Le 2 mai, la branche néerlandaise de l’organisation Greenpeace a publié des photos des documents composant les deux tiers du traité TTIP, ou TAFTA. Plusieurs enseignements importants sont ainsi révélés sur l’avancée des discussions.
En France, l’impopularité du TTIP semble partagée, tant par l’opinion, peu encline à faire confiance à un texte dont les discussions sont menées dans l’opacité, que par les politiques qui avancent leur veto sur les négociations actuelles. Le gouvernement est monté au créneau pour menacer de bloquer le projet si Washington ne faisait pas de concessions.
« Inquiétude vis-à-vis de la mondialisation »
D’après un sondage Ifop pour le site d’information Atlantico, à l’heure actuelle, 38% des Français n’ont « pas entendu parler du TAFTA », et 34% ne « savent pas vraiment de quoi il s’agit ». Ainsi, seuls 28% des Français comprennent bien de quoi il retourne. Cette méconnaissance, qui pourrait s’expliquer par le faible traitement de l’information dans les médias et l’opacité du sujet lui-même, s’accompagne tout de même d’une profonde opposition. « L’attitude spontanée par rapport à cet accord est la prudence voire le rejet », explique Jérôme Fourquet, directeur du département public de l’institut.
L’accord est perçu comme trop avantageux pour les entreprises américaines, sans contreparties suffisantes pour les entreprises françaises. L’enquête pointe également que 63% des Français ne font pas confiance au gouvernement pour défendre les intérêts de la France, alors que 55% des sondés estiment pouvoir compter sur les ONG, syndicats et associations pour défendre ces intérêts.
La prudence des Français vis-à-vis d’accords globaux et libéraux ne date pas d’hier. En 2005, la réforme politique visant à établir une Constitution européenne, accompagnée de volets économiques, avait été rejetée après référendum – une décision qu’une majorité de Français, d’après l’Ifop, approuve toujours dix ans plus tard. La méfiance française, d’après le directeur de l’institut, renvoie à « une inquiétude vis-à-vis de la mondialisation ». Celle-ci serait « particulièrement forte en France, qui collectivement, se sent moins bien armée que d’autres pour l’affronter ».
Pas d’accord avant 2017
Dans le cas du traité TTIP, ces craintes s’avèrent fondées. Si l’Allemagne, dont la politique économique repose en partie sur l’exportation, bénéficierait commercialement du traité – Angela Merkel pousse pour une adoption du traité « avant fin 2016 » –, la France aurait plus de chances d’être fragilisée. « Nous voulons de la réciprocité. L’Europe propose beaucoup et elle reçoit très peu en échange. Ce n’est pas acceptable », a indiqué Matthias Fekl, le secrétaire d’État au Commerce extérieur. « Il ne peut pas y avoir d’accord sans la France, et encore moins contre la France », ajoute-t-il.
François Hollande, pour sa part, a confirmé qu’ « à ce stade des négociations », la France dit « non ». « Jamais nous n’accepterons la mise en cause des principes essentiels pour notre agriculture, notre culture, pour la réciprocité et l’accès aux marchés publics », affirme-t-il. Une position soutenue chez les Républicains : « Les États-Unis exercent sur l’Europe une tutelle économique et financière, à travers la justice américaine, qui devient insupportable », a déclaré François Fillon.
Du côté de la Maison Blanche, l’enthousiasme n’est pas au plus fort. L’opération séduction d’Obama en Allemagne fin avril n’a pas suffi à convaincre une Europe très divisée sur la question. « Les deux parties sont encore très éloignées l’une de l’autre dans les négociations et des questions centrales restent en suspens », note Edward Alden, du Council on Foreign Relations, un think tank de Washington.
Malgré la volonté affichée par l’Allemagne et les États-Unis de conclure un accord rapidement, l’opposition de la France et les points soulevés par les documents risquent fort de ralentir le processus. Les experts des institutions européennes et américaines sont encore divisés sur la question de savoir si le TTIP pourra seulement exister. Mais s’il devait être signé, le calendrier politique des différents pays pourrait encore repousser la date d’un accord à 2017, voire 2018.
Ce que révèlent les leaks de Greenpeace
La série de documents que s’est procuré Greenpeace confirme le déséquilibre dans les discussions actuelles. Les Européens multiplient les propositions pour obtenir un accès plus grand aux marchés publics américains, la reconnaissance de leurs indications géographiques et appellations d’origine ; les Américains, de leur côté, campent sur leurs positions. Les divergences entre les réglementations des deux pays ont conduit les négociations à se tourner vers l’acceptation mutuelle plutôt que l’harmonisation ; en clair, l’UE accepte la norme américaine comme si c’était la sienne, et réciproquement.
« Les promoteurs du Tafta nous disent que son principal intérêt est davantage d’ordre géopolitique qu’économique. Ces documents montrent que cet argument ne tient pas. L’UE et les États-Unis vont vers une reconnaissance mutuelle de leurs standards, ouvrant la voie à une course vers le bas des multinationales en matière d’environnement et de santé publique », soutient Jorgo Riss, chef du bureau de Greenpeace UE à Bruxelles. Douze cycles de négociations se sont écoulés depuis l’idée du projet, et pourtant, des désaccords demeurent autour de principes centraux. De plus, des principes tels que la coopération réglementaire dans les services financiers, ou le principe de précaution, cher aux Européens, sont tout simplement écartés du débat.
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