Pays de 8,6 millions d’habitants, la Suisse est bien connue pour de nombreuses choses, notamment ses paysages impressionnants, ses montres de luxe et son chocolat (attention au diabète).
La Suisse tient les droits de l’homme en haute estime ; en fait, selon sa Constitution fédérale, les droits de l’homme font partie intégrante du système de valeurs de la nation. On peut alors se demander pourquoi les responsables suisses sont si proches du Parti communiste chinois (PCC) qui viole notoirement les droits de l’homme.
En octobre dernier, lors d’une réunion des Nations unies, la France a prononcé une déclaration au nom de 43 pays membres de l’ONU. Cette déclaration condamnait le traitement réservé par le régime chinois à la minorité ouïghoure dans la région chinoise du Xinjiang. Cependant, la Suisse, censée être la championne des droits de l’homme, a refusé de s’associer à cette déclaration. Interrogé sur les raisons de ce refus, Pierre-Alain Eltschinger, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères suisse, a expliqué à la VOA que son pays avait décidé de ne pas s’associer en raison de divers facteurs, notamment la prochaine tenue d’un « dialogue stratégique » avec Pékin.
Par la suite, M. Eltschinger a fait suivre cette déclaration d’une autre, totalement contradictoire : « La position de fond de la Suisse sur la Chine et les droits de l’homme reste inchangée… La Suisse reste préoccupée par la situation des droits de l’homme au Xinjiang et dans d’autres régions de Chine. »
Si le gouvernement suisse est préoccupé, alors pourquoi refuse-t-il de reconnaître officiellement la campagne génocidaire menée par le régime chinois ?
Eh bien, la réponse est assez simple : il s’agit de l’argent.
La Suisse et la Chine ont des liens forts, et ces liens ne font que se renforcer. Selon le Département fédéral des affaires étrangères suisse, les deux pays entretiennent des relations bilatérales depuis les années 1950 et « mènent de nombreux dialogues dans divers domaines tels que l’environnement, la coopération au développement, les droits de l’homme, la migration, l’éducation, la science ou encore les finances ».
Si l’on en croit le récent refus de la Suisse de condamner les atrocités commises au Xinjiang, alors j’imagine que tout dialogue sur les droits de l’homme ne serait que bien superficiel. Comme l’a précédemment rapporté la Deutsche Welle allemande, rien – pas même un génocide – n’empêchera Berne, la capitale du pays, d’étendre ses relations économiques avec Pékin.
En 2019, la Suisse a exporté pour 13,4 milliards de francs suisses (12,2 milliards d’euros) de marchandises vers la Chine, tandis qu’elle en a importé pour 14,9 milliards de francs suisses. Selon le rapport de DW, depuis le début du XXIe siècle, les investissements suisses en Chine ont augmenté de manière exponentielle. Il est intéressant de noter que certaines des plus grandes banques suisses détiennent désormais des participations majoritaires dans plusieurs filiales chinoises. La Chine, sans surprise, a également effectué des investissements considérables dans des entreprises suisses.
Par exemple, la société Syngenta, le plus grand producteur mondial de produits chimiques agricoles, appartient désormais à ChemChina, un conglomérat de l’État-parti chinois.
Neutre sur tout à part la Chine
Il n’y a pas longtemps, le gouvernement suisse prenait encore des mesures concrètes en faisant passer les droits de l’homme avant les gros profits. En 2019, des responsables suisses se sont joints aux appels demandant au régime chinois d’abolir les camps de concentration au Xinjiang. Ces appels sont intervenus seulement quelques jours après que des documents ayant fait l’objet d’une fuite ont révélé toute la gravité et l’ampleur des persécutions qui s’y produisaient. Cependant, les temps ont changé et le gouvernement suisse semble avoir fait volte-face.
Bien que les militants suisses aient exhorté les autorités de Berne à renégocier un accord de libre-échange conclu il y a six ans avec Pékin, leurs demandes sont restées lettre morte. L’année dernière, des informations ont été divulguées sur un « accord secret » entre la Suisse et la Chine. De manière assez incroyable, le gouvernement suisse (rappelez-vous, un supposé champion des droits de l’homme) a autorisé des agents de la sécurité chinoise à entrer dans le pays « pour une période de deux semaines – sans statut officiel – afin d’enquêter sur des citoyens chinois » qui avaient fui le régime du PCC. Une fois identifiés, les citoyens chinois ont été expulsés avec effet immédiat. Parmi les personnes touchées par cet accord inhumain, beaucoup fuyaient un régime tyrannique et cherchaient désespérément à commencer une nouvelle vie dans un pays réputé pour sa sécurité.
Comme le rapportait le Guardian en décembre 2020, contrairement à des dizaines d’autres accords que la Suisse a signés avec d’autres pays, l’accord avec le PCC « n’a jamais été publié par le gouvernement et n’a même pas été reconnu publiquement avant le mois d’août », lorsque sa traduction anglaise officielle a été obtenue par Safeguard Defenders, une ONG de personnes courageuses qui se consacrent à la préservation des droits de l’homme.
La capitulation de la Suisse devant la Chine est aussi choquante que stupéfiante. Début novembre, son ministre des Affaires étrangères a minimisé la réticence du pays à soutenir les sanctions occidentales contre le régime chinois. Berne continue à poursuivre une « voie spéciale » avec Pékin, a déclaré Ignazio Cassis. Le ministre des Affaires étrangères a qualifié la situation actuelle de « jeu d’équilibre », avec des « discussions difficiles » sur les droits de l’homme d’une part et les nécessités économiques d’une autre. Sur cette « voie spéciale », cependant, il n’y a pas de place pour des discussions importantes sur des sujets sensibles, y compris le meurtre de personnes innocentes au Xinjiang.
John Mac Ghlionn est un chercheur et un essayiste. Ses écrits ont été publiés dans des journaux comme le New York Post, Sydney Morning Herald, Newsweek, National Review, The Spectator US et d’autres médias respectables. Il est également un spécialiste des questions psychosociales, ayant un intérêt particulier dans les domaines des dysfonctionnements sociaux et la manipulation des médias.
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