Les autorités turques ont commencé lundi soir à fouiller le consulat saoudien à Istanbul dans le cadre de l’enquête sur la disparition du journaliste Jamal Khashoggi, Donald Trump estimant de son côté que son éventuel assassinat, imputé à Ryad, pouvait aussi avoir été perpétré par des « éléments incontrôlables ». Un convoi de six voitures est arrivé au consulat sous haute sécurité peu après 19H00 (16H00 GMT), a constaté une journaliste de l’AFP sur place. Les policiers, certains en uniforme et d’autres en civil, sont immédiatement entrés dans le bâtiment pour entamer leurs recherches.
Un groupe de responsables saoudiens censés participer à la fouille est arrivé au consulat près d’une heure avant la police turque. Cette fouille intervient au lendemain d’un entretien téléphonique entre le président turc Recep Tayyip Erdogan et le roi Salmane d’Arabie au cours duquel ils ont évoqué le cas de M. Khashoggi. L’éditorialiste saoudien, critique du pouvoir de Ryad et exilé aux Etats-Unis depuis 2017, s’était rendu au consulat saoudien d’Istanbul le 2 octobre pour des démarches administratives en vue de son prochain mariage avec une Turque, Hatice Cengiz.
Il n’a plus été revu depuis. Ryad assure qu’il a quitté la représentation diplomatique, mais les autorités turques affirment le contraire et certains responsables accusent les autorités saoudiennes d’avoir fait assassiner le journaliste dans le consulat par un groupe d’agents envoyés spécialement à cette fin. M. Erdogan a pressé à plusieurs reprises, en vain, les autorités saoudiennes de présenter des images prouvant que M. Khashoggi avait bel et bien quitté le consulat.
Après une conversation téléphonique avec le roi Salmane, le président américain Donald Trump a émis une nouvelle hypothèse lundi: « Je ne veux pas spéculer à sa place mais il m’a semblé que, peut-être, cela pourrait être le fait d’éléments incontrôlables. Qui sait? », a-t-il déclaré. M. Trump a également annoncé qu’il dépêchait son secrétaire d’Etat Mike Pompeo en Arabie saoudite pour s’entretenir directement avec le roi d’Arabie saoudite.
La fouille du consulat a été autorisée la semaine dernière par les Saoudiens, mais n’avait pas encore pu avoir lieu en raison d’un désaccord sur ses modalités, selon les médias turcs. Des dizaines des journalistes campent devant le consulat depuis la disparition de M. Khashoggi, à l’affût de la moindre information, entrée ou sortie du consulat. L’Arabie saoudite dément catégoriquement toute implication dans l’éventuel meurtre du journaliste, un critique du prince héritier Mohammed ben Salmane, qui collaborait notamment avec le Washington Post.
M. Trump, grand allié de l’Arabie saoudite, avait samedi pour la première fois estimé possible une implication de Ryad dans sa disparition et l’a menacé d’« un châtiment sévère ». Mais l’Arabie saoudite a promis dimanche de riposter à d’éventuelles sanctions. « Nous rejetons entièrement toute menace ou tentative d’affaiblir (le royaume), que ce soit via des menaces d’imposer des sanctions économiques ou l’usage de pression politique », a déclaré un haut responsable saoudien cité par l’agence de presse saoudienne SPA.
Paris, Londres et Berlin ont demandé une « enquête crédible ». « Défendre la liberté d’expression et une presse libre, et assurer la protection des journalistes sont des priorités essentielles pour l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France », ont déclaré dans un communiqué commun les ministres des Affaires étrangères de ces trois pays. Lundi matin, la Bourse saoudienne est repartie à la hausse au lendemain d’une sévère chute sur fond de tensions liée à la disparition de M. Khashoggi.
Alors que les investisseurs s’enthousiasmaient encore il y a quelques semaines des pharaoniques projets économiques du prince héritier, l’affaire Khashoggi semble en avoir refroidi certains. Le milliardaire britannique Richard Branson a annoncé geler plusieurs projets dans le royaume. Et des partenaires prestigieux ont annoncé ne plus participer au « Davos du désert », la deuxième édition de la conférence « Future Investment Initiative », organisée du 23 au 25 octobre à Ryad.
Les dernières en date de ces personnalités sont les PDG des sociétés de gestion d’actifs Blackrock et Blackstone, respectivement Larry Fink et Steve Schwarzman, selon des personnes familières du dossier. Le PDG de JP Morgan, James Dimon, ne s’y rendra pas non plus, selon la banque américaine. La liste des participants, initialement publiée sur le site de l’événement, n’était plus trouvable lundi.
Cher au prince héritier, l’événement est boudé par des médias comme le Financial Times, le New York Times et The Economist, mais aussi par le patron d’Uber. Pour beaucoup de multinationales, aller à cette conférence comporte des risques en termes de réputation qui « l’emportent sur les bénéfices qu’elles auraient pu tirer de l’économie saoudienne », selon Michael Stephens, du centre de réflexion londonien Royal United Services Institute.
D.C avec AFP
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