« Traîtresse »: une écrivaine chinoise qui a tenu un journal de confinée à Wuhan, à l’épicentre du Covid-19, est accusée de donner du grain à moudre aux critiques de la Chine en publiant son récit à l’étranger.
Âgée de 64 ans, issue d’une famille aisée d’intellectuels, Fang Fang est une romancière connue dans son pays. Intégrée au système, elle a remporté le plus prestigieux prix littéraire chinois en 2010.
« Fang Fang est une romancière chinoise connue pour ses romans néo-réalistes et son amour pour la ville de Wuhan. » https://t.co/9vrIXwGcFi
— arnauld ?? (@arnauld) March 11, 2019
Fang Fang entame un journal peu après le confinement de Wuhan
Wuhanaise, elle entame un journal peu après le confinement de la métropole le 23 janvier, qu’elle publie en ligne. Achevé fin mars après 60 entrées, il raconte la peur, la colère et l’espoir des 11 millions d’habitants.
Son contenu? Récit d’hôpitaux saturés qui refusent les malades, de son quotidien de confinée, du décès de proches, de l’entraide entre habitants, ou encore du plaisir simple de voir le soleil illuminer sa chambre.
« Un ami docteur m’a dit: nous les médecins savons tous depuis un moment qu’il y a une transmission interhumaine de la maladie, nous avons rapporté ça à nos supérieurs, mais pourtant personne n’a averti les gens », écrit-elle au 38e jour de confinement.
Chinois intéressés par un point de vue différent
Sa chronique subjective d’écrivaine, présentée comme non-journalistique, a été suivie par des millions de Chinois intéressés par un point de vue différent sur l’actualité, face à des médias très contrôlés.
Mais Fang Fang est devenue controversée.
Il est très difficile de parler vrai en ce moment en Chine. Fang Fang, écrivain habitant à #Wuhan, dont le journal de confinement est devenu un must pour les internautes chinois, a été accusée de «crime pour subversion du pouvoir d’Etat» par un doctorant de l’Université de Pékin pic.twitter.com/sAtEcSBZHU
— Zhulin Zhang (@ZhangZhulin) March 23, 2020
Car son journal sera publié dans les prochains mois dans plusieurs langues étrangères, dont l’anglais, l’allemand et le français. En France, il sortira le 9 septembre chez Stock sous le titre « Wuhan, ville close ».
Critiquer le gouvernement chinois
Principal reproche: offrir avec cette traduction un prétexte aux étrangers pour critiquer le gouvernement chinois. Notamment aux Etats-Unis, qui accusent Pékin de réaction tardive face à l’épidémie. ( ce qui est justifié)
Saluant un récit « mélangeant l’étrange et le dystopique », il vante une écrivaine qui s’élève contre les « problèmes politiques systémiques » d’un « pays autoritaire ».
La traduction du livre en pleine confrontation avec Washington « n’est pas vraiment de très bon goût », a déploré Hu Xijin, influent rédacteur en chef du tabloïd nationaliste Global Times. ( journal officiel du parti communiste chinois)
Elle a tenu pendant soixante jours son journal de confinement dans la ville qui était l’épicentre de l’épidémie de Covid-19 en Chine. Entre tristesse et révolte, Fang Fang décrit le traumatisme subi par les 9 millions d’habitants de Wuhan et s’inquiète … https://t.co/nncMEufBz5
— Courrier inter (@courrierinter) April 4, 2020
« Expose le côté sombre de Wuhan » le journal Global
« Au final, ce seront les Chinois, y compris ceux qui soutenaient Fang Fang au départ, qui devront payer le prix de sa renommée en Occident », souligne-t-il sur Weibo, s’attirant plus de 190.000 « j’aime ».
Le Global Times évoque un récit « partial » qui « n’expose que le côté sombre de Wuhan ».
Critiquée voire insultée, Fang Fang se dit victime de la « cyberviolence » de nationalistes – même si un certain nombre d’internautes lambda la critiquent également.
Conséquence: plusieurs éditeurs chinois intéressés à l’origine par la publication du texte de Fang Fang hésitent devant la polémique, affirme l’écrivaine.
« Pourquoi on ne sortirait pas ce livre? Juste parce que certains risquent de nous utiliser? Si les gens lisent vraiment mon journal, ils découvriront toutes les mesures efficaces que la Chine a prises contre l’épidémie », argumente-t-elle dans une réponse publiée sur le site internet du magazine Caixin.
L’éditeur français Stock « une page de l’histoire de l’humanité »
Elle promet par ailleurs de verser toutes ses royalties « aux familles des soignants décédés ».
Interrogé par l’AFP, son éditeur français Stock a justifié mardi la publication du journal par son « intérêt documentaire » à propos d’un événement « qui s’annonce comme peut-être une page de l’histoire de l’humanité ».
Face à cette lapidation en ligne, beaucoup d’internautes ont volé au secours de l’autrice sur Weibo, jugeant les attaques « disproportionnées ».
« Fang Fang ne doit rien à personne », souligne une commentatrice. « Libre à vous d’écrire un journal qui va à l’encontre de ce qu’elle raconte, de le traduire et de le publier à l’étranger! »
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.