Fausses factures fabriquées à Tel Aviv, comptes bancaires crédités à Wenzhou en Chine et livraisons d’espèces à Paris : le tribunal correctionnel de Marseille suit depuis lundi les méandres de l’un des circuits qu’aurait utilisés l’équipe criminelle corse du « Petit Bar » pour blanchir son pactole.
Bien connu sur la place parisienne pour être un « blanchisseur », Alain Mourot, 79 ans, l’un des 24 prévenus à ce procès entamé le 24 février et prévu jusqu’au 16 mai, a reconnu avoir en une année décaissé 1,7 million d’euros en espèce, dont « 700.000 euros pour les Corses ».
Ancien industriel du textile ruiné au début des années 2000 par la concurrence chinoise, le presque octogénaire a expliqué ses relations d’affaires nouées à l’automne 2019 avec Mickaël Ettori, membre éminent du « Petit Bar », et Anthony Perrino, promoteur immobilier corse, proche de cette bande « mafieuse » selon l’accusation.
« C’était pour acheter des montres et des œuvres d’art, “Micka” avait besoin d’espèces pour obtenir un meilleur prix », raconte-t-il à la barre : « Il m’a dit que c’était pour un banquier en pétrole très riche, ça ne m’a pas choqué ».
Alain Mourot sollicite alors son partenaire, Olivier Müller, alias « Olive » ou « Antoine », car porteur de cheveux longs comme le chanteur, installé en Israël. C’est ce dernier qui va transmettre à Jean-Pierre Valentini, le « riche homme d’affaires » vivant entre Dubaï et la Suisse, une fausse facture et le RIB d’une société chinoise sur lequel celui-ci effectuera deux virements de 150.000 et 160.000 euros depuis l’un de ses comptes à l’étranger, les 27 et 28 novembre 2019.
Une seconde opération de 404.000 euros
Toujours à la demande de Mickaël Ettori, une seconde opération de 404.000 euros, en juin 2020, porte cette fois sur un prétendu achat de quatre tableaux. « Je contacte Müller, c’est trop gros pour moi, mais il me dit : “pas de souci” », explique Alain Mourot.
L’autre facette du blanchiment se joue avec des commerçants chinois d’Aubervilliers, qui disposent d’importantes sommes en espèces. Une fois le compte chinois crédité, le feu vert est donné à Paris pour livrer la somme à Alain Mourot, en plusieurs fois.
À la barre, Jingwu Huang, alias « Jimmy », reconnaît son rôle de livreur de cash. À une petite dizaine de reprises, soit au domicile d’Alain Mourot, soit au centre commercial chinois d’Aubervilliers, il remet des montants avoisinant 200.000 euros dans des sacs poubelle ou des cartons.
« Au début, je n’avais aucune idée de ce que je transportais, mais au fur et à mesure, j’ai compris que c’était de l’argent », explique le prévenu, via une interprète.
« Les commerçants chinois font beaucoup d’espèces »
Ce commerçant chinois se fait en revanche moins disert sur ceux qui, sur une messagerie cryptée, lui donnaient les points de rendez-vous où récupérer les sommes à livrer à Alain Mourot. « Des amis d’amis d’amis d’un ami », botte-il en touche.
« Les commerçants chinois font beaucoup d’espèces et c’est un moyen de transférer de l’argent en Chine pour régler des fournisseurs », avait-il expliqué durant l’instruction. Voire, complète le tribunal, régler des marchandises non déclarées aux Douanes.
La commission de 3% des fonds ainsi blanchis était partagée en deux entre Alain Mourot et Olivier Müller, contre lequel les juges d’instruction ont lancé un mandat d’arrêt.
Des « bruits de comptage de billets »
Si, à la quatrième semaine d’audience, les débats semblent s’éloigner de Corse, ils y reviennent parfois. Le tribunal a ainsi évoqué des sonorisations au domicile de Jacques Santoni, le chef présumé du « Petit Bar », sur lesquelles les enquêteurs entendent des « bruits de comptage de billets » au retour d’un rendez-vous de Mickaël Ettori avec Alain Mourot.
Dans son agenda, véritable pense-bête sur lequel ce dernier notait tout, des indications semblent bien traduire des remises de fonds, comme « Donné à Perrino 75.000 ».
Jean-Pierre Valentini, qui sera entendu la semaine prochaine, a jusque là affirmé avoir seulement été informé de l’arrivée de ses virements sur le compte chinois, mais rien de plus.
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