Depuis la chute de Mouammar Kadhafi, le dictateur qui a régné sur la Libye pendant 42 ans, le pays n’a presque pas connu la stabilité. Récemment, la situation s’est aggravée.
Les efforts déployés par les Nations Unies pour introduire un changement politique dans le pays sont sur le point d’échouer. Le 30 mars, le gouvernement d’union nationale (GUN) soutenu par les Nations est arrivé à Tripoli, la capitale. Le GUN a reçu un accueil réticent de la part des différents acteurs militaires et politiques, et en particulier de ses principaux opposants : le Congrès national général (CNG) de Tripoli lui a accordé un soutien limité et la Chambre des représentants de Tobrouk a rejeté son autorité. Jusqu’ici, le nouveau gouvernement n’a pas été en mesure d’exercer un réel pouvoir hors de ses bureaux de Tripoli. La Libye reste un pays profondément divisé et jongle aujourd’hui avec trois gouvernements.
L’attention de la communauté internationale se focalise surtout sur la conclusion d’accords politiques et sur la manière de lutter contre le développement rapide de l’extrémisme incarné par la branche libyenne du prétendu État islamique. L’impact de ces difficultés sur l’action humanitaire est un élément qui a été peu pris en compte. Le paysage politique et militaire chaotique a rendu très difficile l’accès aux besoins élémentaires, tels que la nourriture, le logement, l’argent, l’électricité et l’eau, dans la plupart des régions du pays. Le coordonnateur humanitaire des Nations Unies en Libye a prévenu que 2,44 millions de personnes – dont environ 425 000 personnes déplacées à l’intérieur de leur pays – ont besoin de protection et d’une forme d’assistance humanitaire.
Les prix des biens de consommation et des produits de base continuent d’augmenter. Les services de santé manquent de fournitures essentielles – les parties en guerre bloquent l’accès – et sont au bord de la rupture. Le Plan de réponse humanitaire 2016, établi par l’organisme de coordination de l’aide d’urgence des Nations Unies, OCHA, a identifié sept axes prioritaires : santé, protection, insécurité alimentaire, logement, produits non alimentaires, eau et assainissement.
On sait que les fonds internationaux alloués aux opérations humanitaires en général sont insuffisants, mais étant donné l’ampleur de la crise libyenne, le pays ne reçoit qu’une attention minimale.
Il y a plusieurs raisons à cela :
Premièrement, la Libye est généralement considérée comme un pays à revenu intermédiaire et la valeur de ses biens gelés s’élèveraient à 67 milliards de dollars. Avant que le conflit n’éclate en 2011, la Libye disposait d’infrastructures opérationnelles et efficaces qui fonctionnent encore d’un point de vue technique, et ce, malgré les régimes en conflit. Avec des administrations doublées (et même triplées), il faudrait mettre en place de nouveaux canaux de communication ouverts afin de faciliter la mise en œuvre des services plutôt qu’élaborer des arrangements humanitaires désorganisés. L’une des conséquences est que les agences de financement semblent réticentes à utiliser des fonds humanitaires limités pour la Libye et préfèrent adopter une approche « prudente » tout en espérant la conclusion d’un accord politique qui permettrait à la Libye de récupérer ses biens gelés.
Deuxièmement, les opérations humanitaires doivent être menées dans le respect des principes humanitaires que sont la neutralité et l’impartialité, car ils sont considérés comme nécessaires pour assurer l’accès et l’adhésion aux opérations. Le conflit libyen est hautement politique – caractérisé par un paysage en constante évolution, avec des alliances mouvantes en fonction des intérêts et des circonstances.
Aujourd’hui, l’UE et les principaux bailleurs de fonds retardent l’envoi d’une aide humanitaire pour faire pression sur les parties en guerre afin qu’elles reconnaissent le GUN.
Les organisations d’aide humanitaire n’ont d’autres choix que de contourner les règles et de forger des alliances pour assurer l’accès des humanitaires aux populations, tout en tenant compte des antagonismes tribaux et ethniques. Des travailleurs humanitaires soutiennent que ces compromis – en matière d’efficacité et d’« intégrité » de l’aide humanitaire – sont nécessaires pour pouvoir accéder aux populations qui en ont le plus besoin. Mais d’autres les assimilent à une corruption qui favorise l’opportunisme. Dans un débat extrêmement polarisé et dominé par les milices, ils craignent que cette attitude ne mette les travailleurs humanitaires en danger.
Troisièmement, malgré des besoins bien réels, les bénévoles humanitaires présents en Libye peinent à identifier les zones d’intervention prioritaires principalement en raison de contraintes culturelles et de barrières sociales, car il est encore difficile d’établir le contact avec les populations vulnérables. En Libye, ces populations se composent de migrants clandestins et de réfugiés, dont la majorité est originaire d’Afrique subsaharienne, ainsi que de PDIP, principalement des groupes de femmes et d’enfants.
Les PDIP qui sont victimes de la guerre ont besoin d’un soutien psychologique, mais elles ne font pas forcément appel à l’aide humanitaire pour des questions de dignité et en raison de normes sociales. « Elles disparaissent ; nous les entendons, mais nous ne les voyons pas », a expliqué un travailleur humanitaire. En Libye, il semble que les PDIP s’installent en priorité dans des régions et des villes relativement calmes. De manière générale, les besoins humanitaires ne sont pas nombreux, mais les soins de santé mentale sont réels. Cette aide pourrait être fournie lors de la seconde phase de l’intervention, quand la situation s’améliorera. La mise en place d’un soutien à long terme est capitale.
Quatrièmement, la Libye est malheureusement un exemple évident d’une mauvaise utilisation de l’aide pour atteindre des objectifs politiques. Non seulement les fonds humanitaires alloués à la Libye sont limités, mais ils visent à soutenir des objectifs politiques. Ainsi, l’UE [Union européenne] et les principaux gouvernements occidentaux soutiennent activement les négociations menées sous l’égide des Nations Unies entre les parties libyennes pour trouver un règlement pacifique et sont prêts à soutenir le GUN. La formation et la légitimation du GUN permettront la mise en œuvre d’interventions visant à répondre aux deux principales inquiétudes de la communauté internationale : l’immigration clandestine vers l’Europe et la propagation rampante de l’EI. Aujourd’hui, l’UE et les principaux bailleurs de fonds retardent l’envoi d’une aide humanitaire pour faire pression sur les parties en guerre afin qu’elles reconnaissent le GUN.
Les conséquences indirectes sont le manque de liquidités et de fournitures médicales. Cela remet en lumière la question de la neutralité et de l’impartialité humanitaire, car l’aide humanitaire et ses acteurs dépendent de la situation sécuritaire et des projets politiques des bailleurs de fonds occidentaux.
Il est évident que les contributeurs ont plus intérêt à proposer des plans à long terme pour stabiliser la gouvernance et la sécurité, et résoudre les questions liées à la migration plutôt que de mettre en œuvre des interventions humanitaires de courte durée dans ce pays riche en pétrole. Mais il est crucial d’inclure les acteurs humanitaires et de prendre en compte les inquiétudes relatives à la crédibilité et à l’objectivité du travail des acteurs humanitaires en Libye.
Source : IRIN News
http://www.irinnews.org
Le point de vue dans cet article est celui de son auteur et ne reflète pas nécessairement celui d’Epoch Times.
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