À partir du 1er janvier 2025, les propriétaires n’auront plus le droit de louer des logements avec la note énergétique de G, un indicateur d’efficacité énergétique controversé.
L’ancien ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, s’était engagé à changer l’indicateur en juillet pour donner plus de flexibilité aux propriétaires et aux locataires, mais les changement restent en dessous des espérances. Avant cette modification du calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) d’un logement, Les Échos estimait que 500.000 à 800.000 logements étaient concernés par l’interdiction du 1er janvier 2025. Seulement 140.000 auront été retirés des classes énergétiques F et G, à la suite des nouveaux calculs.
Selon l’État, il reste 565.000 logements classés G toujours touchés par cette interdiction, qui vont être rendus inaccessibles car trop coûteux à rénover pour une majorité de petits propriétaires. Cette interdiction touchera essentiellement les locataires les plus modestes, s’orientant davantage vers ces logements moins chers, alors que la France a besoin de 400.000 logements supplémentaires par an pour pouvoir répondre à la demande du marché locatif.
Les logements classés G, interdits à la location au 1er janvier
Ce sont d’abord les logements classés G+ au diagnostic de performance énergétique (DPE) qui ont été jugés « indécents » en 2023. C’est désormais au tour des classes G à partir du 1er janvier 2025, avant les logements F en 2028, puis E en 2034.
Selon la loi du 6 juillet 1989, un logement décent « ne doit pas comporter de risque pour la sécurité, la santé des occupants ou leur intégrité physique ». En 2000, la notion de décence d’un logement devient obligatoire par la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) et en 2021, la performance énergétique est ajoutée dans les critères. Le décret était précédé de la Loi sur la transition énergétique de 2015 pour lutter contre le changement climatique et suivi de l’adoption de la loi « Climat et Résilience » en 2021, reprenant une partie des 146 propositions de la Convention citoyenne pour le climat.
Ce calendrier des passoires énergétiques, jugé serré et intenable par certains professionnels, concerne près de 565.000 logements classés G au 1er janvier 2024, selon les données de l’État, qui précise que la réforme du DPE, instaurée en juillet, avait réduit le nombre de petites surfaces classées F ou G.
« Le chantier de la rénovation énergétique est gigantesque », il était « impossible de faire tous ces travaux en quatre ans surtout dans les petites copropriétés », alerte Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). Il craint « une accélération de la crise du logement » si des centaines de milliers de logements disparaissent du marché locatif. Depuis 2022, plus de 108.000 logements G ont été rénovés, toujours selon les chiffres officiels.
« Je ne pense pas que l’objectif fixé était de rénover tous les logements G » avant 2025, selon Carine Sebi, professeure titulaire de Grenoble École de Management, mais plutôt « d’envoyer un premier signal fort aux propriétaires bailleurs pour amorcer une dynamique de rénovation énergétique, et de protéger les locataires qui ne sont pas en capacité d’améliorer leurs logements ».
Les propriétaires préfèrent vendre leur logement plutôt que d’entamer des travaux
Devant l’interdiction de louer les logements les plus énergivores, certains propriétaires bailleurs ont préféré revendre leurs biens plutôt que de se lancer dans des travaux de rénovation, coûteux et techniques. Au troisième trimestre de 2024, 13 % des ventes de logements anciens étaient des habitations énergivores, classées F ou G, rapportent les Notaires de France, dans leur bilan annuel.
En 2022, « une forte hausse annuelle » des ventes de passoires énergétiques avait suivi la parution en 2021 du décret relatif au critère de performance énergétique. La part des étiquettes F ou G avait atteint 16 % des transactions, puis 17 % en 2023, selon les notaires.
Depuis trois décennies, l’État incite à investir dans des biens immobiliers à louer via divers dispositifs fiscaux, mais les bénéficiaires de ces mesures « ne sont pas des riches » et n’ont pas tous les moyens de financer des travaux, selon Zahir Keeno, président de Foncia Administrateur de biens, leader de la gestion locative en France.
