Saillies incendiaires contre la « caste politique parasite », promesse de liberté face à « l’État ennemi » : l’économiste ultralibéral Javier Milei élu dimanche à la présidence argentine a renversé en deux ans la politique du pays, captant la colère populaire.
« Viva la libertad, carajo ! » (Vive la liberté, bordel ! ») a crié, meeting après meeting, celui qui a promis austérité, dérégulation et privatisations, pour fouetter une économie à genoux, avec 143% d’inflation sur un an, et quatre Argentins sur dix sous le seuil de pauvreté. Polémiste prisé des plateaux TV depuis des années, mais surgi en politique il y a deux ans, Milei, 53 ans, a promis de refaire de l’Argentine « une puissance mondiale », comme lorsqu’elle était « terre promise » d’émigration, au début du 20e siècle. Un thème de « grandeur retrouvée » qui n’est pas sans rappeler Donald Trump, pour lequel il exprima son admiration.
Volontiers provocateur
Ses outils ? Une tronçonneuse maintes fois brandie en meetings, symbolisant les coupes à venir dans la dépense publique, pour en finir avec « cette aberration appelée justice sociale, synonyme de déficit budgétaire ». Mettant fin à vingt ans de gouvernements péronistes ou libéraux, Milei a aussi promis de dollariser l’économie et d’éliminer la Banque centrale, une fois que le billet vert aura remplacé le peso, la devise nationale qu’il traita « d’excrément ».
Il se décrit comme « anarcho-capitaliste », libertarien, avec une touche libertaire et des postures nationalistes. Très présent sur les réseaux sociaux, Milei fait écho, avec son discours de méritocratie et de dégagisme, auprès d’un public plutôt populaire et jeune, désabusé. « Les gens ont commencé à entendre ce monsieur indigné, en colère, et se sont dit ‘‘enfin quelqu’un qui pense comme moi !’’ », souligne Belen Amadeo, politologue de l’Université de Buenos Aires. « Les propositions de Milei de relever l’Argentine nous donnent espoir pour rester, parce que si on continue comme ça, tous les jeunes vont partir du pays », expliquait à l’AFP Carolina Carabaja, une fan de 20 ans.
Il a su cultiver un profil atypique : un look de rocker défraîchi, parfois en blouson de cuir, et des gestes inédits, comme offrir son indemnité parlementaire par tirage au sort. « Je ne suis pas là pour guider des agneaux mais pour réveiller des lions ! », est un des slogans fétiches du « lion » Milei, emblème qu’il cultive, évoquant sa chevelure-crinière.
« Une des raisons de son succès est qu’il en appelle à l’émotion. C’est un ‘‘politicien TikTok’’ », résume l’économiste Andres Borenstein, du centre de réflexion Econews.A joué aussi un effet nouveauté : « Milei est le seul qu’on n’ait jamais essayé », relève la sociologue Mariana Luzzi de l’institut national de recherche Conicet.
« N’ayez pas peur du changement »
Mais Milei effraie, aussi, avec des idées polémiques, comme la dérégulation de la vente d’armes, une « solution de marché » pour le don d’organes, ou son opposition à l’avortement, légalisé en 2021. Et pour lui, le changement climatique n’est qu’un « cycle », pas « une responsabilité de l’homme ».
Conscient de choquer – comme lorsqu’il insulta le pape – Milei a baissé le ton après le premier tour, où l’avait devancé son rival centriste Sergio Massa. Moins d’apparitions, moins tranchées, et un message : « n’ayez pas peur du changement ». « Nous n’allons pas privatiser la santé, pas privatiser l’éducation », assurait-il dans son dernier clip.
Que fera réellement un président Milei ? Des compromis, sans nul doute, dans un Parlement où son jeune parti, La Libertad Avanza, n’est que la 3e force (38 députés sur 257). Mais inévitablement aussi, des ajustements budgétaires douloureux. « Il apporte avec lui un ingrédient de confrontation politico-sociale », s’inquiète Gabriel Vammaro, politologue à l’Université de San Martin.
Issu d’une famille modeste
Pour médiatique qu’il soit, le Milei privé intrigue : son cercle est restreint, secret, avec en première ligne sa sœur Karina Milei, « le chef », la décrit-il. Sa famille au quotidien ? Quatre énormes mastiffs anglais, ses « fils » comme il les appelle, avec lesquels il vit dans un quartier du nord de Buenos Aires. Depuis peu, il s’affiche avec une humoriste de 42 ans, Fatima Florez.
Javier Gerado Milei a grandi dans la banlieue de Buenos Aires dans une famille de classe moyenne, avec laquelle il a avoué une relation « complexe », marquée notamment par la violence paternelle.
Diplômé d’économie, il a alterné conseil dans le privé, et enseignement, rédigeant des livres d’économie et chroniques, dont certaines lui valurent des accusations de plagiat.
Plus d’une fois, ses rivaux politiques ont pointé du doigt son « agressivité », tentant de le dépeindre « émotionnellement instable », voire « fou ». « La différence entre un génie et un fou, est le succès », aime à répéter Milei.
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