Le chlordécone, pesticide cancérogène et perturbateur endocrinien qui a contaminé les sols de Martinique et de Guadeloupe (Antilles françaises) pour les 600 prochaines années, est au centre d’un colloque scientifique mardi et mercredi en Martinique, où la population reste fragilisée par ce scandale sanitaire. Le pesticide, utilisé jusqu’en 1993 dans les bananeraies antillaises pour lutter contre les charançons, est présent dans les rivières, sur certains rivages maritimes et dans un tiers du sol martiniquais.
Fin septembre aux Antilles, le président français Emmanuel Macron a estimé que l’État devait « prendre sa part de responsabilité » dans cette pollution. Mais il a aussi expliqué que « l’état des connaissances scientifiques ne (permettait) pas de certifier » la dangerosité de la molécule pour la santé, bien que l’on « présume le lien avec les naissances prématurées, les retards de développement cérébral et d’autres pathologies ».
Moïse Chérubin Jeannette, 65 ans, a travaillé dans les bananeraies à la fin des années 1980. Il s’est ensuite installé sur un terrain au Morne Rouge (nord de la Martinique), saturé en chlordécone: « Le produit est volatil. Moi j’étais parti en agriculture durable, je faisais tout à la main. Etant donné qu’on est proche du sol, vous le respirez. Aujourd’hui je me retrouve avec une prostate qui est énorme! », raconte-t-il à l’AFP, sans jamais parler de cancer, sujet tabou.
Aux Antilles, champions du monde du cancer de la prostate, l’étude Karuprostate, publiée en 2010 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a établi une « association causale entre l’exposition au chlordécone et le cancer de la prostate ». Mais cela reste une supposition, pas encore un lien confirmé.
Le colloque scientifique, qui rassemblera mardi et mercredi une quarantaine de chercheurs dans la localité de Schoelcher (Martinique), fait partie du plan de prévention de l’Etat français Chlordécone III (2014-2020). La population, elle, pourra poser ses questions lors d’un débat public jeudi en Martinique, et vendredi en Guadeloupe. Le colloque « n’aura pas de retombée concrète positive pour le médecin martiniquais, quand il se trouvera face à son patient », regrette Josiane Jos Pelage, pédiatre et présidente de l’Association Médicale de Sauvegarde de l’Environnement et de la Santé.
Chaque semaine, elle suit des enfants souffrant de troubles du développement cognitif et de la motricité, des effets du chlordécone, selon une étude publiée en 2012 sur l’impact du pesticide sur la grossesse et le développement des enfants. Six ans après, « nous n’avons aucune consigne quant à la prise en charge des femmes contaminées qui auraient mis au monde un enfant contaminé ». Pour son confrère Louis-Léonce Lecurieux Lafferonnay, responsable des consultations externes à l’hôpital du Saint-Esprit, « à partir du moment où le président de la République reconnaît que le chlordécone est en partie de la responsabilité de l’Etat, il faudrait qu’il nous donne les moyens de faire les dosages biologiques qui soient remboursés par la Sécurité sociale ».
Actuellement, il en coûte 70 euros à tout Martiniquais qui veut connaître son taux de chlordécone. Selon Santé publique France, qui doit préciser son étude lors du colloque, « plus de 90% de la population adulte » de Guadeloupe et Martinique est contaminée. Pour le président du Parc Naturel de Martinique, Louis Boutrin, il n’y a qu’une solution, le « zéro chlordécone ». Selon une étude, « si au bout de 4 à 5 ans, il n’y a pas de chlordécone dans l’alimentation, le rat fini par éliminer (la molécule, NDLR). Il y a de fortes probabilités que l’homme puisse aussi l’éliminer ».
Cinquante agriculteurs ont déjà été labellisés « zéro chlordécone » par un cabinet indépendant. Les autres se conforment aux Limites Maximales de Résidus ( LMR, 0,020 milligramme de pesticide par kilo de denrées). Les terrains de chaque agriculteur et éleveur ont été contrôlés pour adapter la culture à son sol. Les pêcheurs aussi ont dû repenser leur activité. Certaines zones de pêches littorales ont été interdites. Mais 8% des poissons pêchés sont encore au dessus des LMR.
D.C avec AFP
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