Des proches de l’assaillant, le père d’une élève se plaignant d’un cours sur les caricatures, un sulfureux militant islamiste, des internautes, des collégiens… Quatorze personnes risquent un procès dans l’enquête sur l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020 par un jeune homme radicalisé, abattu peu après par les policiers.
Le professeur d’histoire-géographie a été décapité près du collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), où il enseignait, par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d’origine tchétchène de 18 ans, né à Moscou, qui habitait à Évreux en Normandie. Selon les enquêteurs, ce musulman pratiquant, au comportement empreint de « violence », avait « montré un intérêt plus marqué encore pour la religion » à compter de « l’été 2020 ».
Décapiter un prof pour « venger le prophète »
Le jeune homme s’en est pris à Samuel Paty après avoir pris connaissance d’une polémique sur les réseaux sociaux sur le fait que ce dernier avait montré en classe des caricatures de Mahomet. Dans un message audio en russe, il avait revendiqué son geste en se félicitant d’avoir « vengé le Prophète ». L’assaillant avait posté une vidéo juste avant son attaque sur Snapchat puis une photo de la tête coupée de Samuel Paty ensuite. Il a été tué par balles peu après son acte par des policiers.
Qui sont les complices présumés de ce crime ?
Le parquet national antiterroriste demande vendredi un procès pour complicité d’assassinat terroriste pour Naïm Boudaoud, Français de 21 ans, et Azim Epsirkhanov, Russe de 22 ans, deux connaissances d’Anzorov qui habitaient Evreux comme lui. Ils sont soupçonnés de l’avoir accompagné acheter un couteau et des pistolets à billes. Naïm Boudaoud l’a en outre conduit jusqu’au collège de région parisienne. Le Pnat demande également les assises pour association de malfaiteurs terroriste criminelle pour un autre ami d’Anzorov, Yusuf Cinar, Franco-Turc de 20 ans.
Le mensonge d’une collégienne, absente à ce cours
La polémique sur les caricatures est née du mensonge d’une collégienne scolarisée dans le collège de Samuel Paty et menacée d’exclusion pour indiscipline : elle avait rapporté à ses parents que le professeur d’histoire-géographie avait montré des caricatures du prophète Mahomet lors d’un cours, début octobre, sur la laïcité et l’avait accusé d’avoir demandé aux collégiens musulmans de se signaler. En réalité, elle n’avait pas assisté à ce cours. Pour cette adolescente de 15 ans, le Pnat demande un procès devant le tribunal pour enfants pour dénonciation calomnieuse.
Un militant islamiste qui était fiché S
Son père, Brahim Chnina, Marocain de 51 ans, avait alors lancé une virulente campagne sur les réseaux sociaux avec le soutien du sulfureux militant islamiste Abdelhakim Sefrioui, Franco-marocain de 63 ans. Fiché S, M. Sefrioui, est décrit par la police comme « inscrit dans la mouvance islamiste radicale depuis son arrivée sur le territoire national en 1982 ». Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux cinq jours avant l’assassinat, il qualifiait sans le nommer Samuel Paty de « voyou » et invitait d’autres parents à se mobiliser pour obtenir son exclusion.
Association de malfaiteurs terroriste criminelle
L’enquête n’a pas permis de prouver qu’Anzorov avait vu la vidéo de M. Sefrioui, qui a contesté pendant l’instruction sa mise en examen pour complicité d’assassinat terroriste, comme Brahim Chnina. Le Pnat demande finalement leur comparution aux assises pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Priscilla Mangel, Nîmoise de 34 ans convertie à l’islam, est aussi soupçonnée d’avoir influencé l’assaillant : les enquêteurs pensent que c’est par l’une de ses publications sur Twitter qu’Anzorov a vu pour la première fois la vidéo de Brahim Chnina. Le jeune homme contacte alors cette femme et échange avec elle plusieurs messages. Selon les enquêteurs, cette femme au pseudonyme de « Cicatrice sucrée » a eu plusieurs contacts dans la mouvance islamiste radicale, qu’elle assure ne pas connaître pour la plupart. Le ministère public demande qu’elle comparaisse aux assises pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Les assises sont également demandées pour un Russe d’origine tchétchène de 21 ans et un Français de 18 ans à l’époque des faits, soupçonnés d’avoir encouragé la radicalisation d’Anzorov notamment sur des groupes Snapchat.
Des collégiens ont aidé le tueur dans son plan mortifère
Outre la fille de Brahim Chnina, le parquet demande un procès devant le tribunal pour enfants pour cinq autres collégiens, âgés de 13 à 15 ans lors des faits, pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées, un délit. Ils sont soupçonnés d’avoir désigné le professeur à son meurtrier, qui les avait abordé près du collège. Il avait donné de l’argent à deux d’entre eux. « L’enquête a permis de formellement établir (leur) aide décisive apportée à Abdoullakh Anzorov dans la finalisation de son projet mortifère » en lui désignant l’enseignant, selon les réquisitions du Pnat.
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