La participation des Sino-Canadiens à la Seconde Guerre mondiale a été particulièrement remarquable, considérant la situation à laquelle ils étaient confrontés à l’époque. Avec leur ferveur patriotique, ils ont persévéré et sont revenus au pays pour finalement obtenir les droits qu’on leur refusait depuis longtemps.
Après l’entrée en guerre du Canada, un débat faisait rage dans la communauté chinoise quant à savoir si prendre les armes était la bonne chose à faire étant donné les politiques raciales en place.
Même les Sino-Canadiens nés ici n’étaient pas considérés comme des citoyens – ils n’avaient pas le droit de vote et ne pouvaient entrer dans les professions – et la tristement célèbre Loi de l’immigration chinoise avec sa punitive taxe d’entrée était en vigueur.
Il y avait deux camps dans ce débat. D’un côté, on estimait que se porter volontaire au service militaire prouverait la loyauté des Sino-Canadiens envers le Canada et mènerait à l’obtention de la citoyenneté. De l’autre côté, on hésitait à se battre pour un pays pratiquant la discrimination.
Douglas Jung, de Victoria, était dans le premier camp. Dans le documentaire I am the Canadian Delegate, M. Jung explique qu’il était impératif de participer si les Sino-Canadiens voulaient un jour obtenir un statut légal.
« Certains d’entre nous ont réalisé qu’à moins de servir le Canada pendant qu’il en a le plus besoin, nous serions dans une position très difficile d’exiger nos droits en tant que citoyens, parce que le gouvernement pourrait nous répondre : “Qu’avez-vous fait durant la guerre ? Alors que tout le monde combattait, qu’avez-vous fait ?” »
Mais certains qui ont tenté de s’enrôler ont été refusés. La situation était semblable durant la Première Guerre mondiale alors que des postes de recrutement refusaient les Sino-Canadiens, particulièrement en Colombie-Britannique où le racisme envers les Chinois était courant.
« En Colombie-Britannique c’était particulièrement anti-asiatique, mais certains qui vivaient un peu plus loin ou en Alberta ont pu s’enrôler », explique King Wan, président de la Chinese Canadian Military Museum Association.
La Colombie-Britannique, où résidait le plus grand nombre d’immigrants chinois au pays, craignait que les Sino-Canadiens demandent le droit de vote à leur retour s’ils étaient autorisés à aller au combat.
« C’est vraiment triste de voir comment pensaient certaines personnes au gouvernement », estime M. Wan.
C’est seulement après l’entrée en guerre du Japon que les Sino-Canadiens ont pu s’enrôler en toute liberté, et ce changement est survenu à la suite de la directive du ministère de la Guerre britannique.
« Ils voulaient avoir des gens semblables pour combattre les Japonais parce que les Chinois peuvent se fondre dans la population locale sans trop de difficulté. Le gouvernement britannique a donc exercé une pression sur le gouvernement canadien pour leur permettre de s’enrôler », raconte M. Wan.
Après la fin de la guerre, beaucoup de Sino-Canadiens qui ont servi se sont impliqués dans une autre bataille, soit celle pour obtenir les mêmes droits que les autres Canadiens.
Dossier reluisant
Environ 700 Sino-Canadiens ont participé à la Seconde Guerre mondiale, dont Douglas Jung et ses frères Ross et Arthur. Plusieurs ont été recrutés au sein de la Force 136 du Special Operations Executive (SOE) [Direction des opérations spéciales] britannique pour infiltrer le territoire ennemi et combattre les Japonais en Asie du Sud-Est et dans le sud-ouest du Pacifique, particulièrement en Chine, à Sarawak (île de Bornéo) et en Malaisie britannique.
« Bon nombre d’entre eux ont été envoyés là-bas pour travailler avec les guérillas », indique M. Wan. « Certains se sont associés aux habitants et aux autochtones, et un groupe est allé travailler avec les chasseurs de têtes et a appris comment utiliser les dards empoisonnés. »
Douglas Jung est parmi les 13 personnes à s’être portées volontaires pour l’opération Oubli (Operation Oblivion), une mission d’opération spéciale très secrète. Ils ont été entraînés par le SOE (le prédécesseur du MI6) dans un endroit clandestin dans la vallée de l’Okanagan.
Selon le plan initial, le groupe devait être parachuté derrière les lignes ennemies en Chine et organiser des unités de résistance contre les Japonais – une mission extrêmement dangereuse. Les membres avaient reçu une pilule suicide à prendre si jamais ils étaient capturés.
Finalement, la mission a été annulée parce que le général Douglas MacArthur voulait que le commandement du Sud-Est asiatique soit entièrement américain.
On a offert aux 13 volontaires le choix de retourner à la maison, mais ils ont plutôt décidé de continuer leur service et ils ont été envoyés en Nouvelle-Guinée et à Bornéo. Ceux qui sont allés à Bornéo ont recruté des membres d’une tribu locale pour aider à libérer un camp japonais de prisonniers de guerre. Quatre d’entre eux ont reçu la Médaille militaire, un honneur relativement important.
« C’est la proportion la plus élevée de décorations données à une formation militaire canadienne avant, pendant ou après la Seconde Guerre mondiale. Alors nous sommes fiers de ce dossier, tout cela a été réalisé – il faut le garder en tête – à un moment où nous n’avions pas à servir le Canada », explique M. Jung dans le documentaire.
Triomphe au pays
Après la fin de la guerre, beaucoup de Sino-Canadiens qui ont servi se sont impliqués dans une autre bataille, soit celle pour obtenir les mêmes droits que les autres Canadiens.
En 1947, après deux années de pression, les anciens combattants et leurs sympathisants ont triomphé : la loi sur l’exclusion des Chinois a été abrogée, et la première cérémonie de citoyenneté pour des Chinois a été tenue à Vancouver, 400 personnes étaient présentes. Tous les Sino-Canadiens qui remplissaient les conditions requises ont également reçu le droit de vote.
Douglas Jung a joué un rôle dans cette lutte. Après la guerre, il a étudié le droit et il est devenu le premier Sino-Canadien à devenir député à la Chambre des communes en 1957. Presque immédiatement, il a été désigné par le premier ministre John Diefenbaker pour représenter le Canada aux Nations Unies en tant que chef de la délégation juridique.
Il a, par la suite, été reconnu à plusieurs reprises devenant, entre autres, membre de l’Ordre du Canada. Il est décédé en 2002. On reconnaît généralement que lui ainsi que d’autres anciens combattants sino-canadiens n’ont pas seulement joué un rôle crucial dans la guerre, mais leur détermination à lutter pour leurs droits a aussi aidé à changer l’attitude de la société sur les questions raciales.
Cela a été démontré par l’élection de M. Jung dans la circonscription du centre de Vancouver, le même endroit où, en 1907, une bande de voyous est descendue sur le quartier chinois, commettant des actes de vandalisme et lançant certains résidants et leurs effets personnels dans la baie de False Creek après avoir attaché leurs tresses ensemble.
« Cinquante ans plus tard, la même circonscription ayant posé ce geste terrible sur la communauté chinoise s’est rachetée en élisant le premier député sino-canadien », mentionne M. Jung.
Il souligne également sa nomination par Diefenbaker en tant que représentant du Canada à l’ONU comme un pas important pour mettre fin à la discrimination raciale envers les Sino-Canadiens.
« Ce fut un geste très subtil et astucieux posé par le premier ministre Diefenbaker, parce que d’un coup il a annoncé à la planète qu’il n’y avait plus de discrimination raciale au Canada. »
Version originale : Fighting for a Country That Doesn’t Want You
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.