Comment l’USAID et son budget de 50 milliards de dollars sont devenus la cible d’une réforme

Les partisans de cette agence, créée il y a 64 ans, estiment qu'elle est vitale. Ses détracteurs lui reprochent d'être en dehors de sa mission, de ne pas avoir de comptes à rendre et d'être mal gérée

Par Lawrence Wilson
8 février 2025 16:55 Mis à jour: 8 février 2025 16:55

L’Agence américaine pour le développement international (USAID : U.S. Agency for International Development) était une agence fédérale peu connue jusqu’à ce qu’elle devienne soudainement l’objet d’une bataille politique féroce sur les limites du pouvoir présidentiel et la nécessité de rendre des comptes des bureaucraties gouvernementales.

Lorsque l’administration Trump a fermé les bureaux de l’agence, le 3 février, et a ensuite placé la plupart des employés en congé administratif, l’USAID s’est retrouvée au centre d’un drame qui s’est déroulé aux deux extrémités de Pennsylvania Avenue.

D’un côté, l’administration Trump s’efforce de contraindre l’ensemble du pouvoir exécutif à se conformer à l’agenda du président. De l’autre, les démocrates du Congrès, qui avertissent que cette mesure constitue un dangereux abus du pouvoir exécutif et qui s’engagent à la combattre.

Parallèlement, de nombreux observateurs craignent que le véritable objectif de l’USAID, à savoir la promotion des intérêts américains par le recours au soft power, ne soit négligé.

Le 3 février, le président Trump a nommé le secrétaire d’État Marco Rubio au poste de directeur par intérim de l’USAID. Le lendemain, le Président a fait savoir que l’agence pourrait être fermée et ses fonctions transférées définitivement au département d’État.

Voici pourquoi les détracteurs de l’agence veulent la supprimer ou la réformer, tandis que ses partisans veulent la sauver, et ce qui pourrait se passer par la suite.

L’influence en tant que pouvoir

L’USAID a été créée par un décret du président John F. Kennedy en 1961 pour faire avancer la politique étrangère des États-Unis en offrant aux pays en développement une assistance technique, une aide à l’éducation et aux soins de santé, ainsi que des secours en cas de catastrophe.

L’idée était que la transformation des pays pauvres en citoyens du monde stables profiterait également aux citoyens américains. Une nation stable et prospère est un bon allié, affirmait la théorie.

Les défenseurs de l’USAID continuent de la considérer à la fois comme un outil essentiel de la politique étrangère et comme une expression tangible de la bonté et de la générosité du peuple américain.

La plupart des observateurs s’accordent à dire que l’agence fait du bon travail. Relativement petite selon les standards de Washington, l’USAID emploie environ 10.000 personnes et contrôle un budget annuel d’environ 50 milliards de dollars.

En 2023, l’USAID a consacré 10,5 milliards de dollars à l’aide humanitaire et 10,5 milliards de dollars aux programmes de santé dans les pays du monde entier, selon le service de recherche du Congrès américain (Congressional Research Service).

Un programme souvent présenté comme une réussite éclatante est le Plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (President’s Emergency Plan for AIDS Relief), un programme de l’USAID qui a fourni plus de 110 milliards de dollars pour lutter contre la propagation du VIH/sida dans plus de 50 pays.

Des travailleurs déchargent des fournitures médicales pour lutter contre l’épidémie d’Ebola d’un vol cargo de l’USAID à Harbel, au Libéria, le 24 août 2014. (John Moore/Getty Images)

« La plupart des estimations indiquent qu’environ 27 millions de personnes sont en vie aujourd’hui parce que le président Bush a lancé ce programme et que le Congrès l’a soutenu », a souligné à Epoch Times Scott Pegg, directeur par intérim du programme d’études mondiales et internationales et titulaire de la chaire de sciences politiques à l’université d’Indiana-Indianapolis.

Le président Trump a déclaré le 4 février à la presse qu’« une partie de l’argent était bien dépensée ».

Pourtant, l’aura de l’agence s’estompe à y regarder de plus près. Les critiques parlent d’une agence hors-la-loi, qui gaspille des millions de dollars du contribuable dans des programmes ineptes, qui refuse de répondre aux questions élémentaires des commissions du Congrès et qui sape activement les objectifs de la politique étrangère des États-Unis.

Objectif perdu

Le 3 février, la Maison-Blanche a publié une liste de projets financés par l’USAID qu’elle considère comme des exemples de gaspillage et d’abus.

Les projets comprennent 1,5 million de dollars pour « promouvoir la diversité, l’équité et l’inclusion sur les lieux de travail et dans les communautés d’affaires de Serbie », 47.000 dollars pour un « opéra transgenre » en Colombie, et 2,5 millions de dollars pour des véhicules électriques au Viêt Nam.

