Traverser le Bosphore dans un ferry reliant les côtes européenne et asiatique d’Istanbul offre au passager un splendide panorama des deux rives. Avec désormais en prime des concerts amateurs organisés à bord, qui assurent à leurs auteurs un petit revenu bienvenu en plein marasme économique.
Jusqu’à récemment, des musiciens jouaient sans autorisation durant la traversée, mais la municipalité, séduite, a lancé en 2016 le projet « Musique sur le ferry » pour en faire une partie intégrante de l’expérience. Ces concerts sont assurés par des musiciens qui s’efforcent de refléter dans leurs airs le caractère unique de la mégapole s’étendant sur deux continents.
« Nous voyageons d’un continent à l’autre. Tandis que nous voguons entre les deux, nous essayons d’exprimer les émotions provoquées par les deux cultures: une sorte de fusion, de synthèse », décrit à l’AFP l’un d’eux, Oguzhan Erdem. Il joue de la flûte ney, l’instrument traditionnel des Soufis, une branche mystique de l’islam, et son partenaire joue du clavier, une façon de « combiner Orient et Occident », estime-t-il.
« Nous Turcs ne sommes ni tout à fait occidentaux, ni tout à fait orientaux. C’est ici que les deux cultures se rejoignent ». En tout, 82 musiciens se produisent sur le détroit, de 9 heures à 1 heure du matin, avec le dernier ferry. Ils vivent des pourboires laissés par les passagers, une rentrée d’argent appréciable pour ceux qui souffrent de la crise économique frappant la Turquie.
M. Erdem, qui pratique aussi son instrument dans les rues avec son groupe « DoguBang », n’a pas pu trouver de travail en tant qu’architecte d’intérieur, son métier. « Le marché est si difficile… Un jour où je broyais du noir, j’ai vu une jeune fille qui chantait sur le ferry et je me suis demandé pourquoi je ne tenterais pas ma chance », se souvient-il.
Il joue du ney depuis neuf mois sur les eaux du Bosphore.
Eren Koç, au clavier, est sculpteur de profession et s’est retrouvé à jouer sur les ferries après avoir visité Istanbul pour l’une de ses expositions. Il dit apprécier ces moments, notamment « quand des applaudissements éclatent soudain ou que quelqu’un se lève pour danser ». « C’est comme dans les films. » De très nombreux musiciens arpentent les rues d’Istanbul, tant Turcs qu’étrangers, comme sur la très commerciale avenue Istiklal.
Chez certains passagers, les expériences musicales vécues sur les ferries sont sources d’émotion après une journée de travail. « Les mélodies parlent à mon âme et reposent mon esprit. Elles me ramènent à mon passé », confie Nimet, les larmes aux yeux à l’écoute du ney. « Tout comme les eaux du Bosphore, cela déclenche un flot d’émotions ».
M. Erdem se dit touché par ces réactions. « Le soir, les gens se vident la tête, atteignent une sorte de sérénité. J’en vois beaucoup qui dorment en paix. C’est une grande source de plaisir pour moi », assure-t-il. Tunç Baydar, coordinateur du projet pour la municipalité, explique que des musiciens jouant sans autorisation avaient posé problème par le passé pour les équipages et personnels de sécurité.
L’objectif était de « créer un environnement pour que ces musiciens puissent jouer sur les ferries, avec des autorisations et de façon plus confortable », affirme-t-il. « Nous avons intégré ces musiciens à notre marque ». Il déniche de nouveaux talents grâce aux réseaux sociaux ou au conservatoire.
Beaucoup de grandes villes ont de formidables musiciens de rue, mais toutes n’ont pas une aussi belle toile de fond à offrir à leur performance. « Nous écoutons de la musique dans les métros européens, mais c’est si beau sur l’eau… », se réjouit Berker Colak, un touriste venu d’Allemagne avec sa fiancée, en évoquant les mouettes, « ‘l’ambiance authentique » et « l’harmonie réelle » ainsi créées selon lui.
D.C avec AFP
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