Pendant une dizaine d’années, Larry Bocchiere, 68 ans, n’a pas trouvé particulièrement difficile de s’occuper de sa femme, Deborah, qui avait des problèmes respiratoires. Mais à mesure que la maladie de son épouse s’aggravait, il a été submergé par le stress.
« J’étais constamment sur mes gardes pour tout changement dans sa respiration. Si elle bougeait pendant la nuit, je bondissais pour voir si quelque chose n’allait pas », a-t-il raconté récemment lors d’une conversation téléphonique. « C’est le genre de vigilance à la menace qu’un soldat de combat ressent. Je ne pense pas avoir eu une bonne nuit de sommeil au cours des cinq dernières années. J’ai pris 50 kilos. »
Alors que sa maladie pulmonaire obstructive chronique s’aggravait et que l’insuffisance cardiaque s’installait, Deborah prenait 24 médicaments par jour et se rendait à l’hôpital pratiquement toutes les semaines pour des traitements d’urgence.
« Vers la fin, je ne pouvais pas rester trop longtemps dans la même pièce qu’elle parce que je ne supportais pas de la voir si malade », a expliqué Larry Bocchiere. Sa femme est décédée en 2013.
Les mariages sont souvent ébranlés au plus haut point lorsque l’un des conjoints tombe malade ou devient invalide et que l’autre assume de nouvelles responsabilités.
« Vous devez réécrire les attentes de la relation. Et plus on est marié depuis longtemps, plus c’est difficile à faire », a déclaré Zachary White, professeur agrégé de communication à la Queens University of Charlotte. Avec Donna Thomson, il est l’auteur d’un livre dont le titre en anglais peut se traduire Voyage inattendu : La transformation de l’être cher en aidant naturel (The Unexpected Journey of Caring: The Transformation from Loved One to Caregiver).
Selon une analyse portant sur 168 études, contrairement aux enfants adultes qui s’occupent de leurs parents, les conjoints accomplissent plus de tâches et assument un fardeau physique et financier plus lourd lorsqu’ils deviennent aidants. Les symptômes de dépression, ainsi que les tensions dans les relations, sont plus fréquents.
La communication devient souvent problématique, car les maris et les femmes se sentent désorientés et incertains sur la manière de se répondre l’un l’autre. Assez précocement, la maladie a tendance à « exacerber les émotions et à court-circuiter la communication », ont écrit Barbara Kivowitz et Roanne Weisman dans leur livre en anglais L’Amour au moment d’une maladie chronique : Comment combattre la maladie, et non se combattre l’un l’autre (Love in the Time of Chronic Illness: How to Fight the Sickness―Not Each Other.
Les deux femmes ont été soignées par leur mari (Barbara Kivowitz souffrait de douleurs chroniques, Roanne Weisman a eu un AVC). « Nous avons été surpris de voir combien la maladie a pris le dessus sur la relation », a déclaré Barbara Kivowitz plus tôt cette année dans une présentation vidéo.
L’isolement complique ces questions. « Nous entendons souvent parler de membres de la famille qui ne s’impliquent pas ou qui critiquent exagérément le conjoint en bonne santé, mais qui ne donnent jamais un coup de main et ne rendent jamais visite », a précisé Robert Mastrogiovanni, 72 ans, président de la Well Spouse Association, qui offre des groupes de soutien aux membres de relations d’aide naturelles. « Et puis il y a des amis de toute une vie qui abandonnent. »
Selon une étude publiée au début de cette année, quand leur mari ou leur femme arrivent à la fin de leur vie, la plupart du temps (55 %), les conjoints plus âgés prodiguent seuls des soins, sans l’aide de leurs enfants, d’autres membres de la famille, d’amis ou d’aides soignantes à domicile rémunérées.
Le risque est que les mariages soient minés par la maladie et que les liens affectifs essentiels soient perdus.
« Le conjoint en bonne santé peut passer du statut de partenaire et d’amant à celui d’infirmière et d’aide-soignant, ce qui est un tout autre type de relation », a affirmé Robert Mastrogiovanni, qui prenait soin de sa femme, Kathleen. Elle a eu la sclérose en plaques pendant 50 ans avant de décéder l’an dernier.
Les conjoints peuvent aussi s’éloigner lorsqu’ils éprouvent des sentiments de perte, de peur et, souvent, d’incompréhension et de colère.
« Il ne voulait pas me parler. Il avait l’air d’être en colère contre moi, mais je ne comprenais pas vraiment », a expliqué Terri Corcoran, 69 ans, dont le mari Vincent souffrait du syndrome de tremblement-ataxie associé à l’X fragile, une maladie neurodégénérative.
Il a fallu cinq ans à Vincent pour obtenir un diagnostic. Pendant ce temps, « j’avais l’impression d’avoir épousé quelqu’un que je ne connaissais pas. C’était dévastateur. Il m’a fallu du temps pour réaliser que son cerveau était affaibli », a précisé Terri Corcoran.
Comment les couples âgés peuvent-ils relever ces défis et protéger leurs relations – une source essentielle de réconfort et de soutien – lorsque la maladie frappe ? Plusieurs experts ont fait des suggestions :
Réinitialiser les attentes. Les couples doivent faire face à ce qui est perdu à cause de la maladie et, en même temps, se concentrer sur ce qui reste intact.