Le 3 février, le député républicain du Texas Wesley Hunt a énuméré d’autres exemples sur la plateforme de médias sociaux X, notamment 56 millions de dollars pour stimuler le tourisme en Égypte et en Tunisie et 27 millions de dollars pour des « sacs-cadeaux de réintégration » destinés aux ressortissants d’Amérique centrale expulsés.

M. Hunt a déclaré que l’agence se comportait « comme un enfant avec VOTRE carte de crédit ».

Selon une étude du Middle East Forum publiée le 1er février, des organisations contrôlées par des terroristes figurent parmi les bénéficiaires des subventions de l’USAID.

122 millions de dollars ont été versés à des groupes alignés sur des organisations terroristes désignées

L’étude a révélé que 122 millions de dollars ont été versés à des groupes alignés sur des organisations terroristes désignées, dont des millions de dollars pour des organisations directement contrôlées par le groupe terroriste Hamas.

Un rapport du Bureau de l’inspecteur général des États-Unis publié en juillet 2024 fait état de lacunes et de faiblesses dans le processus de contrôle de l’USAID, qui est censé empêcher le détournement de fonds américains au profit d’organisations terroristes.

Dans un cas d’abus apparent, l’USAID s’est associée à Chemonics, une société de conseil internationale, pour dépenser 9,5 milliards de dollars afin d’améliorer les chaînes d’approvisionnement en produits de santé. Chemonics aurait surfacturé l’agence à hauteur de 270 millions de dollars et n’aurait pas atteint ses objectifs. Le projet a donné lieu à 31 inculpations pour revente illégale de matériel financé par l’USAID, selon la sénatrice républicaine de l’Iowa Joni Ernst, qui a demandé une analyse indépendante sur les bénéficiaires de subventions de l’USAID.

Un projet financé par l’USAID pour la réhabilitation du Club sportif de Tubas est fermé, à Tubas, en Cisjordanie, le 4 février 2025. (Jaafar Ashtiyeh/AFP via Getty Images)

D’après Mme Ernst, l’USAID a également fourni près d’un million de dollars de financement à l’Institut chinois de virologie de Wuhan, qui, selon la CIA, serait la source la plus probable du virus à l’origine du Covid-19.

Selon certains législateurs, l’USAID a résisté au contrôle du Congrès pendant des décennies, ce qui a donné lieu à une culture de défiance.

« L’agence s’est engagée dans une pratique avérée d’obstructionnisme », a écrit Mme Ernst dans une lettre adressée à M. Rubio le 4 février.

L’agence a refusé de fournir des données sur les coûts administratifs et a déclaré par la suite que la communication de ces données au Congrès constituerait une violation de la loi fédérale, a déclaré Mme Enst.

De fausses allégations ont été faites sur la classification de certains documents afin de retarder leur examen par les membres du personnel du Congrès et d’induire le Congrès en erreur sur les coûts indirects des programmes, a écrit Mme Ernst, ajoutant que dans certains cas, ces frais s’élevaient à plus de 25 % du montant total de la subvention.

L’agence a refusé de fournir des données sur les coûts administratifs, a souligné Mme Ernst. L’agence a ensuite déclaré que la communication de ces données au Congrès violerait la loi fédérale et qu’elle n’était pas tenue de répondre puisque Mme Ernst n’avait pas présenté de demande formelle émanant d’une « commission compétente ».

« Les acteurs de Washington sont plus en colère contre le DOGE – qui essaie d’arrêter les dépenses inutiles – que contre l’USAID qui utilise l’argent des contribuables à mauvais escient », a déclaré Mme Ernst à Epoch Times.

« L’agence m’a opposé une fin de non-recevoir et a utilisé toutes les astuces possibles pour cacher au peuple américain ce qu’elle est en train de faire. Elle a menti, induit en erreur et trompé les contribuables, mais je ne me laisserai pas décourager dans ma lutte pour faire éclater la vérité. »

M. Rubio a lui-même critiqué l’agence le 3 février, après avoir été nommé responsable par intérim.

« Ils ont évolué vers une agence qui croit qu’elle n’est même pas une agence du gouvernement américain, mais une organisation caritative internationale », a déclaré M. Rubio lors d’une interview sur Fox News.

Pire encore, l’agence travaille souvent à contre-courant des intérêts des États-Unis, a ajouté le secrétaire d’État.

« L’une des plaintes les plus fréquentes que vous recevrez […] des fonctionnaires du département d’État et des ambassadeurs, entre autres, est la suivante : non seulement l’USAID n’est pas coopérative, mais elle sape le travail que nous faisons dans ce pays », parfois en avançant des programmes que le gouvernement hôte juge inacceptables, a déclaré M. Rubio.

