Sur l’île de Chypre, divisée depuis plus de 40 ans, les habitants du nord et du sud se retrouvent loin de la politique pour restaurer leur patrimoine et créer du lien, au moment où les négociations pour réunifier le pays sont elles au point mort. Depuis dix ans, des dizaines d’églises, mosquées et monuments historiques ont été reconstruits ou rénovés par des Chypriotes-grecs et des Chypriotes-turcs qui ont uni leurs forces pour rendre superbe un patrimoine endommagé par la guerre ou laissé à l’abandon.
« Nous travaillons ensemble et nous donnons un nouvel espoir aux habitants de cette île, celui d’un meilleur futur », affirme Ali Tuncay, un Chypriote-turc membre du Comité technique sur le patrimoine culturel, une organisation bicommunautaire qui supervise les travaux de restauration à travers l’île méditerranéenne.
Chypre est divisée depuis que l’armée turque a envahi en 1974 le tiers nord en réaction à un coup d’Etat qui visait à rattacher le pays à la Grèce et qui avait suscité une vive inquiétude dans la minorité chypriote-turque. Des dizaines de milliers de Chypriotes grecs et turcs ont été déplacés lors du conflit et les deux communautés ont vécu de manière totalement séparée jusqu’à l’ouverture du premier checkpoint en 2003. Le dernier cycle de négociations, organisé en Suisse en juillet 2017, a échoué.
Lancé en 2008, le projet de restauration du patrimoine réunit 12 personnes: six choisies par la République de Chypre, située au sud, et six par la République turque de Chypre-Nord (RTCN, autoproclamée), uniquement reconnue par Ankara. « Certains de nos amis disent que nous sommes un mini-modèle pour le futur de Chypre », raconte M. Tuncay.
Le patrimoine culturel peut renforcer l’identité d’un peuple
Pour le secrétaire du Comité technique, John Karis, un Chypriote-grec, le projet est « vital »: « en plus de restaurer les bâtiments, nous restaurons notre histoire », dit-il. « Il s’agit d’un exemple tangible du rôle important que le patrimoine culturel peut jouer pour renforcer une identité partagée et contribuer à la paix et à la consolidation de la confiance », estime Tiziana Zennaro, la chef du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) à Chypre, qui parraine le projet.
L’Union européenne y a participé à hauteur de 14,7 millions d’euros, en plus de la contribution d’associations ou d’ONG locales. Mme Zennaro s’est exprimée la semaine dernière lors d’une présentation sur des travaux en cours et sur la restauration achevée de ruines situées de chaque côté de la zone tampon contrôlée par l’ONU, qui scinde l’île.
La ville orientale de Famagouste, qui jouxte la zone tampon côté nord, est au cœur du projet de rénovation du Comité technique. Avant la division, ses plages de sable blanc et ses nombreux casinos attiraient la jet-set internationale. Sophia Loren y avait une maison et Elizabeth Taylor aimait y séjourner. Aujourd’hui, les immeubles éventrés de la station balnéaire de Varosha, zone militaire fermée accolée à la zone tampon, offrent à voir un paysage sinistre.
Plus accueillante, la vieille ville de Famagouste entourée de remparts du XIVe siècle et située à moins de trois kilomètres des plages abandonnées, est arpentée par les touristes. La mosquée des tanneurs y a été rénovée, tout comme l’église Sainte-Anne qui arbore des fenêtres flambant neuves. La porte de la Terre, principal point d’entrée de la ville médiévale, et l’immense bastion Ravelin qui servait à protéger la ville des attaques, ont aussi été restaurés. La tour qui surplombe le bastion, rouvert à la visite en juin, date de la dynastie française des Lusignan, qui régna sur Chypre de 1192 à 1489.
Les restaurations soulagent les blessures historiques
« Ce projet permet la communication et la communication signifie qu’on se comprend mutuellement », affirme Ruhsan Iskifoglu, une poète chypriote-turque habitant à Famagouste. Pour Meltem Onurkan Samani, conseillère politique du président de la RTCN Mustafa Akinci, les restaurations ont pour but de soulager « les blessures historiques ». A Deneia, une ville de 500 Chypriotes-grecs située plus à l’ouest dans la zone tampon, une mosquée a été rénovée. Selon les habitants, dont aucun n’est musulman, elle a été construite avec les pierres d’une église détruite en 1571 lors d’une campagne militaire ottomane.
Sur l’un des murs du petit lieu de culte, des traces d’une fresque sont de nouveau visibles. Ailleurs, une peinture avec la phrase « la haine est mon seul ennemi », du poète turc Yunus Emre, est encadrée. La rénovation du bâtiment et la coopération qu’elle a permise font la fierté de Christakis Panayiotou, maire de Deneia. « La chose la plus importante est d’être capable de montrer et de dire au monde que nous, Chypriotes-grecs et Chypriotes-turcs, devons vivre ensemble », dit-il.
D.C avec AFP
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