Défenseurs de l’environnement et organisations d’éleveurs français disent craindre un revirement du gouvernement, qu’ils accusent de chercher à « sauver l’accord » de libéralisation commerciale UE-Mercosur auquel il s’était opposé.
Dans un document de travail rendu public par Mediapart et dont l’AFP a obtenu copie, le gouvernement indique « les pistes » qu’il envisage « pour répondre aux préoccupations soulevées par le projet d’accord UE-Mercosur ».
Le document liste des engagements qui seraient demandés à l’Argentine, au Brésil, au Paraguay et à l’Uruguay sur les deux principaux points d’achoppement (déforestation et normes sanitaires sur le bétail importé) en échange d’une levée du veto français.
Une visioconférence du comité de suivi de la politique commerciale est prévue jeudi à Paris sur le sujet, autour du ministre chargé du Commerce extérieur Franck Riester.
La Fondation Nicolas Hulot juge les conditions exigées dans le document « purement déclaratives et non contraignantes ».
Normes sanitaires de production interdites en Europe
« Les exigences additionnelles, en plus d’être très insuffisantes sur le fond, oublient des enjeux majeurs soulevés par cet accord: droits humains et respect des conventions internationales, impact sur les économies locales et déstabilisation des marchés agricoles », ajoute Maxime Combes, économiste du collectif Stop CETA/Mercosur, pour qui la France « négocie son ralliement » à l’accord.
« Le gouvernement nous a fait passer avant la réunion de jeudi la liste des conditions à la ratification par la France de l’accord UE-Mercosur, alors qu’il avait affirmé publiquement son opposition +en l’état+ à cet accord », a regretté pour sa part Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale Bovine qui rassemble la majorité des 80.000 éleveurs bovins s’estimant menacés par l’accord commercial.
« Pour les éleveurs français, qui sont les premiers producteurs de viande bovine en Europe grâce à un modèle d’élevage allaitant majoritairement à l’herbe, et qui souffrent déjà de revenus très bas, cet accord est une catastrophe, car il accepte l’importation en Europe de 99.000 tonnes de viande bovine du Mercosur à 7,5% de droit de douane, avec des normes sanitaires de production interdites en Europe », a ajouté M. Dufayet.
La France « s’opposait à l’accord Mercosur en l’état »
Le 23 août 2019, le président français Emmanuel Macron, invoquant « un processus de déforestation industrialisé » dans la forêt amazonienne, avait accusé son homologue brésilien Jair Bolsonaro « de ne pas respecter ses engagements climatiques » et fait savoir que la France « s’opposait à l’accord Mercosur en l’état ».
Selon les éleveurs, les élevages brésiliens utilisent notamment des antibiotiques comme dopage de croissance, une pratique interdite en Europe.
« Il ne faut pas laisser passer cette +reddition+ » a indiqué à l’AFP un responsable du monde de l’élevage, « sinon le +récit+ du gouvernement va être que la France signera l’accord Mercosur tout en interdisant au Brésil de produire des viandes à faible garantie sanitaire et environnementale, ce qui est archi-faux ».
L’eurodéputé français Manuel Bompard (GUE/GNL, gauche radicale) a pour sa part mis en cause dans une déclaration publique la présidence européenne du Portugal qui a fait de la signature de l’accord UE-Mercosur une priorité.
Et un autre eurodéputé français, Pascal Canfin (Renew Europe), a souligné dans une tribune dans la presse portugaise qu’il n’existait pas de majorité au Parlement européen pour ratifier l’accord.
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