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A Qom, ville sainte iranienne, la modernité bouscule « en surface »

février 6, 2019 11:30, Last Updated: février 6, 2019 11:31
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Quarante ans ont passé mais l’emprise de la Révolution islamique reste très forte à Qom, capitale religieuse de l’Iran, même si les signes d’une certaine modernité se multiplient dans la ville, comme un défi lancé au clergé chiite.

A quelques heures de voiture au sud de la capitale Téhéran, Qom est l’une des grandes villes saintes de l’islam chiite. Elle abrite des dizaines de « hawzat » (séminaires théologiques) et accueille nombre d’ayatollahs de premier plan, considérés comme des « sources d’imitation » pour les fidèles. C’est là que les premières secousses de la Révolution iranienne se font sentir, début juin 1963. Une étoile montante du haut clergé chiite, l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, y prononce alors un discours enflammé contre le régime impérial du chah Mohammad Reza Pahlavi, les Etats-Unis et Israël.

En octobre 1964, il récidive: dans un sermon prononcé de sa maison, Khomeiny s’insurge cette fois contre une nouvelle loi accordant l’immunité diplomatique au personnel militaire américain en Iran. Le Parlement « a rendu la nation iranienne plus vile que des chiens américains! », lâche-t-il, « nous ne reconnaissons pas ce gouvernement, ce sont des traîtres ». Une semaine plus tard, l’ayatollah sexagénaire s’exile. Il ne rentrera en Iran que le 1er février 1979 pour assister dix jours plus tard au triomphe de la Révolution islamique sur la monarchie.

Quarante ans après, sa maison est toujours là, ouverte aux visiteurs et tenue par Mohammad Yazdi, un des anciens étudiants de Khomeiny qui s’étend sur le charisme, la gentillesse et la simplicité de son grand homme. Si la bâtisse n’a guère changé, la ville de Qom s’est profondément transformée depuis 1964. Ponts routiers et tours d’immeubles ont fleuri. Naguère, de telles infrastructures étaient réprouvées par une bonne partie du clergé qui y voyait une menace pour l’intimité des habitations voisines.

Dans les vitrines de boutiques à la mode, des mannequins exhibent des robes de soirée aux couleurs vives qui auraient attiré l’attention de la police des mœurs il y a seulement quelques années. Dans les rues, le tchador noir est la tenue féminine de prédilection, mais il arrive de croiser des femmes portant des vêtements colorés et plus près du corps.

A l’institut de recherche Imam-Khomeiny, influent cercle de réflexion politique, des clercs enturbannés discutent assis autour d’une table devant des ordinateurs portables, téléphone à portée de main. Mehdi Aboutalébi, docteur en sciences politiques, compare les changements sociétaux à une « vague qu’il sera difficile d’arrêter ». « C’est naturel », dit-il, « la facilité d’accès aux télévisions par satellite et à internet permet à la modernité occidentale de pénétrer toujours un peu plus dans le pays, c’est pourquoi Qom n’est plus la même qu’il y a quelques années ».

Mais cela ne veut pas dire que l’islam a perdu de son attrait, enchaîne-t-il, et la foule des pèlerins qui afflue au sanctuaire de Fatima Massoumeh (sœur de l’imam Reza, l’un des plus grands saints de l’islam chiite) semble là pour en témoigner. « Ces changements que vous voyez n’ont lieu, pour beaucoup, qu’en surface. L’identité de la société reste profondément religieuse », assure M. Aboutalébi.

Pour son collègue Ebrahim Hosseini, qui est également l’imam de la prière du vendredi à Saveh, à environ 75 km de Qom, la révolution de 1979 a permis au monde entier de situer l’Iran sur une carte et de prendre conscience de l’existence des musulmans.  « A tel point qu’aujourd’hui, même le président des États-Unis se sent obligé de présenter ses vœux aux Iraniens pour la fête du Fitr ou Norouz », veut-il croire, faisant référence à la fête musulmane clôturant le ramadan et au Nouvel An iranien.

Si l’ayatollah Khomeiny a pu propager ses idées révolutionnaires à l’aide de cassettes audio diffusées à travers le dense réseau de mosquées et de centres religieux en Iran, les autorités sont aujourd’hui engagées dans une bataille contre les moyens de communication modernes, qui viennent concurrencer le magistère du clergé.

Mais elles hésitent sur la marche à suivre et cela se traduit par une situation ubuesque où des réseaux sociaux comme Twitter, Facebook, YouTube ou Telegram sont bloqués, mais facilement accessibles avec un logiciel anticensure et utilisés par une majorité de la population et par bon nombre de dirigeants ou responsables officiels.

M. Aboutalébi, lui, se réjouit de voir émerger dans le cyberespace « une nouvelle génération » de révolutionnaires. « Ils sont passés par l’université et ils utilisent (internet) comme un point de contact avec les gens », dit-il. « Le corps religieux ne reste pas assis les bras croisés de façon à ce que d’autres groupes puissent devenir la principale référence du peuple ».

D.C avec AFP

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