A la bibliothèque de la Cité des sciences et de l’industrie, dans le nord-est de Paris, un public inattendu s’installe tous les matins pour discuter ou utiliser le réseau internet: des migrants, qui trouvent là une échappatoire à leur quotidien difficile.
« La bibliothèque est devenue un lieu de rencontres pour nous. On discute, on utilise le matériel disponible. Il y a des Guinéens, des Syriens, des Afghans, des Soudanais, des Pakistanais, des Ivoiriens qui viennent ici », dit à l’AFP Boubacar. Ce Guinéen de 35 ans vient tous les jours depuis six mois pour renouer avec une vie sociale. « Ce sont d’autres migrants qui m’ont recommandé ce lieu », explique-t-il. Le soir, il rejoint son centre d’accueil à Pantin, aux portes de Paris.
« Mon voyage a duré 18 mois. J’ai traversé le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la Libye, l’Italie et la France », raconte Boubacar qui a fui son pays « pour des raisons politiques ». Arrivé il y a un an et demi en France, il attend le résultat de sa demande d’asile. Autour de lui, certains regardent en boucle des vidéos sur les ordinateurs. D’autres, téléphone en main, chargeur branché et écouteurs aux oreilles, occupent plusieurs tables au milieu de centaines d’autres visiteurs occupés à consulter des ouvrages scientifiques dont regorge la bibliothèque.
Afsidi, Pakistanais de 20 ans, vient surtout pour « passer le temps et utiliser le wifi pour son téléphone portable ». Pour se nourrir, il va aux Restos du cœur, explique-t-il en anglais. Le jeune homme, qui a fui les menaces des talibans il y a deux ans, a lui aussi fait une demande d’asile mais il vit dans la rue, sous une tente, près de la Cité des sciences et de l’industrie. A proximité du lieu où de nombreux campements de migrants ont été démantelés ces dernières années.
Selon l’association France terre d’asile, entre 730 et 1.370 migrants dorment aujourd’hui dans les rues de Paris. Les associations redoutent que quelque 7.900 places d’hébergement d’urgence pour migrants ferment dans toute la France, dont 4.000 environ pour la seule région parisienne, selon les remontées de terrain recueillies par la fédération des acteurs de la solidarité. Cet après-midi-là, ces hommes migrants représentent la moitié des personnes attablées dans la vaste salle aux murs colorés.
Mais le phénomène ne surprend plus les bibliothécaires: « Depuis à peu près deux ans, les migrants sont nombreux à venir », relève Annie Chenot, qui travaille depuis plus de trente ans à la bibliothèque de la Cité des sciences et de l’industrie. « L’effet de masse peut créer un sentiment d’insécurité, notamment chez les filles. Certaines étudiantes sont venues m’en parler », indique Mme Chenot. « Mais il n’y a jamais eu de réel problème », assure-t-elle.
Face à la venue des migrants, le personnel de la bibliothèque s’est adapté. « Il m’arrive de les aider dans leurs démarches administratives », rapporte cette bibliothécaire. La bibliothèque a aussi mis en place des ateliers de conversation en français et d’initiation informatique à visée professionnelle durant la semaine. Le public change, mais les cours font salle pleine.
Le monde associatif est aussi présent: le bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants (BAAM) a créé des cours d’apprentissage du français au sein de la Cité des sciences et de l’industrie pendant le week-end. Des cours que le BAAM dispense dans d’autres bibliothèques de la capitale, en particulier dans le nord-est de Paris. Pour les migrants, la salle offre repos et sociabilité, mais n’est pas sans déconvenues: comme dans de nombreuses bibliothèques, les vols à la Cité des sciences et de l’industrie y sont fréquents.
« Après toutes les choses qu’ils ont vécues, certains ont encore la naïveté de laisser leur téléphone portable sans surveillance pour quelques minutes », déplore la bibliothécaire. « Alors que leur téléphone reste l’un des seuls moyens qu’ils ont pour communiquer avec leur famille ».
D.C avec AFP
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