Pékin, Mexico, Delhi et d’autres grandes villes ont enregistré ces jours derniers des pics de pollution extrême. Et parmi les niveaux enregistrés ces dernières années, certains sont plus de dix fois supérieurs à ceux préconisés par l’OMS (moyenne annuelle de 10 μg/m³). Les métropoles françaises connaissent à leur tour d’inquiétants pics de pollution atmosphérique dus aux particules fines.
La question de l’efficacité des politiques publiques en ce domaine est désormais posée.
Si les causes de cette pollution – des centrales au charbon à la combustion agricole – diffèrent d’une zone urbaine à l’autre, on note néanmoins une constante : le trafic automobile. Les voitures anciennes et les moteurs diesel produisent des particules nocives pour la santé… et les constructeurs automobiles ont été forcés d’admettre l’an passé qu’ils avaient bafoué les tests sur leurs émissions de diesel.
L’Agence européenne de la santé a publié des chiffres alarmants, avançant le nombre de 43 000 décès prématurés chaque année en France imputés directement ou indirectement à la présence de particules fines dans l’air européen. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) indique pour sa part quelque 3 millions de décès prématurés annuels en lien avec la pollution de l’air.
Des impacts sanitaires et économiques
Est-il normal de ne pouvoir plus pouvoir se déplacer sans craindre pour sa santé ? La première conséquence de la dégradation de la qualité de l’air en milieu urbain est qu’elle augmente le risque d’accident vasculaire cérébral, de cardiopathie, de cancer du poumon et de maladies respiratoires aiguës, comme l’asthme.
Mais ce problème sanitaire a aussi des répercussions sur la société : avec des écoles fermées et des citadins obligés de rester chez eux, c’est toute la vie économique des villes qui tournent au ralenti.
Un autre enjeu concerne l’attractivité des villes touchées par ce phénomène, à une époque où les habitants sont de plus en plus concernés par leur qualité de vie. De fait, les espaces urbains doivent continuellement améliorer cette attractivité, en luttant notamment contre la pollution atmosphérique.
Du Japon à l’Inde, des actions concrètes
Dans Vive la ville, Thierry Pacquot invitait les lecteurs des années 1990 à croire aux potentialités de la ville pour générer des innovations qui soient profitables au développement de tous. Loin de se résigner face aux nuages de gaz toxiques urbains, plusieurs villes dans le monde ont pris le problème à bras le corps en proposant des véritables projets urbains.
Avec ses 29 millions d’habitants, la ville de Tokyo a ainsi réussi à proscrire l’utilisation des voitures à moteur diesel, là où Paris peine à mettre en place la circulation alternée les jours de pics de pollution.
À l’instar de Londres, Bertrand Delanoë avait bien tenté de mettre en place un péage urbain autour de la capitale, mais avait rapidement suscité un tollé de la part des Parisiens.
À partir du 16 janvier 2017, Paris obligera tous les véhicules à posséder une vignette codée en couleur qui indiquera son âge et son niveau de pollution. La police contrôlera alors quelles voitures peuvent ou pas entrer en ville en fonction des émissions du véhicule. Les voitures fabriquées avant 1997 seront interdites. Le coût du stationnement dans Paris a également été revu à la hausse ; le stationnement gratuit les samedis et les jours fériés a été supprimé et certaines routes devraient être transformées en espaces verts.
La capitale française n’est pas la seule à pousser les voitures hors des villes. Le maire d’Athènes, Giorgos Kaminis, espère également interdire tous les véhicules au cœur de la capitale grecque dans les années à venir. Madrid et Oslo vont également dans cette direction, tout comme le quartier du Central Business District à Sydney.
En Inde, pays abritant parmi les villes les plus polluées au monde, le nouveau rapport « Breathing Cleaner Air », rédigé par un groupe d’experts internationaux, présente des solutions qui peuvent réduire de façon significative la pollution atmosphérique, y compris des mesures critiques à court terme.
Parmi ces suggestions figurent la prévention de la combustion des résidus de culture, la fourniture de carburants plus propres aux citoyens, le passage au carburant à faible teneur en soufre et le transfert du transport de marchandises de la voie routière à la voie ferroviaire. Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il projetait de mettre en œuvre une autre recommandation générale concernant la création d’une nouvelle mission nationale de l’air pur afin de coordonner les efforts des autorités locales, nationales et nationales pour prévenir la pollution mortelle dans les villes indiennes. On le voit, la pollution est aussi une question de gouvernance territoriale.
Mobilité douce pour tous ?
De nombreuses métropoles se proposent aujourd’hui de mettre en place des systèmes de location de vélos pour inciter les « intra-muros » à utiliser des modes de circulation non polluants.
Mais quid de ceux qui doivent se rendre à leur travail chaque matin en voiture avec plus d’une heure de trajet, parce qu’il n’y a ni ligne de métro ni transport verts adaptés ? Ces ménages n’ont bien souvent pas les moyens financiers d’acquérir des voitures électriques. Et, là encore, il faut également que la ville soit adaptée à la circulation des vélos en toute sécurité. Mais c’est déjà le cas dans certaines capitales européennes, comme à Copenhague (570 000 habitants, 1,2 million dans son agglomération) qui compte 350 kms de pistes cyclables ou encore aux Pays-Bas avec 500 000 Amstellodamois (sur 840 000 habitants et 1,1 million dans son agglomération) qui enfourchent chaque jour leur vélo.
La prochaine génération porte déjà le fardeau de notre inaction. C’est un problème que nous devons résoudre avec urgence et volontarisme. Réduire la consommation d’électricité liée au charbon, interdire le diesel dans les villes, encourager les voitures électriques et les transports publics, développer les modes de transports doux. Les villes les plus riches devraient regretter d’avoir, avec toutes les ressources qu’elles possèdent, manqué le rendez-vous des villes vertes de demain…
Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur à l’Institut du développement territorial (IDéT), Laboratoire Métis, École de Management de Normandie et Fabien Nadou, Enseignant-chercheur en Développement Territorial, EM Normandie, IDéT-Laboratoire Métis
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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