De nos jours, le télétravail et le travail autonome sont courants. Si les avantages de travailler chez soi sont nombreux et indéniables, ils sont également la source d’un problème de plus en plus courant dans notre société : les gens sont de plus en plus isolés des relations directes avec autrui. Bien que les outils de communication n’aient jamais été aussi nombreux, rien ne vaut une vraie conversation face à face avec une vraie personne. Sortir de chez soi pour aller travailler dans un espace de travail collectif (appelé cotravail ou co-working) permet de se mettre dans un contexte relationnel important pour développer notre intelligence émotionnelle.
« Qu’on le veuille ou non, on est d’abord des êtres humains, des êtres sociaux, des êtres d’émotion, avant même d’être un être de cognition et de raisonnement cartésien. Les gens ont besoin de relationnel, c’est inhérent à la nature même [des humains] », souligne Denis Morin, professeur titulaire en gestion de ressources humaines à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.
Certains sont capables de travailler plus longtemps seuls, d’autres ont plus de difficulté à se motiver pour travailler seuls. «Quand les gens disent qu’il faut être capable de gérer sa solitude, oui, mais à un moment donné, il y a une limite », soutient le professeur dont un des domaines d’expertise est l’intelligence émotionnelle.
Les espaces de cotravail sont donc une autre possibilité intéressante pour les travailleurs autonomes et ceux qui sont en démarrage d’entreprise, principalement ceux qui ont un plus grand besoin de contacts sociaux. Selon Denis Morin, le lien entre l’intelligence émotionnelle et le cotravail est essentiel, même s’il est surpris qu’il n’y ait eu que très peu d’études scientifiques sur le sujet à ce jour.
Le fait de discuter avec d’autres, même s’ils ne sont pas dans le même secteur d’emploi, permet de générer des idées, une dimension créative et il peut même en résulter une collaboration professionnelle. Allié aux avantages d’être travailleur autonome – entre autres déterminer soi-même ses heures de travail pour bien concilier travail et vie personnelle – « ça vient énergiser le travail quand on est dans un milieu d’interrelation », assure le professeur de l’UQAM.
Qui parle de relationnel parle d’intelligence émotionnelle. Il faut avoir des capacités de gestion des conflits, savoir faire preuve d’humilité, admettre ses torts et faire amende honorable. Il faut encore être capable de développer une sensibilité à l’égard des besoins des clients, des fournisseurs et des cotravailleurs de manière à comprendre leur point de vue.
« La qualité des relations interpersonnelles est une caractéristique fort importante du bien-être psychologique. Les études dans le domaine montrent clairement que la qualité des relations interpersonnelles, le développement des relations interpersonnelles gratifiantes, harmonieuses, contribuent au bonheur des gens », assure le spécialiste de la gestion des ressources humaines.
Pour ceux qui n’ont pas une bonne intelligence émotionnelle, pas de panique : les compétences sociales peuvent se développer. Vous n’êtes pas condamné : il ne tient qu’à vous de les travailler. Par contre, les études n’ont pas encore démontré jusqu’à quel point elles peuvent se développer.
Limites du cotravail
Certains aspects du cotravail peuvent être contraignants : le bruit, le manque de vie privée, le fait de travailler dans un bureau à aire ouverte – même si certains espaces de travail collectif disposent également de bureaux fermés. Ici, pas de culture commune, contrairement à une entreprise qui a une vision, une trajectoire. Il faut savoir s’adapter pour travailler seul mais entouré de gens. Vous devez être discipliné pour bien séparer les périodes de travail des périodes de réseautage.
C’est chaque personne […] qui est responsable de maintenir les bonnes relations interpersonnelles de qualité.
– Denis Morin, professeur en gestion des ressources humaines à l’UQAM
Dans le cas où l’un des cotravailleurs a une intelligence émotionnelle faible (une personne qui gère mal ses émotions auprès d’autrui, qui critique par exemple ouvertement les autres avec un esprit vengeur), la collaboration ne se fera pas. Il va être progressivement isolé, informellement, et il risque de ne pas rester longtemps dans ce milieu de travail collectif. Il peut bien entendu aller voir ailleurs, mais il ferait mieux de faire des efforts pour travailler son intelligence émotionnelle parce que c’est lui-même qui souffre le plus. « Il y a eu des études qui montrent très clairement qu’une forte intelligence émotionnelle contribue à un meilleur bien-être personnel et professionnel », remarque Denis Morin.
Cotravail à temps partiel ?
Une des solutions pour bénéficier à la fois de la flexibilité du travail à la maison et des avantages du cotravail pourrait être tout simplement de partager son temps entre les deux endroits, une idée que le professeur en gestion des ressources humaines considère « absolument intéressante ».
C’est ce qu’a choisi Esther Matte, cofondatrice de Noburo, un nouvel espace de travail collectif situé à Granby. Travailleuse autonome depuis plus de 20 ans, elle a choisi de sortir du confort de chez elle deux jours par semaine pour aller travailler à Noburo.
« Quelle adaptation… et quel bonheur ! J’ai perdu une partie de ma productivité et j’ai gagné beaucoup plus en énergie, en idées, en contacts et en satisfaction », écrit-elle sur le site web de l’espace de cotravail, quelques semaines seulement après avoir commencé à expérimenter cette nouvelle organisation de son temps de travail.
Valoriser les bonnes attitudes
Denis Morin pense que, d’une manière générale, il faudrait valoriser et reconnaître les bonnes attitudes et les bons comportements au travail. « Ça fait partie des valeurs organisationnelles de civilité, de préoccupation pour autrui, de facilitation interpersonnelle, etc. L’esprit de communauté a perdu de son lustre. Il faut revenir aux bonnes relations en ce qui concerne la famille et le milieu de travail. C’est chaque personne, le gestionnaire, mais aussi chaque employé qui est responsable de maintenir les bonnes relations interpersonnelles de qualité, ce qui a des conséquences sur le climat de travail », insiste le professeur de l’UQAM.
Il y a eu des études qui montrent très clairement qu’une forte intelligence émotionnelle contribue à un meilleur bien-être personnel et professionnel.
– Denis Morin, professeur en gestion des ressources humaines à l’UQAM
L’intelligence émotionnelle
L’intelligence émotionnelle (IÉ) repose fondamentalement sur des habiletés sociales. Elle est la capacité d’un individu à bien percevoir, apprécier et exprimer convenablement les émotions, de comprendre et de gérer convenablement ses propres émotions et celles des autres. Les gens ayant une IÉ élevée savent régulariser leurs émotions dans différentes situations de leur vie quotidienne et dans leur milieu de travail, tout en étant capables de saisir la portée de leurs émotions dans le cadre des relations interpersonnelles.
Un débat oppose les aptitudes cognitives (évaluées sous forme de quotient intellectuel ou QI) à l’IÉ. Entre les deux, qu’est-ce qui est le plus important ? Selon Denis Morin, il faut avoir les deux, aucune n’étant plus importante que l’autre.
L’IÉ comprend, entre autres :
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