Le 4 juillet 1967, Fatima Abdesselam-Tani, élève infirmière de 25 ans, est aperçue pour la dernière fois à Bully-les-Mines, ancienne cité minière du Pas-de-Calais. Cinquante-sept ans plus tard, l’affaire est relancée par la découverte d’ossements sur la commune. « Un miracle », veut croire sa famille.
Rien ne prouve encore que ces ossements, retrouvés le 20 juin par des archéologues sur le chantier de la future piscine municipale de Bully-les-Mines lors d’un « diagnostic archéologique », sont ceux de la jeune femme.
Mais selon une source policière peu après la découverte, ce squelette « pourrait être celui d’une femme de 18 à 25 ans, dont le corps se trouvait à cet endroit depuis au moins 50 ans ». Le parquet de Béthune indique pour sa part que des analyses sont en cours pour vérifier s’il correspond bien au corps de Fatima. Elles devraient être connues dans les prochaines semaines.
Sa petite sœur Fredera, 69 ans, qui a enquêté toute sa vie sur cette disparition, veut croire à un « miracle ». « C’est le combat d’une vie, je ne voulais pas partir et laisser le corps de ma sœur perdu dans la nature », raconte à l’AFP la retraitée, qui veut « la vérité, un procès et un pardon ».
Rappel des faits
Fatima, élève infirmière à l’hôpital psychiatrique de Saint-Venant, était l’aînée d’une famille de huit enfants. Elle n’a plus donné signe de vie depuis le mardi 4 juillet 1967, à son départ vers 19h30 du domicile familial de Sains-en-Gohelle. Dès le lendemain, l’AFP titre : « Mystérieuse disparition d’une élève infirmière dans le Pas-de-Calais ». Quelques jours plus tard, L’Aurore écrit : « L’infirmière trop coquette a disparu le 4 juillet. Sans doute un crime sans cadavre. »
Son véhicule, une Simca 1000 blanche, est retrouvé abandonné dans une impasse à Grenay. Une portière est ouverte : à l’intérieur se trouvent, selon l’AFP à l’époque, son sac à main et une lettre de rupture. Près du véhicule, des sous-vêtements lui appartenant. Les gendarmes affirment alors que des témoins ont entendu la nuit de sa disparition une querelle venant de cette impasse. Ils n’écartent pas l’hypothèse d’un enlèvement.
Quand Fatima a quitté le domicile ce 4 juillet, « elle nous a dit ‘pas de bêtises !’, comme d’habitude, et nous a embrassés », se souvient Abdelkader, l’un de ses frères encore ému par le drame qui a frappé sa famille. « Mon père est mort quelques mois après, ma mère a vécu toute sa vie dans un énorme chagrin. »
La famille, originaire d’Algérie, est arrivée en France en 1948 quand Fatima avait cinq ans. Son père, ouvrier dans une centrale béton, et sa mère, femme au foyer, avaient acheté un petit pavillon en briques rouges dans un lotissement réputé tranquille à Sains-en-Gohelle, raconte la sœur Fredera. « Les gendarmes nous disaient ‘ça stagne’, alors on a fait notre propre enquête avec mes frères », explique-t-elle.
« Un drame sans réponse »
Après avoir recueilli des centaines de témoignages, elle assure avoir identifié plusieurs participants à un « guet-apens » dont aurait selon elle été victime sa sœur, qui aurait « découvert des choses qu’elle ne devait pas savoir ». Elle se rend même en Algérie rencontrer un cousin brièvement incarcéré au début de l’enquête.
À l’époque, « la presse écrivait ‘elle s’est sauvée avec un homme’. C’est faux ! », s’emporte l’ancienne vendeuse en grande surface qui colle encore des portraits de Fatima, jeune femme brune aux yeux foncés, dans les rues de Bully-les-Mines. « Une disparition reste un drame sans réponse pour nous. Elle n’était ni morte ni vivante mais toujours présente dans nos cœurs », peut-on lire sur l’une d’elles, placardée près de la gare.
« Ma sœur était une avant-gardiste, jolie, gentille, dégourdie… Elle avait tout pour elle », regrette Fredera. Son frère Abdelkader se console : si c’est bien elle, « on pourra déposer une rose sur son corps ».
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