Une nouvelle génération de pesticides issue des biotechnologies génétiques, censée se substituer aux produits chimiques actuels en offrant une plus grande précision, risque de s’avérer tout aussi destructrice pour les insectes pollinisateurs, s’inquiète l’ONG Pollinis mardi, réclamant leur évaluation « drastique » et l’arrêt des essais en plein champ.
Pollinis, une ONG indépendante née en France qui revendique un million de membres en Europe, s’est penché dans un rapport sur les pesticides à ARN interférent (ARNi), ou pesticides « génétiques ». Ils sont conçus pour « bloquer l’expression de certains gènes et inhiber les fonctions vitales » chez les insectes ravageurs de culture. « C’est une nouvelle classe de pesticides qui se basent sur l’ingénierie génétique et les progrès réalisés ces dernières années dans ce domaine », explique Vanessa Mermet, directrice des campagnes de Pollinis.
La promesse de ces produits, pour certains déjà testés en plein champ : offrir une plus grande précision et mieux cibler les insectes qui s’attaquent aux cultures, en épargnant les précieux pollinisateurs.
Pour vérifier ces allégations, l’ONG a étudié un panel de 26 pesticides ARNi en cours de développement et comparé les séquences de gènes visées chez les insectes ravageurs avec celles d’espèces non-ciblées. « On a comparé les séquences génétiques des insectes visés par ces produits avec des centaines d’espèces dont le génome a été séquencé dans une base de données génétiques nommée BLAST », qui contient environ 2.500 insectes pollinisateurs (soit seulement une fraction du nombre de pollinisateurs), détaille Vanessa Mermet.
Pas à la hauteur de ses promesses
Résultat : « parmi les 26 produits étudiés, plus de 50% provoqueraient des effets mortels sur des pollinisateurs non-ciblés (14 sur 26) », conclut le rapport. Parmi les insectes touchés : l’abeille mellifère européenne, le bourdon des prés, le papillon belle-dame…
« Nous avons identifié 136 espèces d’insectes pollinisateurs différentes qui pourraient être impactées par l’un ou l’autre de ces produits, et la plupart du temps elles sont impactées par plusieurs produits », indique Vanessa Mermet.
Les pesticides de nouvelle génération sont ainsi bien loin de tenir leur promesses, selon Pollinis. Ils « pourraient éliminer indistinctement de nombreux insectes pollinisateurs, et précipiter leur déclin tout aussi efficacement que les pesticides chimiques qu’ils sont censés remplacer ».
L’ONG demande ainsi que les pesticides ARNi soient exclus de la définition des produits de biocontrôle (qui se fondent sur des mécanismes naturels), une évaluation de leurs risques « drastique et rigoureuse » par une agence indépendante, et enfin la suspension immédiate des essais en plein champ en Europe.
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