Une part importante de bailleurs sont également âgés : « 23 % des propriétaires de logements classés F ou G ont plus de 80 ans », estime Loïc Cantin, qui prévient que ceux-ci « ne vont pas s’engager dans des grands travaux de rénovation ».
Les personnes de plus de 60 ans sont sur-représentées parmi les ventes de logements anciens énergivores et parmi les acquéreurs de logements classés A et B, les moins énergivores, selon le Conseil supérieur du notariat (CSN), qui fait le lien entre vente d’une passoire énergétique pour ne pas réaliser des travaux et rachat d’un logement plus performant énergétiquement avec l’argent de la précédente cession.
« Le contexte de baisse du nombre de transactions et de contraction des prix va renforcer l’importance de l’étiquette DPE, qui a un impact toujours plus important sur le prix du bien », a souligné Frédéric Violeau, chargé des statistiques immobilières nationales pour le CSN.
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Les résultats d’une étude du très sérieux Conseil d’analyse économique (CAE) montrent que les différences de consommation énergétique entre les différentes classes de logements sont beaucoup moins importantes dans la réalité qu’en théorie. Or, c’est cet indice qui est utilisé pour déterminer l’accessibilité au logement les plus énergivores et qui a poussé des centaines de milliers de propriétaires à investir dans la rénovation de leur bien ou à le vendre.
Selon le CAE, l’outil clé de mesure de la rénovation énergétique est inadapté pour refléter la consommation réelle des ménages. « La consommation théorique, calculée par le DPE, et la consommation réelle peuvent différer car la première n’incorpore pas les comportements des ménages », peut-on lire dans le rapport. Les ménages se pensant bien isolés ont plus tendance à changer leur comportement et à consommer davantage d’énergie – le contraire est observé pour les ménages les moins isolés qui consomment moins.
L’écart réel du budget énergie entre un logement classé A et un G serait ainsi 6 fois moins élevé que les calculs théoriques, une erreur prédictive sur laquelle se base la politique de rénovation énergétique depuis 2021. Selon le CAE, cette erreur d’estimation serait due pour un tiers à des erreurs de diagnostic du DPE des logements et aux deux tiers aux facteurs comportementaux des ménages. Ce constat n’est pas nouveau, selon une étude d’HelloWatt, parue en janvier 2023, près de 70 % des notes de performances énergétiques estimées seraient fausses.
Le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) des logements a évolué en juillet 2024 pour les surfaces de moins de 40 mètres carrés. Selon le gouvernement, cela corrigeait un « biais » qui désavantageait les petites surfaces. Cette modification a permis à 140.000 logements de sortir des classes énergétiques F et G, en en laissant toujours 565.000 hors du marché locatif.
La France a besoin de 400.000 logements supplémentaires par an, selon une étude
Alors que 565.000 logements classés G ont été retirés du marché locatif sur l’autel de la rénovation énergétique, la France a besoin de près de 400.000 logements supplémentaires par an d’ici à 2030, essentiellement à cause du « desserrement des ménages », dû notamment aux divorces et au vieillissement, selon une étude réalisée par l’Union nationale des aménageurs (Unam) et l’École supérieure des professions de l’immobilier (Espi).
La réduction de la taille des ménages fait que « le parc immobilier est mobilisé par des personnes seules » et le phénomène est « sous-estimé » par les pouvoirs publics, ont estimé les auteurs.
« La baisse démographique n’induit pas la baisse de la demande, au contraire, le phénomène de desserrement pèse trois fois plus sur les besoins que le phénomène de démographie », a confirmé à l’AFP Paul Meyer, délégué général national de l’Unam Ile-de-France.
« Certaines administrations disent aux politiques ‘inutile d’investir dans le logement, il n’y en aura plus besoin demain’. C’est faux. Et c’est ce qu’on veut démontrer », a-t-il ajouté.
À Paris, le desserrement est nourri par la présence de nombreux ménages unipersonnels composés de jeunes étudiants et jeunes actifs ou de ménages séparés. Ailleurs en France, les besoins en logements sont importants autour des grandes métropoles comme Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nantes ou Rennes, en raison de l’attractivité de ces grandes villes et du phénomène de desserrement qu’elles connaissent.
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