Dr John Rolland, professeur auxiliaire de psychiatrie à l’école de médecine Feinberg de l’université Northwestern et auteur du livre Aider les couples et les familles à naviguer dans la maladie et le handicap : Une approche intégrée (Helping Couples and Families Navigate Illness and Disability An Integrated Approach), a raconté le vécu d’un couple, dont il a été le conseiller au début des années 1970. Tous deux travaillaient lorsque la femme a commencé à présenter les symptômes de la maladie de Parkinson il y a cinq ans.
À la retraite, le couple avait prévu de faire beaucoup de vélo, de randonnée pédestre et de voyages d’aventure. Maintenant, sa mobilité est limitée, il est dans les bas-fonds, et la tension a envahi la relation.
Le conseil du Docteur Rolland a été : « Déterminez ce que vous pouvez faire ensemble et ce que chacun de vous peut faire séparément. » Il les a aidés à voir qu’ils pouvaient encore partager des activités qui leur sont chères, par exemple lire des livres ensemble et aller au théâtre, et à en ajouter de nouvelles, comme la cuisine.
Ainsi, le mari peut toujours faire du vélo sans se soucier de faire en sorte que sa femme se sente mal, à condition qu’ils communiquent ouvertement sur le respect des besoins de l’autre.
Répartir les responsabilités. Dans la mesure du possible, les couples doivent conserver un sens de l’équilibre dans leur relation. Cette situation est souvent menacée car l’un des conjoints devient moins capable de fonctionner et l’autre assume davantage de responsabilités.
Barbara Kivowitz a une suggestion pratique : créer une liste de tout ce qui doit être fait dans votre ménage, puis divisez les tâches. S’il y a des choses qu’aucun de vous ne veut faire, faites un remue-méninges pour trouver de l’aide.
Dans sa vidéo, elle décrit comment elle et son mari Richard ont fait cela. Barbara Kivowitz s’est engagée pour faire la lessive, préparer les repas, tenir les dossiers médicaux en ordre, faire des recherches sur son état et obtenir de l’aide à domicile. Richard allait s’occuper de l’épicerie, des médicaments, de l’assurance, du paiement des factures, de la planification financière et du maintien à flot du ménage. Ni l’un ni l’autre ne voulait faire le ménage – une tâche qui pouvait être confiée à quelqu’un d’autre.
Inclure le conjoint malade. Éviter d’assigner au conjoint malade un rôle passif de « soigné ». Dans la mesure du possible, fixez des limites à la prestation de soins et maintenez la réciprocité dans la relation.
Dr Rolland parle d’une femme atteinte d’une maladie rénale polykystique dont le mari aidait à administrer la dialyse à domicile trois fois par semaine : « Ils allaient dans une pièce où tout l’équipement était gardé, et quand la dialyse était terminée, ils fermaient la porte et se concentraient sur le fait d’être un couple. »
Quand Robert Mastrogiovanni s’est retiré d’un emploi de comptable pour le gouvernement, lui et sa femme ont acheté une camionnette avec une rampe et ont voyagé dans tout le pays.
Quand elle ne pouvait plus se nourrir elle-même, ils allaient toujours au restaurant où il la nourrissait à la main, ce que le thérapeute du couple avait encouragé.
Lorsque les activités communes ne sont plus possibles, le simple fait d’être avec quelqu’un peut exprimer la proximité et la solidarité.
Bien que le mari de Terri Corcoran ne pouvait pas parler, elle s’asseyait avec lui et lui parlait de ce qu’elle ressentait. « Il mettait ses bras autour de moi et je disais : ‘Je fais du mieux que je peux. Je sais que ce n’est pas ta faute, mais c’est vraiment dur.’ Et je me sentais toujours mieux. »
Élargir votre réseau. Si vos amis et les membres de votre famille ne semblent pas comprendre ce que vous traversez, trouvez des gens qui le peuvent. Les conjoints bien portants et malades peuvent avoir besoin d’aide dans des domaines différents.
Larry Bocchiere, qui est président de la Well Spouse Association, a expliqué que lorsqu’un conjoint est gravement malade, « nous perdons notre meilleur ami, notre amour, notre avenir. Mais vos enfants, vos amis, vos parents, ils ne comprennent pas ».
La première fois qu’il s’est rendu à l’un des groupes de soutien de l’association et qu’il a écouté d’autres conjoints raconter leur histoire, « j’étais chez moi », a-t-il précisé.
Donner un sens. « À un moment donné », a relaté Zachary White, « il faut être capable de donner un sens à ce que l’on vit en tant qu’aidant naturel et de l’intégrer dans un nouveau sentiment d’identité. »
Pour beaucoup de gens, le sens tourne autour de la notion de « fidélité » – l’engagement envers leur conjoint, leurs vœux et le « nous » de leur relation, a-t-il expliqué.
Terri Corcoran s’est convertie au catholicisme l’année où son mari a été diagnostiqué et a trouvé du réconfort dans sa foi et son église. « J’ai continué à prier pour que notre mariage ait un sens », a-t-elle relaté.
Apprendre que les gens de son église voyaient son mariage comme « aimant » donnait un profond sentiment de satisfaction. En fin de compte, Terri Corcoran a fini par comprendre que « c’est une croix que mon mari et moi portions ensemble ».
Barbara Kivowitz a observé un profond changement en elle-même et chez les autres, passant d’une « prestation de soins comme un ensemble de responsabilités quotidiennes » à une prestation de soins comme une expression de compassion.
« Mesurer le succès, dit-elle, en se connectant, en aimant et en se sentant aimée. »
Judith Graham est chroniqueuse pour Kaiser Health News.
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