Le 22 mars, le dissident chinois Ling Huazhan, âgé de 26 ans, est entré dans le terminal 1 de l’aéroport Charles de Gaulle à Paris, escorté par sept personnes, dont deux membres du personnel de l’ambassade de Chine, qui tenaient ses papiers d’identité et son téléphone. Leur mission était de s’assurer que le jeune homme embarquait à bord d’un vol A350 de la compagnie China Southern Airlines, dont le départ pour Guangzhou était prévu à 11h35.
Cependant, l’opération a échoué. M. Ling, qui s’était rendu à l’aéroport pour récupérer son passeport confisqué par l’ambassade, a refusé d’embarquer.
Les deux employés de l’ambassade chinoise ont contacté un officier de police en Chine, qui s’est entretenu avec M. Ling par téléphone et lui a ordonné de rentrer immédiatement en Chine. Quelques minutes plus tard, la police des frontières s’interposait et mettait fin aux menaces, au moins temporairement.
France 2 a diffusé un épisode d’Envoyé spécial le 2 mai, révélant pour la première fois comment la police chinoise tente d’extrader des dissidents hors de France par l’intermédiaire de menaces émises par l’ambassade de Chine en France, du « centre de services » du Parti communiste chinois (PCC) à l’étranger et d’autres associations de la diaspora chinoise.
France 2 et le magazine Challenges ont été informés du projet du Parti communiste chinois par Wang Jingyu, un autre dissident chinois en exil, qui a lui-même subi les harcèlements et les menaces du PCC il y a des années.
« Ils ont des gens partout »
M. Ling a participé à des manifestations contre la dictature du PCC, mis en ligne des vidéos critiquant son dirigeant actuel Xi Jinping et son fondateur Mao Zedong, et exprimé son soutien à des groupes persécutés par le régime communiste, tels que Taïwan, Hong Kong et les Ouïghours.
Ce technicien agricole de la province de Guangdong est arrivé en Europe au printemps 2023. En septembre 2023, il a rejoint la France après avoir été la cible de menaces en Allemagne.
M. Ling a affirmé avoir été localisé par l’ambassade de Chine. Après son arrivée à Paris, il a été suivi, agressé et humilié à plusieurs reprises par des Chinois dans la rue, qui ont même pris des photos et les ont envoyées à sa famille en Chine pour faire pression sur lui.
Le 22 mars, M. Ling a reçu un appel de l’ambassade de Chine, lui demandant de se rendre à l’extérieur d’un restaurant chinois à Aubervilliers, dans la banlieue nord de Paris, pour discuter. Cette adresse avait été identifiée depuis longtemps par les services de renseignement français comme étant un poste de police chinois clandestin.
« Ils m’ont dit qu’ils avaient des gens partout en France et qu’ils me retrouveraient quoi qu’il arrive. J’ai senti que j’allais être arrêté et expulsé vers la Chine », a-t-il confié plus tard aux médias.
Après cette conversation, M. Ling a été conduit directement à Charles de Gaulle par deux voitures, suivi par l’équipe de tournage de France 2 et les journalistes de Challenges. Il a expliqué plus tard qu’on lui avait promis de lui rendre son passeport s’il montait dans la voiture.
En entrant dans l’aéroport, il a été entouré par deux membres du personnel de l’ambassade de Chine et des membres d’une organisation chinoise locale portant des gilets rouges. Son téléphone et ses documents d’identité étaient entre les mains des fonctionnaires de l’ambassade. Une personne en costume l’a accompagné à l’embarquement, mais juste avant le départ, M. Ling a décidé de s’échapper, ce qui a mis en colère le personnel de l’ambassade qui s’est lancé à sa poursuite.
Des journalistes de Challenges et de France 2 sont intervenus pour protéger et aider M. Ling à récupérer son passeport. La police des frontières est également arrivée sur les lieux. Ils n’ont cependant pas engagé d’action supplémentaire compte tenu du statut diplomatique du personnel de l’ambassade.
Après l’échec de son expulsion, M. Ling a continué à recevoir des harcèlements téléphoniques et des centaines de messages de menace, notamment de Lin Jiayan, un officier de police de Chine, qui exigeait qu’il se rende, faute de quoi sa famille ferait l’objet de représailles. Certains messages le menaçaient ouvertement: « Nous mettrons votre frère sur le banc du tigre [une forme de torture] », et « nous lui enlèverons ses organes génitaux », etc. Ils ont également ordonné au dissident de se rendre dans un restaurant chinois appelé « Carnet de voyage » du 9e arrondissement de Paris, un établissement qui est toujours dans le collimateur du ministère de l’Intérieur.
Nombreux postes de police du PCC à l’étranger
En 2022, Safeguard Defenders, une organisation de défense des droits de l’homme établie en Espagne, a révélé que le PCC avait mis en place plus d’une centaine de postes de police à l’étranger dans 53 pays, dont quatre en France, à Paris et en banlieue parisienne.
D’après le dernier rapport de Safeguard Defenders publié en avril, le PCC affirme avoir réussi à renvoyer plus de 12.000 personnes en utilisant des méthodes comme l’extradition, le rapatriement et parfois l’enlèvement au cours de la dernière décennie. Le rapport contient 283 récits individuels de retours extrajudiciaires en provenance d’au moins 56 pays et de deux territoires (Hong Kong et Macao).
L’Association d’Aubervilliers, fondée en 2021, se décrit comme « une organisation qui fournit des services caritatifs aux ressortissants chinois en France » et dispose d’un bureau au 85-87 avenue Victor Hugo à Aubervilliers, en France. Safeguard Defenders a confirmé en 2022 que le bâtiment abritait un poste de police clandestin, installé dans les locaux d’une autre institution, l’Association commerciale France-Chine d’Aubervilliers.
Selon le ministère de l’Intérieur, cette agence, ainsi que six autres postes de police clandestins en France, ne sont plus actifs depuis le rapport de l’ONG en 2022.
D’après M. Wang, les services de renseignement français ont ouvert une enquête sur cet incident.
L’incident a permis pour la première fois de montrer aux Français, à l’aide d’une caméra, le processus d’intimidation du PCC à l’encontre des dissidents chinois résidant à l’étranger, ainsi que l’existence de réseaux de postes de police clandestins à l’étranger.
M. Ling a déposé une plainte le 10 avril contre les inconnus qui l’ont harcelé. Henri Thulliez, l’avocat de M. Ling, a estimé que ce cas était typique et clair, et qu’il était « inacceptable que des autorités étrangères puissent mettre en péril les droits fondamentaux d’un citoyen sur le territoire français ».
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.