui ont agi contre la dictature ont subi la répression », dit-elle. « Vous pouviez perdre votre emploi, comme ce fut mon cas. On vous interdisait de voyager. Vous ne pouviez pas quitter le pays, pas même pour d’autres pays socialistes. Mon appartement a fait l’objet d’une descente par la Stasi. »
Même les formes pacifiques de protestation, comme le fait d’attirer publiquement l’attention sur des droits garantis par la Constitution, étaient sévèrement punies.
Lengsfeld a été arrêtée en janvier 1988 à Berlin-Est avec une affiche sur laquelle figurait l’article 27 de la Constitution de l’Allemagne de l’Est, qui disait : « Tout citoyen a le droit d’exprimer son opinion librement et ouvertement. »
Elle a été jetée à Hohenschönhausen, un complexe pénitentiaire utilisé par la police secrète.
« C’était une prison très spéciale parce qu’elle avait été aménagée pour un isolement total. Vraiment complet. Un prisonnier ne savait pas où il se trouvait », raconte Lengsfeld. « J’ai été emmenée en prison les yeux bandés et on ne m’a jamais dit où j’étais. Je n’ai jamais rencontré, jamais entendu, jamais eu de contact avec d’autres prisonniers. »
« C’était totalement silencieux dans cette prison », dit-elle.
« Il n’y avait rien d’autre à l’intérieur de ma cellule qu’une planche de bois, un lavabo, une petite table et un tabouret », dit-elle.
« Rien à lire, rien à écrire, pas de fenêtre, que des pierres avec un petit trou pour l’air frais. »
Elle a été interrogée à plusieurs reprises mais n’a jamais été battue. « C’était une politique selon laquelle les prisonniers politiques ne devaient pas présenter de marques de torture », a-t-elle dit, expliquant que cela avait pour but de minimiser les preuves de mauvais traitements et de prévenir les accusations d’abus. « Ce n’était le cas que pour les détenus de cette prison en particulier », a-t-elle ajouté, ajoutant que si les détenus étaient par la suite transférés dans des prisons ordinaires, ils risquaient des sévices physiques.
La pression psychologique, qui frisait la torture mentale, était cependant l’expertise de cette prison.
« Ils m’emmenaient 30 minutes par jour dans une cellule en plein air, longue de 8 mètres et large de 4 mètres. Les murs faisaient 4 mètres de haut. On pouvait voir le ciel, rien d’autre. Les gardes traversaient un pont au-dessus de la cellule, armés. »
L’isolement, dit-elle, est un outil de manipulation.
« Comme les gardiens ne parlaient pas avec les prisonniers, les prisonniers n’obtenaient aucune information », a-t-elle dit. « Rien de l’extérieur. Le seul qui parlait avec le prisonnier était l’interrogateur. »
L’astuce psychologique, explique-t-elle, c’est que si un être humain est maintenu assez longtemps en isolement, il parlera à n’importe quel autre être humain, même s’il s’agit de son geôlier. Trois jours d’isolement, dit-elle, et elle était prête à parler.
« Je lui ai tout de suite demandé s’il savait que l’isolement cellulaire est considéré comme de la torture en droit international », a-t-elle dit.
« Oh non, rien de tout cela, on cherchait juste une compagne de cellule appropriée pour vous et ça a pris un peu de temps », a répondu à Lengsfeld un homme décrit comme un « expert en psychologie ».
Lengsfeld dit que lorsqu’on l’a ramenée dans sa cellule après l’interrogatoire, une compagne de cellule l’attendait.
« Elle avait mon âge, elle avait trois enfants comme moi, elle avait une carrière académique similaire et faisait face à des accusations similaires », a-t-elle dit. « Je me suis méfiée d’elle. »
« Lors de l’interrogatoire suivant, on m’a demandé : ‘Que pensez-vous de votre nouvelle compagne de cellule ?' » raconte Lengsfeld.
Elle a répondu : « Je la trouve très cordiale et j’espère que la camarade recevra de l’argent pour son séjour dans ma cellule, car ça a dû être dur pour elle. »
« Aucune réaction » de son interrogateur, dit Lengsfeld. Il l’a interrogée pendant quelques heures de plus, mais n’a plus évoqué sa compagne de cellule.
Quand elle a été ramenée dans sa cellule, la femme était partie.
Lengsfeld a finalement eu le choix, lors de son procès, soit de passer six mois en prison, soit de quitter le pays. Elle a choisi de retourner d’abord à Berlin-Est où elle est arrivée le 9 novembre, le jour de la chute du mur.
Lorsqu’elle est arrivée à un poste de contrôle vers 22 heures, il y avait déjà une foule énorme.
« Tous les gardes-frontières sont restés immobiles », dit-elle. « Les gens les couvraient de fleurs, attachaient des noeuds colorés à leurs casquettes, à leurs boutons. »
« Ils ne bougeaient pas, ils étaient comme des marionnettes de cire avec des mitrailleuses, des armes sur leurs épaules. »
« Je suis allée voir l’officier supérieur dans cette rangée. Je l’ai regardé dans les yeux et lui ai demandé : ‘Comment vous sentez-vous ?’ mais il n’a pas répondu, n’a pas bougé un muscle. »
« Puis il y a eu un grand cri, des milliers de voix », raconte-t-elle. « Ils avaient levé la barrière et les gens se sont déversés par le poste de contrôle, passant le pont pour aller à Berlin-Ouest. »
Elle dit que la foule est ensuite allée jusqu’à une station de bus, surprenant un chauffeur de bus solitaire.
« Il a été étonné de nous voir et est sorti de son bus », dit-elle, « en demandant d’où venaient tous ces gens. »
« De l’Est, la frontière est ouverte ! » les gens criaient.
« Il m’a proposé de monter dans son bus » raconte Lengsfeld. « Il a ensuite quitté son itinéraire et nous a fait visiter Berlin en bus. »
Cela, dit-elle, ressemblait à de la liberté.
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