S’exprimant au sujet de l’USAID à l’ambassade des États-Unis au Salvador le 4 février, il a déclaré : « Cela fait 20 ou 30 ans que les gens essaient de la réformer et qu’elle refuse de l’être. Lorsque nous étions au Congrès, nous ne pouvions même pas obtenir de réponses à des questions élémentaires sur les programmes. Cela ne va pas continuer. »

Le 7 février 2025 à Washington, DC, le bâtiment de l’Agence américaine pour le développement international. (Kayla Bartkowski/Getty Images)

Réaction des Démocrates

Les démocrates du Congrès se sont insurgés contre cette nouvelle, affirmant que la fermeture de l’agence équivalait à une ingérence illégale du Président.

« Voilà à quoi ressemble le début d’une dictature, lorsque vous vous emparez de la Constitution et que vous vous installez comme l’unique pouvoir », a déclaré la représentante du Parti démocrate du Minnesota Ilhan Omar, lors d’une conférence de presse tenue le 3 février. « Ce que Donald Trump, Elon [Musk] et tous leurs acolytes essaient de faire, c’est de priver le Congrès de son pouvoir constitutionnel. »

M. Rubio a décrit l’action récente concernant l’USAID en des termes différents, affirmant qu’il s’agissait de reprendre le contrôle de bureaucrates qui se livraient à une « insubordination caractérisée ».

« Nous n’avions pas d’autre choix que de prendre des mesures radicales pour maîtriser la situation », a-t-il déclaré.

Si une réorganisation de l’USAID semble relever de l’autorité du Président, la fermeture pure et simple de l’USAID ou son placement sous le contrôle direct du département d’État pourrait ne pas l’être, estime le service de recherche du Congrès.

Les Démocrates ont juré de s’opposer à ce changement devant les tribunaux. « Tenter de fermer l’Agence pour le développement international par décret est tout simplement illégal », a déclaré le sénateur du Parti démocrate du Maryland Chris Van Hollen à la presse le 3 février.

Epoch Times a demandé des commentaires supplémentaires à MM. Omar et Van Hollen, mais n’a reçu aucune réponse à l’heure de la publication.

Si une réorganisation de l’USAID semble relever de l’autorité du Président, sa fermeture ou son placement sous le contrôle direct du département d’État pourrait ne pas l’être, selon une note du service de recherche du Congrès (Congressional Research Service).

Ilhan Omar (Parti démocrate du Minnesota) lors d’une conférence de presse devant le siège de l’USAID à Washington, le 3 février 2025. (Kayla Bartkowski/Getty Images)

Lors de sa création en 1961, l’USAID faisait partie du département d’État. Toutefois, en 1998, le Congrès a fait de l’agence un « établissement indépendant » au sein du pouvoir exécutif.

Un établissement indépendant, tel que défini par la loi, ne fait pas partie d’une autre agence. Le Président ne peut donc pas dissoudre l’agence ou l’intégrer entièrement au département d’État sans violer l’intention du Congrès.

Réorganisation possible

Une solution pourrait être de réorganiser l’USAID plutôt que de la fermer. Selon le Service de recherche du Congrès, rien dans la loi ne dicte comment l’agence doit être structurée, de sorte que le Président peut procéder à des changements organisationnels, « y compris le transfert de certaines fonctions de l’USAID au département d’État ».

Cette solution pourrait satisfaire certains observateurs qui craignent que la bataille entre le Congrès et le Président ne fasse perdre de vue à la fois la nécessité stratégique d’aider les pays alliés à se développer et l’impératif moral de l’aide humanitaire.

« Certes, vous pouvez trouver des programmes moins efficaces ou moins bénéfiques que d’autres, mais l’USAID fait un excellent travail et constitue une projection importante de la politique étrangère et de la puissance américaines », a souligné M. Pegg.

Je pense que nous allons être la nation la plus généreuse de la planète selon des modalités qui ont du sens, qui correspondent à notre intérêt national.

Pour M. Rubio, la réforme de l’USAID ne doit pas aboutir à « se débarrasser de l’aide à l’étranger ».

Il a ajouté qu’aucune décision n’avait encore été prise quant aux activités qu’il serait préférable de confier au département d’État et à celles qui pourraient rester sous l’égide d’une USAID réformée.

L’un des principaux objectifs de la restructuration est d’aligner les projets d’aide à l’étranger sur la politique étrangère des États-Unis.

« Je pense que nous allons être la nation la plus généreuse de la planète selon des modalités qui ont du sens, qui correspondent à notre intérêt national », a assuré M. Rubio.

Le secrétaire d’État Marco Rubio à l’aéroport international de La Aurora à Guatemala City le 4 février 2025. (Johan Ordonez/AFP via Getty Images)
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